Grenoble (Isère), Polygone d’artillerie, 13 juillet, courant juillet et 11 août 1944

Par Jean-Luc Marquer

Le 30 juillet 1944, un cadavre portant des traces de coups de feu à la tête et dont la mort remontait à plusieurs jours, fut découvert à proximité du Polygone d’artillerie de Grenoble (Isère)
Le 26 août 1944, une fosse commune dont la Croix-Rouge avait connaissance depuis le 11 août 1944 et qui se trouvait à proximité du Polygone d’artillerie, chemin des Buttes à Grenoble (Isère) fut ouverte. Les 23 victimes avaient été exécutées par les Allemands dans la nuit du 10 au 11 août 1944. Deux jours plus tard, le 28 août 1944, un second charnier fut découvert à côté du premier, contenant les corps de 25 personnes qui avaient été fusillées le 13 juillet 1944. Certaines victimes ne furent pas identifiées.

Polygone d’artillerie, Grenoble, charnier, août 1944
Polygone d’artillerie, Grenoble, charnier, août 1944
Coll. Musée de la Résistance et de la Déportation – Département de l’Isère, droits réservés

Le 30 juillet 1944, vers 20 heures, un soldat italien découvrit au Polygone d’artillerie, chemin des Buttes à Grenoble (Isère), un cadavre en partie immergé dans un trou d’eau.
Le commissaire de police de permanence se rendit sur les lieux en compagnie d’un substitut du Procureur de la République.
Sur instruction du substitut, il fit transporter le corps à l’École de Médecine, où se pratiquaient les autopsies, mais celle-ci n’eut pas lieu en raison de la "décomposition complète" du cadavre.
Cet inconnu, jamais identifié, fut le premier fusillé découvert au Polygone, et peut-être la première victime connue du massacre du 13 juillet 1944.
Dès le 11 août, les autorités françaises avaient eu connaissance de l’existence d’un charnier au chemin des Buttes à Grenoble (Isère), ayant été informées par le Directeur départemental de la Croix-Rouge.
Le commissaire de police du 3ème arrondissement de Grenoble s’étant rendu sur les lieux dénombra 6 cadavres recouverts d’une mince couche de terre et portant des traces de balles sur le corps, mais il considéra comme vraisemblable qu’il y en eût davantage.
Il rendit compte au Procureur général près la cour d’appel de Grenoble.
Celui-ci indiqua dans une note du 12 août 1944 avoir demandé des instructions au préfet de l’Isère, le priant d’intervenir auprès des autorités d’occupation afin se savoir si le Parquet pouvait diligenter une enquête.
Le préfet l’aurait informé téléphoniquement que les Allemands s’opposaient formellement à toute intervention française.
On peut toutefois se demander de quel préfet il s’agit, le préfet Frantz, exécuté par la Résistance le 1er août 1944, n’ayant pas été remplacé.
Dès le 23 août 1944, lendemain de la libération de Grenoble, le Directeur départemental de la Défense Passive avisait le Maire de Grenoble d’avoir à fixer une date pour l’exhumation de 20 corps enterrés sommairement au polygone, exhumation ordonnée par le nouveau préfet, Albert Reynier.
Le lendemain, le même sollicitait le Commandant des forces françaises de l’Intérieur pour obtenir la mise à la disposition de la Croix-Rouge d’une corvée de 8 prisonniers allemands pour aider à l’exhumation fixée au samedi 26 août 1944 à 8h30.
Pourtant, le journal « Les Allobroges » du 27 août 1944, cité dans l’ouvrage collectif « L’Isère libérée  » publié en 2004 par le Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère à l’occasion du soixantième anniversaire de la libération du département, indique que le 26 août 1944, « ...une femme qui s’était risquée d’aller traire une bête pour donner du lait à ses enfants devait situer fortuitement le lieu de la fosse tragique. ».
Au Polygone se trouvaient alors près de 2000 vaches, volées par les troupes d’occupation.
L’ouverture du charnier par les équipes de secours de la Croix-Rouge Française mit au jour vingt-trois corps dans des états abominables. Les victimes avaient été exécutées par les Allemands dans la nuit du 10 au 11 août 1944. Deux jours plus tard, le 28 août 1944, un second charnier fut découvert à côté du premier.
Il renfermait vingt-cinq personnes qui avaient été fusillées plus tôt, le 13 juillet 1944.
Il s’agissait, là aussi de civils, résistants en majorité qui, avant d’être froidement exécutés par des rafales de mitraillette tirées dans le dos, avaient subis des sévices et des brutalités, selon le diagnostic établi par la Croix Rouge qui dégagea les corps afin de leur offrir une sépulture digne.
Le massacre fut attribué à Ernst Floereck, surnommé le « saigneur de la Gestapo », ancien commissaire de police de Cologne qui avait succédé à Hartung à la tête du SD ( Sicherheitdienst, le service de sécurité) de Grenoble.
Le 29 août 1944, les dépouilles furent inhumées au Polygone d’artillerie.
Lors de la cérémonie, le Préfet, les représentants des autorités civiles et militaires étaient présents, et l’évêque de Grenoble donna l’absoute.
Les bières furent disposées les unes à côté des autres dans deux grandes fosses, l’une pour les victimes du 13 juillet 1944, l’autre pour celles du 11 août 1944.
Les signalements des victimes parurent dans les titres de la presse régionale, ce qui permit l’identification rapide d’un certain nombre de victimes mais certaines erreurs furent commises.
Au fil des identifications, les exhumations se succédèrent.
Le 21 septembre 1945, les dépouilles des victimes encore enterrées au polygone furent transférées dans le carré III du cimetière du Grand Sablon à La Tronche (Isère).
Elles furent à nouveau exhumées en juin 1958 et réinhumées le 15 juillet 1958 dans la Nécropole Nationale de La Doua à Villeurbanne (Métropole de Lyon).
Une liste établie par la Croix-Rouge française en mars 1945 mentionne 29 noms (3808 W 541), mais deux de ces identifications furent par la suite annulées, celles de Georges COTTE et Georges LEGRAND, qui sont, finalement, des inconnus.
En 1948, un des inconnus du charnier n°1 fut identifié comme étant Roger DASSONVILLE.
Trois victimes sont mentionnées par plusieurs sources sans qu’une mention marginale apparaisse sur un des actes de décès établis pour des inconnus : Ladislas FISCHER, Yves MOREAU DE MONTCHEUIL et Raphaël GANI. Toutefois, pour ce dernier, une identification officieuse eut lieu.
Cela fait au total 25 victimes dont 16 identifiées pour le charnier n°2 et 23 dont 15 identifiées pour le charnier n°1.


