KOSMANN Robert, Manuel [Pseudonymes Roland, Lei Feng, L. Feng]

Par Paul Boulland, Xavier Vigna

Né le 28 février 1948 à Paris (XIe arr.) ; employé, puis ouvrier spécialisé et ouvrier professionnel à Renault Saint Ouen (93) puis contrôleur des impôts ; militant marxiste léniniste du groupe Combat prolétarien (1977-1985) ; syndicaliste CGT chez Renault (1974-1991) puis représentant des personnels au syndicat des impôts (SNUI) de 2001 à 2005 et responsable de l’Union syndicale Solidaires Industrie à l’Union syndicale Solidaires (2006-2011).

Son père, Alfred, fut d’abord ouvrier électricien radio puis peintre en bâtiment. Sa mère Geneviève née Carré, fut employée d’administration puis mère au foyer. Le père de Robert Kosmann était athée, d’ascendance juive alsacienne, sa mère était croyante, catholique pratiquante. Sous l’influence de sa mère, Robert Kosmann effectua ses études primaires à l’école confessionnelle Saint-Éloi à Paris (XIIe arr.) jusqu’en CM2, puis au collège public d’enseignement général des Lozaits à Villejuif (Seine, Val-de-Marne) où il habitait. Il fit une année au lycée Turgot à Paris en classe de seconde, mais devant redoubler, sa bourse fut supprimée. Il obtint le BEPC en 1963 et commença sa carrière professionnelle à quinze ans comme coursier au Crédit Lyonnais, tout en suivant durant un an des cours du soir de philosophie au sein de « l’association Philotechnique », en 1966. Il fut ensuite mécanographe puis guichetier quelques temps avant de démissionner du Crédit Lyonnais durant l’été 1968. Inscrit en 1968 à l’université de Vincennes, en informatique, il abandonna rapidement. Après une très courte formation, il travailla pendant cinq ans comme programmeur en informatique, d’abord de nuit au Centre de recherche opérationnelle (CFRO) puis à l’Institut Gustave Roussy (IGR) où avec ses collègues infirmiers, programmeurs, employé-es et médecins progressistes, il participa à la création d’un comité de lutte (« Luttes Hospitalières ») jusqu’à son départ. Déçu par le peu d’intérêt et la résistance que manifestait le corps médical aux débuts de l’informatique à l’hôpital, considérant son travail comme inutile, il démissionna. Par ailleurs, il souhaitait acquérir un métier manuel, comme son père et, après 1968, trouver un contexte professionnel favorable au militantisme. Il se fit embaucher dans plusieurs entreprises comme OS (menuiserie industrielle) puis intérimaire OS2 à Renault Billancourt au département 14 mécanique (U5) en 1973. Il travailla pendant une année dans cet atelier, avant que son contrat intérimaire ne soit supprimé. Il commença à militer dans l’usine dans un regroupement d’intérimaires.

Après plusieurs essais de travaux agricoles comme ouvrier saisonnier, il fut embauché de manière permanente le 15 septembre 1974 chez Renault à l’usine de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne) comme OS à la fabrication de tubes et ressorts. Il fut muté à l’usine d’outillage de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) en décembre 1975 comme OS, puis scieur sur machine avant de faire une formation AFPA à Stains (Seine-Saint-Denis) proposée par l’entreprise qui lui permit d’obtenir un CAP de fraiseur, en 1983. À la fermeture, douloureuse, de l’usine en mai 1991, il publia un court texte « Sorti d’usine » récapitulant ses années de travail et son licenciement. Connu pour son engagement syndical et politique, il ne put rapidement trouver de travail. Il suivit une formation, financée en partie par l’indemnisation du chômage, durant trois ans à l’Université Paris 8 de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), formation qui ne nécessitait pas la détention du baccalauréat. Il continua ses études encore un an, privé de tous droits, avant de travailler durant cinq ans comme gardien de nuit à Saint-Denis tout en continuant, de jour, ses études d’histoire à l’université. Son cursus lui permit d’obtenir un DEA (master 2) en histoire sociale et il entama un doctorat pendant trois ans, sans le terminer. En 1999 il fut admis sur concours à l’Ecole nationale des Impôts comme contrôleur. Après cinq années effectuées en service, il fut détaché par l’administration comme représentant syndical permanent pour la défense des salariés du département de Seine-Saint-Denis. En 2006 il fut détaché pour constituer un début de fédération de l’industrie, au siège du syndicat (Union syndicale Solidaires) ; fut alors fondée « l’Union syndicale Solidaires Industrie ». Il prit sa retraite en octobre 2011 après 48 ans de cotisations retraites et syndicales. Il devint alors collaborateur et auteur du dictionnaire Maitron, se consacrant notamment aux militants ouvriers des usines Renault.

