DUMAS-PRIMBAULT Jacques, Marie, Georges

Par André Caudron, Nathalie Viet-Depaule

Né le 7 octobre 1905 à Cérilly (Allier), mort le 13 juillet 2005 à Cérilly ; ingénieur des télécommunications (1930), directeur régional des télécommunications à Limoges (Haute-Vienne, 1941-1960), directeur adjoint (1961), puis directeur des bâtiments et des transports au ministère des PTT (1966) ; responsable de l’Action catholique des milieux indépendants (ACI, 1941-1954) ; résistant Haute-Vienne, membre du CDL de la Haute-Vienne (1944) ; militant de l’Union des chrétiens progressistes et du Mouvement de la paix (1950).

Aîné de trois enfants, Jacques Dumas-Primbault appartenait à une lignée de tradition royaliste, famille aisée depuis quelques générations et possédant 750 hectares autour du château « La Pierre » à Cérillly dans le Bourbonnais. Son père formé à l’université de Louvain, docteur ès sciences, avait beaucoup voyagé et comparé les expériences d’exploitation agricole.
Le fils reçut une éducation bourgeoise, avec un précepteur à la maison et quelques leçons données par le père. Il fréquenta ensuite l’école Gerson puis le lycée Janson de Sailly à Paris, seulement à partir de la classe de première, avant d’entrer à l’École polytechnique. Ingénieur des télécommunications en 1930, il obtint un poste au ministère des PTT, à la direction de l’exploitation téléphonique.
Marié depuis le 15 octobre 1928 avec Marguerite-Marie dite Moune Guieu, issue d’une famille riche de Brive-la-Gaillarde, Jacques Dumas-Primbault s’était installé à Paris. Il s’engagea dans la vie paroissiale, fit partie de la Conférence de saint Vincent de Paul et participa pendant un an, non loin du Trocadéro, à un groupe de chrétiens animé par le docteur de Vulpian et préfigurant l’Action catholique des milieux indépendants (ACI).
Mobilisé en septembre 1939, fait prisonnier avec l’état-major de la 5e armée, il fut envoyé en Allemagne. Libéré en mars 1941 comme père de famille nombreuse, il reprit ses fonctions au ministère. Six mois plus tard, il était nommé directeur régional à Limoges, ce qui le rapprocha de sa femme et de ses enfants réfugiés en Corrèze.
J. Dumas-Primbault, dépendant de la paroisse Saint-Michel, y retrouva une Conférence de saint Vincent de Paul. Très vite, il fut contacté par l’abbé Achille Glorieux, collaborateur de La Croix, repliée à Limoges, pour organiser l’ACI. Il réussit à mettre sur pied trois groupes dans cette ville et en devint le président jusqu’en 1954, date à laquelle il quitta l’ACI car elle ne répondait plus à ses attentes. Sa femme fit elle-même partie d’un groupe d’ACI féminine dont l’aumônier était Joseph Rousselot*, personnalité charismatique qui demandait alors au père Augros des prêtres de la Mission de France pour Limoges.
Le mode de réflexion mis en œuvre à l’ACI puis la fréquentation de chrétiens progressistes allaient faire de lui un « chrétien autrement ». Ayant fait la connaissance de Frédéric Tarneaud, fils du directeur de la banque Tarneaud (banque privée de Limoges), il se lia également avec un professeur de lettres du lycée Gay-Lussac, Jean Poublan. Pendant l’Occupation allemande, après l’invasion de la zone libre et l’occupation de Limoges en novembre 1942, sans entrer dans un mouvement organisé, il participa de manière informelle à la Résistance, aidant à cacher des juifs, donnant le minimum de renseignements aux Allemands, communiquant des informations aux réseaux. Il travailla en particulier avec un autre résistant, polytechnicien comme lui, Jean Gatard, membre des services secrets de la France libre auquel il fournit de nombreux renseignements et surtout la carte des circuits de commandement allemands que Jean Gatard put transmettre par radio à Alger. Surtout il prit l’initiative de dissimuler, lorsque les Allemands franchirent la ligne de démarcation en novembre 1942, le matériel de transmission déposé au dépôt de Mas Loubier (une ancienne usine de porcelaine vendue par la maison Haviland et acquise par les PTT après la première guerre mondiale). Il fallut 74 dépôts clandestins pour le camoufler dans des fermes des alentours, au nom des PTT, avec sa signature. Quatre seulement furent découverts, ce qui lui valut d’être inquiété par la police allemande. Il soutint également l’action de son collègue Arnold Hanff, ingénieur des PTT, chef du service du Noyautage des Administrations publiques (NAP) des MUR. Après l’arrestation de celui-ci et de son épouse le 14 mars 1944 dans la cache du Mas Loubier, Jacques Dumas-Primbault et sa femme prirent en charge leur fille Laure Hanff et assurèrent sa protection et son tranfert vers un refuge dans la Drôme, qui lui permit d’échapper aux persécutions antisémites du nazisme.
Dumas-Primbault, qui avait constaté le courage des communistes sous l’Occupation, accepta de siéger au Comité départemental de Libération au nom du Front national et en tant que chrétien, à la fin de septembre 1944, en remplacement de l’écrivain Luc Estang, critique littéraire de La Croix, qui quitta Limoges pour Paris quand ce journal regagna la capitale. Il présida la commission d’élargissement, puis appartint à la « commission presse ».
Ce fut Frédéric Tarneaud qui emmena pour la première fois son ami au Masgoulet, quartier de Limoges où Henri Chartreux, prêtre-ouvrier, tentait de faire vivre une communauté. Tarneaud était aussi entré en relation avec Gabriel Auclair, Michel Anselme et Pradat qui, dans le sillage d’Économie et Humanisme, avaient créé une coopérative ouvrière de production à Poulouzat (fabrique de sièges en bois) et avaient besoin de fonds. Au Masgoulet, Dumas-Primbault suivit des conférences des pères Chenu*, Laporte*, Féret* ; il rencontra aussi un autre groupe de chrétiens réunis autour du père André Négrin* et de Gilberte Raymond*. Il avait alors le sentiment qu’il existait deux clergés séparés.
En compagnie de Poublan, responsable départemental de l’Union des chrétiens progressistes (UCP), il s’engagea au Mouvement de la paix, sans y exercer de responsabilités mais un peu comme tête de file, comme figure symbolique. En 1950, il signa l’appel de Stockholm avec d’autres chrétiens de Limoges — Michel Coignac, Pierre Quéraud (JOC), le docteur de Léobardy, de l’Académie de médecine, Claude Manigaud (ACO) — et prit position plus tard contre la guerre d’Algérie. Présent à des réunions de l’UCP à Paris et à Limoges, il fut aussi l’un des fondateurs d’un comité local de défense des chômeurs, destiné à créer un fonds de chômage. Il n’hésita pas à manifester maintes fois avec les communistes, ce qui lui valut d’être la cible du Populaire du Centre, journal socialiste. Il se rendit chez l’évêque, Mgr Rastouil, aussi bien pour lui expliquer les mesures d’Antoine Pinay et éviter qu’il ne les publie dans la Semaine religieuse du diocèse que pour protester contre la décision romaine de supprimer les prêtres-ouvriers. Il avait aussi présidé l’Union départementale des associations familiales.
Son engagement aux côtés des communistes expliquait qu’il n’ait pas fait « une belle carrière ». Il lui fallut attendre 1961 pour revenir à Paris comme ingénieur général, directeur adjoint puis directeur en 1966 des bâtiments et des transports du ministère des PTT.
Dix années durant, il présida l’Association des Amis de la Mission de France. Commandeur de la Légion d’honneur, veuf depuis 2000, il mourut presque centenaire. Il avait eu neuf enfants - sept filles et deux garçons -, trente petits-enfants et cinquante et un arrières-petits-enfants. Sa fille Anne partit travailler en usine à Lyon et son fils Guy fit un cycle d’études au séminaire de la Mission de France (1951-1955).
Le pasteur Albert Chaudier, qui avait présidé le Comité de Libération de la Haute-Vienne, a rendu hommage, dans ses souvenirs, à « ce haut fonctionnaire actif, ponctuel, empressé à servir, qui était, tout autant, un homme de cœur ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article23306, notice DUMAS-PRIMBAULT Jacques, Marie, Georges par André Caudron, Nathalie Viet-Depaule, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 11 mai 2020.

