CHAPUIS Jean, dit Pintaud

Par Jean-Michel Steiner

Né le 30 octobre 1921 à La Talaudière (Loire), mort le 11 décembre 2017 à Saint-Étienne (Loire) ; ouvrier mineur ; syndicaliste CFTC puis CFDT ; délégué mineur.

Jean Chapuis naquit au Planil-du-Fay, dans une famille de mineurs. Son père, Pierre Marie Chapuis, né en 1894 à Saint-Jean-Bonnefonds (Loire), était mineur. Son grand-père, Denis, qui était descendu à la mine dès l’âge de 9 ans, avait épousé une dévideuse. Il fut surnommé Pintaud en raison de sa passion pour une petite bande dessinée que publiait le journal. Les ouvriers mineurs de la Chazotte reprirent ce surnom pour son fils Pierre Marie puis pour son petit fils Jean. La mère de Jean Chapuis, Marie Rosalie Bardon, était née en 1899, à Polignac (Haute-Loire) dans une famille d’agriculteurs. Les trois frères de Jean Chapuis furent également mineurs de fond. Pierre Marie Chapuis épousa Marie Rosalie Bardon à Saint-Jean Bonnefonds le 26 février 1920. En 1931, la famille comptait quatre garçons (Denis né en 1920, Jean, Gabriel en 1923 et Henri en 1925) et une fille (Jeannine, née en 1928).

Petit hameau rural de 21 habitants de la commune de La Talaudière qui en comptait 3 000, le Planil-du-Fay abritait six familles ouvrières dans lesquelles les revenus étaient complétés par la production des jardins et par le travail des enfants. Dès huit ans, Jean Chapuis fut « mis à maître » dans une ferme du Grand Quartier à Sorbiers (Loire), où chaque année il travaillait du 1er avril au 30 novembre au détriment de sa scolarité. À 14 ans, il devint ouvrier agricole.

En 1942, au retour des Chantiers de jeunesse, il alterna les embauches « chez les maçons » et « chez les paysans ». Le 14 novembre 1942, il entra aux Mines de la Chazotte. D’abord chargeur de wagons aux lavoirs, il fut affecté au quartier Lacroix comme « rouleur-rejetteur » pendant deux ans puis occupa successivement les postes de « boiseur de taille », « piqueur » et « cubeur », chargé de mesurer le volume abattu journellement par chaque équipe de taille.

Le 6 août 1945, Jean Chapuis épousa, à Sorbiers, Bénédicte Étiennette Gallot. Le couple adopta deux enfants.

Sa foi chrétienne, qui l’amena à occuper un poste de responsabilité à la paroisse du Grand Quartier, le conduisit à adhérer à la CFTC. Le 14 mai 1955, le syndicat le présenta aux élections de délégué mineur aux Mines de la Chazotte où il fut élu à la proportionnelle. Chaque mois, il faisait le tour de tous les quartiers pour signaler la présence de grisou, observer la qualité des soutènements, les conditions de travail, les risques éventuels liés à la présence de poussière. Dès la fin de l’année 1955, Jean Chapuis lança la publication du Petit mineur de la Chazotte. Imprimé à la Bourse du Travail de Saint-Étienne, « l’organe du syndicat des mineurs de La Talaudière » qui traitait de tous les problèmes de l’exploitation et rencontra un grand succès, dépassant les 600 exemplaires.

En mars 1961, dans un article intitulé « Ça continue » il écrivit : « Les mineurs continuent à subir les mesures d’économie des Houillères ; la mécanisation est faite pour diminuer l’effort physique de l’individu et non pour diminuer son salaire … C’est malheureusement ce qui se passe pour l’ouvrier ».