Sur le plan politique, Robert Kosmann participa à ses premières manifestations avec le Mouvement contre l’armement atomique (MCAA) et participa aux grandes manifestations contre la guerre du Vietnam du début des années 1960. Enthousiasmé par le mouvement de Mai-juin 68, durant lequel il avait été occupant gréviste au Crédit Lyonnais à Paris, il prit sa carte au PSU à Villejuif en septembre 1968. La même année il partit en vacances en Israël pour connaître la vie collective au kibboutz. Il fut heurté par la découverte de la colonisation sioniste lorsqu’il constata que ses accompagnants israéliens aux travaux agricoles dans le Golan portaient un pistolet mitrailleur pour la cueillette des oranges. Il souhaita alors connaître le point de vue et la vie des Palestiniens et fit un voyage avec le PSU en 1971 dans les camps de Chatila au Liban et en Jordanie. À partir de cette date il décida de militer en soutien à la cause palestinienne et de manière plus générale en soutien aux conflits anti-impérialistes. En août 1971, il participa à un court stage militaire avec les Palestiniens du Fatah au camp de Chatila. Il fit également un voyage à Cuba en 1969 comme travailleur volontaire et un autre en août 1973 au Chili, avec la Gauche révolutionnaire, pour rencontrer l’extrême gauche maoïste chilienne. En France, à l’intérieur du PSU, il se rapprocha rapidement de la tendance maoïste Gauche Révolutionnaire qui lui semblait plus radicale que les tendances trotskistes ou rocardiennes. La Gauche révolutionnaire fut exclue du PSU en 1972. Robert Kosmann refusa de suivre la fraction qui entra au PCMLF. Il rejoignit ensuite le groupe marxiste-léniniste Combat Prolétarien (1977-1985), d’abord pro-chinois puis pro-albanais qui faisait une critique des positions du PCF et du PCMLF sur la question nationale, sur celle de l’impérialisme français, et pour la défense des travailleurs immigrés. Il fit avec ses camarades un voyage en Albanie en 1976. Il prit ses distances avec les modèles socialistes importés, au moment de la condamnation et de l’exécution en 1981 de Mehmet Shehu, dirigeant albanais. Faute d’avoir la capacité de recréer un parti marxiste léniniste à partir d’une analyse des classes en France, le groupe choisit de s’auto-dissoudre en 1985.