Victimes exécutées le 13 juillet 1944, charnier n°2 ou B


Fernand ALLARD, Acte de décès n° 53 / 1945
Robert AUDÉOUD, Acte de décès n° 844 / 1944
Jean BARAN, Acte de décès n° 842 / 1944
Georges BELLEMIN, Acte de décès n° 794 / 1944
INCONNU, d’abord identifié comme étant Georges COTTE, Acte de décès n° 1187 / 1944
Hubert COURTOT, Acte de décès n° 806 / 1944
Fernand DOUX, Acte de décès n° 866 / 1944
Paul GUILLON, Acte de décès n°1189 / 44
Georges JANIN-COSTE, Acte de décès n° 830 / 1944
INCONNU, d’abord identifié comme étant Georges LEGRAND, Acte de décès n° 1188 / 1944
Georges MARROU, Acte de décès n° 803 / 1944
Georges MARTIN, Acte de décès n° 752 / 1944
Jean MICHEL, Acte de décès n° 754 / 1944
Marcel PLATEL, Acte de décès n° 1151 / 1944
Joseph ROJEK, Acte de décès n° 1180 / 1944
Ernest SCHULTE, Acte de décès n° 15 / 1945
Arthur, Louis VIOLLET, Acte de décès n° 1081 / 1944
Georges VIOLLET, Acte de décès n° 1082 / 1944
INCONNU 1, Acte de décès n° 384 / 1945
INCONNU 2, Acte de décès n° 385 / 1945
INCONNU 3, Acte de décès n° 386 / 1945
INCONNU 4, Acte de décès n° 387 / 1945
INCONNU 5, Acte de décès n° 388 / 1945
INCONNU 6, Acte de décès n° 389 / 1945
INCONNU 7, Acte de décès n° 390 / 1945