Il défendit avec conviction l’importance de l’unité syndicale, en particulier en deux moments forts. Au lendemain de la grève de mars avril 1963, en réponse à l’amertume et à la colère manifestée par certains mineurs, déçus de ne pas avoir obtenu pleine satisfaction en matière de salaire : « Si la grande grève de 1948 a été un échec cuisant, la grève de 1963 restera dans l’histoire une des plus grandes victoires du syndicalisme. Dans notre profession il y a d’autres intérêts aussi importants que les salaires (…) Ne dites pas que cette grève a été stérile. Pensez que vous avez tenu tête à un gouvernement qui se dit fort et qui est vraiment fort, que votre grève par sa justice, sa discipline, sa dignité, a soulevé l’admiration de toute la France (…) Jamais dans l’histoire du syndicalisme les travailleurs ont obtenu toutes les revendications qu’ils demandaient. S’il est nécessaire de savoir déclencher une grève au moment opportun, il faut également savoir l’arrêter afin que celle-ci ne se transforme pas en défaite cuisante. C’est la sage décision qui a été prise par les trois syndicats. Ils ont commencé la grève ensemble et c’est ensemble qu’ils devaient la terminer » (Le Petit mineur de la Chazotte, avril 1963). Reconduit pendant cinq mandats dans ses fonctions de délégué mineur, Jean Chapuis représenta la CFTC, puis la CFDT. En décembre 1964, il expliqua son choix à ses mandants : « jusqu’au congrès de novembre, j’ai toujours été, et j’ai toujours voté contre les changements du titre et des statuts de la CFTC, mais j’ai toujours affirmé que je respecterai la décision du congrès confédéral, et que je me rallierai à la majorité, en rejetant toute scission, d’où qu’elle vienne. Je ne condamne pas, mais je ne puis approuver ceux qui n’ont pas voulu accepter la décision du congrès. La place d’un militant, et encore plus d’un chrétien, c’est de se trouver là où se trouvent ceux qu’il a pour mission de défendre. » (Le Petit mineur de la Chazotte n° 47).

Dans les années 1960, la direction des Mines de la Chazotte ayant décidé de calculer le salaire des mineurs de fonds non plus « à la benne » mais sur le « volume réel », entraînant une baisse de 40% des sommes versées, les mineurs réagirent par une grève perlée de trois semaines. Le mouvement s’acheva par un résultat mitigé, qui présageait la fin programmée de l’exploitation.

En 1968, Jean Chapuis était délégué pour les secteurs de La Talaudière et Verpilleux dans l’est stéphanois. Après la fermeture des mines de la Chazotte (décembre 1968), il devint « monteur en soutènement marchant » aux puits Couriot (Saint-Étienne), Flottard (Chambon-Feugerolles) et Pigeot (La Ricamarie).

En 1970, il opta pour la reconversion et suivit pendant deux mois une formation aux établissements Bernard-Moteurs de Vénissieux (Rhône). L’entreprise ayant créé une filiale sur le plâtre de la Chazotte (Socober puis SEFAMEC), l’embaucha en avril 1970 pour usiner des chemises de moteurs. À 57 ans, en décembre 1978, il fut licencié pour raison économique et se retira au Grand Quartier.

Musicien autodidacte, il dirigea une chorale.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article233718, notice CHAPUIS Jean, dit Pintaud par Jean-Michel Steiner, version mise en ligne le 3 novembre 2020, dernière modification le 13 novembre 2020.

Par Jean-Michel Steiner

Jean Chapuis (à droite) et Louis Baury lors de la Sainte-Barbe 2012, dans l’église de La Talaudière

SOURCES : Arch. Dép. Loire, 3 E 238_22 1894-1899, Saint-Jean-Bonnefonds.-Naissances ; 6 M 680, recensement, Talaudière (La), 1921 ; 6 M 687, recensement, Talaudière (La), 1926 ; 6 M 692, recensement, Talaudière (La), 1931. Arch. Dép. Loire ; 3 E 238_22 1894-1899, Saint-Jean-Bonnefonds.-Naissances ; 6 M 680, recensement, Talaudière (La), 1921 ; 6 M 687, recensement, Talaudière (La), 1926
6 M 692, recensement, Talaudière (La), 1931. — Arch. Dép. Haute-Loire
6 E 173/16, Polignac, Naissances, Mariages, Décès, 1893-1902. — Arch. Maison du Patrimoine et de la Mesure, La Talaudière, Collection du Petit mineur de la Chazotte. — Louis Drevet et Henri Delorme, Les mines de la Chazotte, commission Archives et Patrimoine, La Talaudière, 1995, 48 p. — Témoignage de Jean Fontanay et renseignements fournis par madame Karine Petel, responsable de la MPM.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable