DURAN Roger, Thomas

Par André Balent

Né le 27 février 1902 à Paris, mort le 18 mai 1981 à Latour-de-Carol (Pyrénées-Orientales) ; épicier ; militant socialiste SFIO des Pyrénées-Orientales puis sympathisant communiste après-guerre ; conseiller municipal et adjoint de Latour-de-Carol ; président du CLL de Latour-de-Carol.

Son père, Camille Duran, avait quitté Latour-de-Carol, petit village de Cerdagne dans les Pyrénées-Orientales à l’âge de seize ans et avait travaillé à Paris dans divers grands magasins comme les Galeries Lafayette. En 1909, la famille Duran quitta la capitale et s’installa à Latour-de-Carol. Camille Duran ouvrit, dans la maison familiale, un commerce (épiceries et "nouveautés"). Roger Duran le reprit et le fit fonctionner jusqu"au début des années 1970.
Roger Duran épousa Mercedès, Françoise Surroca. Il faut signaler qu’un des grands oncles, Étienne Duran Garreta (1836- ?), négociant et économiste, participa à la Commune de Paris et fut condamné par contumace après sa défaite.
En 1931, Roger Duran - ainsi que son père, d’ailleurs - fut un des fondateurs de la section socialiste SFIO de Latour-de-Carol-Enveitg (Enveitg : commune voisine de la Latour-de-Carol dont elle est distante de 2 km). La même année, il fut élu secrétaire de la section. Le trésorier élu lors de la fondation de la section de Latour-de-Carol-Enveitg était Marcel Boson. Il demeura à ce poste jusqu’au début de 1933, date à laquelle il fut remplacé par Cazals (voir également Aubin Cristofol). Au congrès fédéral extraordinaire de septembre 1932, la section de Latour-de-Carol-Enveitg fit adopter un vœu demandant aux élus de la SFIO de faire un compte rendu annuel de leurs mandats. Au congrès fédéral de juillet 1933, où Jean Payra soutenait la motion de Renaudel, la section de Latour-de-Carol-Enveitg vota en faveur du texte de Vincent Auriol. Roger Duran assista-t-il à ces deux congrès ?
Jusqu’en 1931, le mouvement ouvrier organisé n’avait aucune implantation à Latour-de-Carol et à Enveitg. Comme dans beaucoup de villages de Cerdagne (voir Jean Puig, Rougé Sauveur, René Rouve, François Vidal) syndicats et partis furent créés, à la fin des années 1920 et au début des années 1930 par les nombreux fonctionnaires ou employés des services publics (douaniers, employés des Ponts-et-Chaussées et cheminots, surtout) en poste dans cette zone frontalière : ces personnes, pour la plupart étrangères à la Cerdagne, amenèrent avec elles leurs traditions d’organisation et de lutte et surent entraîner des Cerdans acquis aux idées socialistes ou communistes mais qui ne s’étaient pas posé jusqu’alors le problème de l’adhésion à un parti politique ou à un syndicat. En ce qui concerne Latour-de-Carol et Enveitg ce ne fut qu’après l’ouverture de la grande gare internationale, commune à ces deux localités, que furent créés des syndicats CGT, une section socialiste SFIO et, quelques années plus tard, une cellule communiste : le tronçon du chemin de fer transpyrénéen d’Ax-les-Thermes (Ariège) à Ripoll (Espagne, province de Gérone) ne fut inauguré qu’en 1929 ; une cité des employés de la Compagnie des chemins de fer du Midi (SNCF, à partir de 1938) fut bâtie à Enveitg qui accueillit également un contingent appréciable de douaniers.

Ce furent des cheminots et des douaniers qui prirent l’initiative — avec quelques personnes originaires de Latour-de-Carol, dont Roger Duran — de constituer une section socialiste. Après 1935, certains d’entre eux quittèrent la SFIO et fondèrent une cellule communiste (voir Vidal François). La guerre espagnole eut d’importantes répercussions en Cerdagne française, région frontalière d’économie montagnarde, agricole et pastorale, très traditionaliste. Seule une minorité de Cerdans d’origine engagée dans le Front populaire soutint fermement la République espagnole. Mais cette détermination militante était très mal comprise pour la masse de la population. La fermeture de la frontière compromettait gravement les nombreux échanges économiques avec la partie espagnole de la Cerdagne et la droite rendait responsable de cet état de fait lourd de conséquences pour la vie des habitants de la Cerdagne française, les révolutionnaires espagnols et leurs « complices » en France. Elle stigmatisait les anarchistes de la FAI qui, dès juillet 1936, avaient pris le pouvoir dans la petite ville espagnole de Puigcerda, le seul véritable centre urbain des deux parties de la Cerdagne, française et espagnole. À Latour-de-Carol, éloignée seulement de 5 km de Puigcerda les militants de la SFIO et de la CGT durent faire face à la tentative de constitution d’une section du Parti populaire français, à l’initiative d’un commerçant perpignanais, Hector Ramonatxo, qui avait conservé des liens avec son village natal. Dans cette petite localité pyrénéenne, la lutte antifasciste avait clairement une double signification : on y luttait contre les fascistes français, mais, en soutenant les militants de l’autre côté de la frontière — militants que l’on côtoyait fréquemment avant le soulèvement militaire du 18 juillet 1936 — on luttait également contre Franco.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Roger Duran n’eut aucune activité politique. Il fut nommé, à la Libération, président du CLL de Latour-de-Carol. À ce titre, il déposa le 14 novembre 1944, devant la gendarmerie de Latour-de-Carol sur les activités de Georges Dagras, milicien de Latour-de-Carol et dirigeant départemental de cette organisation collaborationniste entre juin et août 1944, compromis dans des actions contre le maquis du Canigou et impliqué dans la répression exercée par la Milice à Perpignan. Duran déclara que Dagras n’avait dénoncé personne à Latour-de-Carol et que, localement, on ne pouvait rien lui reprocher.

Il ré-adhéra à la SFIO dès 1945. Mais hostile à la rupture du « tripartisme » après l’exclusion des ministres communistes du gouvernement Ramadier (mai 1947) il quitta la SFIO et se rapprocha du PCF dont il fut un sympathisant actif — il assura pendant de nombreuses années la diffusion du Travailleur Catalan, hebdomadaire du PCF dans les Pyrénées-Orientales —. Après la libération et jusqu’aux élections municipales de 1971, il fut à diverses reprises élu conseiller municipal, ou adjoint, de Latour-de-Carol. Il mourut dans cette localité le 18 mai 1981.

Son frère, William Duran, militant ou proche sympathisant du PCF, employé des Ponts & Chaussées à Saillagouse, fut membre de la municipalité provisoire installée après la Libération le 9 octobre 1944. Il exerçait les fonctions d’adjoint. Il fut élu maire de Saillagouse à l’issue des renouvellements généraux des conseils municipaux des 29 mai 1945 et 26 octobre 1947. Il mourut dans l’exercice de ses fonctions en 1952 (Voir Cayrol Antoine).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article23444, notice DURAN Roger, Thomas par André Balent, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 24 août 2019.

Par André Balent

SOURCES : Arch. dép. Pyrénées-Orientales, 105 W 22, dossier "Georges Dagras" devant la Cour de Justice des Pyrénées-Orientales. — Arch. com. Latour-de-Carol, état civil, acte de décès de Roger Duran. — Arch. personnelles de Roger Duran. — Le Cri socialiste, hebdomadaire de la fédération socialiste SFIO des Pyrénées-Orientales, 12 décembre 1931, 5 octobre 1932, 29 juillet 1933. — État civil de Latour-de-Carol. — Interview de Roger Duran, juillet 1974.

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