Par André Caudron, Nathalie Viet-Depaule

ŒUVRE : avec J. Pellé, Cours de téléphonie automatique rurale, Librairie Eyrolles, 1941. — Collaboration aux Annales des Postes, Télégraphes et Téléphones, XXVIIe année, Eyrolles, 1938. — « Un épisode de la Résistance : le trésor caché », La jaune et la rouge, revue de la Société amicale des anciens élèves de l’École polytechnique, janvier 2004. — « Le sabotage des liaisons téléphoniques allemandes dans la région de Limoges en 1942-1943 », AASSDN, Amicale des anciens des Services spéciaux de la Défense nationale, bulletin 186.

SOURCES : Who’s who in France, 1969-1970, Éditions Jacques Lafitte. — Albert Chaudier, Limoges 1944-1947, Lavauzelle, Paris-Limoges, 1980, p. 138. — Nadine Bahon, Le Comité départemental de Libération de la Haute-Vienne 1944-1947, mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine, UEF de Sciences humaines de Limoges, juin 1985. — Yvon Tranvouez, Catholiques d’abord, Les Éditions ouvrières, 1988. — Jeannette Dussartre-Chartreux, Destins croisés, Henri Chartreux, supplément au Cheminot limousin, 24, mai 1993, édité en collaboration avec l’Institut d’histoire sociale de la CGT ; Destins croisés. Vivre et militer à Limoges, Karthala, 2004. — Louis Pérouas, Prêtres-ouvriers à Limoges, L’Harmattan, 1996. — Entretien avec Jacques Dumas-Primbault, 27-28 mai 2002 — Notes Michel Thébault, sur l’action résistante à Limoges.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable