DUPIC Louis, Pierre

Par Maurice Moissonnier

Né le 19 novembre 1904 à Lyon IIe arr. (Rhône), mort le 22 octobre 1974 à Vénissieux (Rhône) ; ajusteur-outilleur ; syndicaliste des Métaux et dirigeant du Parti communiste dans le Rhône ; conseiller de la République puis sénateur (1946-1959), maire de Vénissieux.

[Sénat]

Les bonnes fées ne se pressèrent pas autour du berceau de Louis Dupic dont l’enfance fut difficile. Son père, Jean-Louis Dupic, le cinquième enfant d’un bûcheron-scieur de long nivernais qui vivait au village d’Urzy (Nièvre), s’était embauché, avec deux de ses frères à la Compagnie du PLM et travaillait au dépôt de La Mouche à Lyon. Il était syndiqué à la CGT. En 1905 il fut victime d’un accident et intenta un procès à la Compagnie. Un autre coup du sort frappa son jeune ménage : la mort de Rose Émilie Schaeffer, la mère de Louis Pierre, en janvier 1906 alors que l’enfant n’avait que quatorze mois. Réformé, Jean-Louis Dupic (dit Paul Noël) dut quitter Lyon au moment de son veuvage, et revint au village natal d’Urzy pour tenter d’y trouver un travail. Il confia son fils aux parents de sa femme défunte, qui avaient quitté l’Alsace en 1871 et s’étaient établis eux aussi dans le Nivernais. Ses faibles ressources l’empêchèrent de payer régulièrement le prix de pension convenu et un grave différend l’opposa de ce fait à ses beaux-parents. Il était question de confier Louis, Pierre à l’Assistance publique lorsque son oncle Armand, cheminot à Lyon, le prit en charge. De santé fragile l’enfant tomba gravement malade et fut hospitalisé à quatre reprises en quelques années.

Malgré toutes ces difficultés Louis Dupic parvint à faire des études correctes et, dès sa sortie de l’école primaire, il entra (en 1918) en apprentissage à l’usine Joanny Faure, chemin de Grange-Blanche à Lyon où trois cents ouvriers fabriquaient des pièces détachées pour l’aviation. En 1920, il fut admis chez Berliet en tant qu’ajusteur-outilleur perfectionnant et c’est dans cette entreprise, au cours des luttes difficiles de cette année-là, qu’il participa à sa première grève. Dans la métallurgie subsistait encore quelque peu la tradition du Tour de France et, en accomplissant un long périple, Louis Dupic se trouva en 1922 embauché au Havre juste à temps pour participer à la célèbre grève au cours de laquelle quatre métallurgistes furent tués par la police. À cette occasion il donna alors, en 1923, son adhésion au Parti communiste dans le « rayon » de Trouville.

Il rentra ensuite à Lyon, jusqu’à son service militaire, éprouvant les pires difficultés à trouver un emploi, car, déjà, sa réputation de militant indisposait le patronat local qui avait organisé une efficace police de l’embauche.

Après son service militaire qu’il accomplit, en raison de ses aptitudes techniques, dans la Marine, il se maria, le 18 juillet 1924 avec Georgette Roche, une employée et le couple eut un fils le 24 avril 1927.

Jusqu’à la crise qui le contraignit au chômage en juin 1934, Louis Dupic travailla dans plusieurs usines de la métallurgie lyonnaise, en particulier chez Mège, chez Maréchal et SW. En 1925, il participa à la campagne contre les guerres du Maroc et de Syrie, prenant la parole devant les conscrits et les soldats, en dépit de la vigilance de la police. Il fut envoyé à une École centrale du Parti et, c’est alors qu’il entra au Comité exécutif des Jeunesses communistes. Il milita à Lyon, sous la direction de Benoît Frachon alors secrétaire régional du Parti, fut l’un des artisans de la « bolchevisation » et participa à l’implantation de la première cellule d’entreprise chez Berliet. Dans son autobiographie de 1937 il rappelait : "j’ai pris position contre les gauchistes et les droitiers (Péju, Souzy, Bornat, Doriot).

En mai 1935, il figura en treizième position sur la liste communiste aux élections municipales de Vénissieux. Cette liste avec 671 voix arriva en tête au premier tour devant la liste socialiste (654 voix) et, au deuxième tour, bénéficiant du désistement de la SFIO, elle l’emporta avec 1 114 voix. Louis Dupic devint alors le premier adjoint du maire Ennemond Roman tout en assumant les responsabilités de secrétaire (permanent) du syndicat unitaire des métallurgistes. Après la réunification des deux CGT, le 7 novembre 1937, fut créée l’Union locale de Vénissieux dont il exerça le secrétariat.

Dans ses fonctions syndicales, Louis Dupic se distingua par la vigueur de ses initiatives et l’art d’utiliser toutes les possibilités ouvertes par les conquêtes du Front populaire - arbitrage, conciliation, conventions - pour harceler le patronat.