Robert Kosmann fut militant de la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne) de 1963 à 1967 et syndiqué CFDT au Crédit Lyonnais où il travaillait (1963-1968). En arrivant chez Renault, il prit une carte syndicale à la CGT (1974-1991) qui était le syndicat largement majoritaire dans l’entreprise. Marqué par son engagement politique, il ne put jamais être délégué du personnel et fut même exclu pendant un temps entre 1983 et 1986 au moment des grèves de l’automobile que ne soutenait pas le gouvernement de gauche appuyé par la CGT Renault. Il fut réintégré en 1986. Après l’usine, il ne retrouva qu’un emploi de gardien de nuit à Saint Denis pendant cinq ans. Quand il retrouva un emploi moins précaire, il se syndiqua alors au Syndicat des impôts (SNUI puis Solidaires Finances Publiques) très largement dominant dans cette administration et qui était relié au « Groupe des dix » (devenu : Union syndicale Solidaires en 1998) plus à gauche sur l’échiquier syndical national. Il fut élu représentant des personnels (2001-2006) pour ce syndicat, participa à la création de syndicats ouvriers en Seine-Saint-Denis et fut détaché totalement en 2006 pour fonder l’Union syndicale Solidaires Industrie où il aida à la construction de syndicats SUD chez Renault (Maubeuge, Douai, Rueil) et chez PSA (Mulhouse, Aulnay, Poissy, Tremery, Sevelnord). Avec l’Union syndicale Solidaires, il participa aux Forums sociaux européens (FSE) en 2002 à Florence (Italie), en 2003 à Saint Denis, en 2004 à Londres, en 2006 à Athènes et au « contre-G8 » à Annemasse (Haute-Savoie) en 2003.

Sur le plan personnel Robert Kosmann épousa en février 1980, Marie Jeanne née Escouteloup, infirmière et militante comme lui à Combat prolétarien. Ils eurent deux garçons Joseph et Frédéric en 1980 et 1984.

En 2020, il habitait toujours à Saint-Ouen et travaillait pour le dictionnaire Maitron. Il s’intéressait à la « perruque » en usine qu’il avait largement pratiqué puis collecté. Il écrivait et participait à des expositions sur ce thème. A la demande des éditions Syllepse il rédigea, en 2019, un ouvrage sur le sujet : Sorti d’usines.

Il était syndiqué aux retraités de l’Union syndicale Solidaires et participait, comme adhérent et contributeur à la société d’histoire Renault « Renault Histoire » et à l’Institut d’histoire sociale de la Métallurgie CGT. Il était également adhérent de l’ATRIS (Association des anciens Travailleurs Renault de l’Ile Seguin). Robert Kosman rédigea des chroniques de livres sous le pseudonyme de Lei Feng pour le journal Les cahiers d’alter de Solidaires Industrie et pour le bref quotidien le Progrès social.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article234074, notice KOSMANN Robert, Manuel [Pseudonymes Roland, Lei Feng, L. Feng] par Paul Boulland, Xavier Vigna, version mise en ligne le 12 novembre 2020, dernière modification le 12 novembre 2020.

Par Paul Boulland, Xavier Vigna

ŒUVRE : Sorti d’usines, Editions syllepse, 2019 — Nombreuses biographies de militants ouvriers Renault pour le dictionnaire Maitron. — Le mouvement ouvrier et le syndicalisme, brochure de formation syndicale de Solidaires Industrie, 1ère édition, nov. 2009 sur le site de Union syndicale Sud industrie (USSI). — « Sorti d’usine », Mémoire et travail, n° 11, dans la revue électronique Conserveries Mémorielles, Laval, Canada, janvier 2012 en ligne. — « Renault 1955 », Renault Histoire, hors série, mars 2003. — « Le taylorisme en France et son application aux usines Renault », Renault Histoire, n° 9, 1997 — « La Perruque ou le travail masqué », Renault Histoire, n° 11, 1999, — « Sorti d’usine », Renault Histoire, n° 27. — « La perruque un travail détourné » dans la revue Histoire et société n° 17 janvier 2006. — « Perruque et bricolage ouvrier », Des mondes bricolés, Arts et sciences à l’épreuve de la notion de bricolage, INSA de Lyon, Ed. Presses Polytechniques Universitaires Romandes (PPUR), 2010 — « Une forge encerclée par les Chouans », dans L’Oribus, Laval, janvier 2009. — « Championnet, un atelier (pas) comme les autres », dans Métro, Dépôts, Réseaux, Publications de la Sorbonne, 2002, pp. 143-167.

SOURCES : Gilbert Hatry (dir.), Notices biographiques Renault, Ed. JCM. — Tracts et brochures du groupe Combat prolétarien (archives privées Robert Kosmann). — Site de Solidaires Industrie. — Entretien avec Robert Kosmann, janvier 2020.

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