Victime découverte le 30 juillet 1944


INCONNU


Victimes exécutées dans la nuit du 10 au 11 août 1944, date de décès fixée au 11 août 1944, charnier n°1


Benny BLITZ, Acte de décès n° 862 / 1944
Henri CAROFF, Acte de décès n° 1187 / 1944
Louis CLOT, Acte de décès n°836 / 1944
Roger DASSONVILLE, Acte de décès n° 374 / 1945 mention add. nov. 1948
Raymond DUPOUY, Acte de décès n° 1080 / 1944
Ladislas FISCHER
Raphaël GANI, INCONNU 9, Acte de décès 381/1945
Jules JARRAND, Acte de décès n° 828 / 1944
Lucien JARRAND, Acte de décès n° 827 / 1944
Samuel MELMAN, Acte de décès n° 939 / 1944
Yves MOREAU DE MONTCHEUIL
Louis NICOLAS, Acte de décès n°344 / 1945
René THOMAS, Acte de décès n° 760 / 1944
Marcel ULLMANN, Acte de décès n° 1106 / 1944
Paul WOLPERT, Acte de décès n° 840 / 1944
INCONNU 1, Acte de décès n° 372 / 1945
INCONNU 2, Acte de décès n° 373 / 1945
INCONNU 3, Acte de décès n° 375 / 1945
INCONNU 4, Acte de décès n° 376 / 1945
INCONNU 5, Acte de décès n° 377 / 1945
INCONNU 6, Acte de décès n° 378 / 1945
INCONNU 7, Acte de décès n° 379 / 1945
INCONNU 8, Acte de décès n° 380 / 1945
INCONNU 10, Acte de décès n° 382 / 1945
INCONNU 11, Acte de décès n° 383 / 1945


Voir : Grenoble, d’octobre 1943 à août 1944

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article233548, notice Grenoble (Isère), Polygone d'artillerie, 13 juillet, courant juillet et 11 août 1944 par Jean-Luc Marquer, version mise en ligne le 19 novembre 2020, dernière modification le 20 avril 2021.

Par Jean-Luc Marquer

Polygone d'artillerie, Grenoble, charnier, août 1944
Polygone d’artillerie, Grenoble, charnier, août 1944
Coll. Musée de la Résistance et de la Déportation – Département de l’Isère, droits réservés
Polygone d'artillerie, Grenoble 30 août 1944
Polygone d’artillerie, Grenoble 30 août 1944
Coll. Musée de la Résistance et de la Déportation – Département de l’Isère, droits réservés
Polygone d'artillerie, Grenoble, cérémonie du 30 août 1944
Polygone d’artillerie, Grenoble, cérémonie du 30 août 1944
Coll. Musée de la Résistance et de la Déportation – Département de l’Isère, droits réservés

SOURCES : Arch. Dép. Rhône et Métropole, Mémorial de l’oppression, 3808 W 406 et 541 — Arch. Mun. Grenoble, 4H69 — https://www.grenoble-resistance.com — Musée de la Résistance et de la Déportation en Isère, PDF 22-12 16 26 — Informations communiquées par Michel Lestrade, Chef de secteur Auvergne/Rhône-Alpes/Bourgogne/Franche-Comté de l’ONACVG et Victor Papagno, responsable unité cimetières, Ville de Grenoble — État civil

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