Sous l’impulsion de la municipalité et des communistes, la population de Vénissieux menait dans le même temps d’ardentes actions de soutien à l’Espagne républicaine et de nombreux habitants de la commune rejoignirent les Brigades internationales. Louis Dupic participa largement à l’animation de cet effort de solidarité.

Lorsqu’en 1939 survint l’interdiction du Parti communiste, il retrouva, vers le début d’octobre, un emploi à l’usine Félizat mais le 23 du même mois, le préfet Bollaert le fit interner à Dardilly (Rhône) au fort du Paillet, puis au fort Barraux jusqu’au 23 avril 1940, date à laquelle on le mobilisa pour l’affecter au 143e dépôt d’artillerie où il fit, en tant que « PR » (propagandiste révolutionnaire), l’objet d’une surveillance spéciale. L’armistice le surprit à l’hôpital de Digne qu’il quitta pour revenir à Vénissieux où, en compagnie d’Antonin Dumas* il entreprit de reconstituer les syndicats sous une forme clandestine.

À la veille de la visite de Pétain à Lyon, le 17 novembre 1940, la police lyonnaise opéra de nombreuses arrestations et Louis Dupic fut compris dans cette rafle. Il se retrouva de nouveau au fort Barraux qu’il quitta en 1941 pour être transporté dans le Sud Algérien au camp de toile de Djelfa où les conditions de détention étaient particulièrement dures. Ramené à Bossuet au pénitencier de la Redoute qui relevait des bataillons d’Afrique, il fut libéré, avec ses camarades, le 6 mai 1943, près de six mois après le débarquement allié en Afrique du Nord. Il trouva d’abord un emploi comme ajusteur-outilleur aux établissements Claude Bonnier - « Société Africaine » - jusqu’en octobre, puis travailla, avec Ambroise Croizat* à la réorganisation du mouvement syndical en Algérie. En août 1944, à Radio Alger, il lança, à l’intention des travailleurs de la région lyonnaise, un appel à la grève insurrectionnelle.

Au mois d’octobre 1944, dès son retour en France, il occupa le poste que le comité de Libération de Vénissieux lui avait réservé. Le 29 avril 1945, avec 2 501 voix, il fut le seul élu au premier tour des élections municipales de la localité. Devenu premier magistrat de la ville, il affronta avec bonheur les difficultés d’une commune sinistrée à cinquante pour cent et dont l’essor urbain devait s’accélérer jusqu’en 1962 date à laquelle il abandonna sa fonction de maire. Pendant cette période il présida la Fédération départementale des sinistrés.

Élu membre du bureau fédéral du Rhône du Parti communiste, il figura, sans aucune chance d’être élu - en huitième position sur la liste communiste conduite par Julien Airoldi* - pour la première circonscription du Rhône à l’occasion des élections générales du 2 juin 1946. Par contre, le 8 décembre 1946, tête de liste des candidats communistes aux élections pour le Conseil de la République, il obtint, avec 513 voix, le deuxième des trois sièges attribués au département du Rhône. Par deux fois, le 7 novembre 1948 (avec 191 voix) et le 18 mai 1952 (avec 172 voix) sa réélection au Sénat fut obtenue de justesse au bénéfice de la plus forte moyenne. Il perdit son siège en 1959.

Sa dernière grande bataille politique fut livrée les 19 mai-2 juin 1957 à l’occasion d’une élection partielle destinée à pourvoir, dans la 1re circonscription du Rhône, le siège laissé vacant par la mort d’Édouard Herriot. Au premier tour, il obtint 52 207 voix sur 210 429 suffrages exprimés (45 % d’abstentions) et au deuxième tour 60 095 voix sur 215 444 suffrages exprimés. L’indépendant Fulchiron, descendant du député lyonnais qui siégeait à la Chambre des députés sous la Monarchie de Juillet, fut élu.

En 1962, malade, il se résigna à abandonner à l’un de ses conseillers municipaux, le futur député-maire Marcel Houel la direction de la municipalité. Il continua jusqu’à sa mort à participer aux activités municipales et à la vie de son Parti et il fut élu membre du bureau national des Vétérans. En 1966, pour la première fois, il effectua un voyage en URSS. En 1970, cependant, sa santé déclinante le contraignit à limiter considérablement son action.

Ses obsèques, en 1974, furent suivies par des milliers de personnes. Deux semaines auparavant, les communistes de sa ville l’avaient réélu membre d’honneur de la section de Vénissieux Nord du PCF.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article23371, notice DUPIC Louis, Pierre par Maurice Moissonnier, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 28 septembre 2022.

Par Maurice Moissonnier

[Sénat]

SOURCES : Arch. Dép. Rhône, série M. Élections. — Archives familiales. — Interview de Madame Dupic. — Presse locale, en particulier La Voix du Peuple, hebdomadaire régional du PC (mai 1935) et La République de Lyon, numéro spécial, 30 avril-6 mai 1957. — L’Humanité, 23 octobre 1974. — A. Moine, Déportation et Résistance..., op. cit. — RGASPI 495 270 3871. dossier du Komintern à son nom, autobiographie de 1937 (consulté et reporté dans la notice par Claude Pennetier).

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