Par Antoine Olivesi, Jacques Omnes
Né le 27 mars 1886 à Rennes (Ille-et-Vilaine), mort le 19 mars 1973 à Rognes (Bouches-du-Rhône) ; instituteur ; syndicaliste SNI de la Mayenne puis des Bouches-du-Rhône.
Le 14 mai 1910, Auguste Durand, alors instituteur à Gorron (Mayenne), fut élu au conseil syndical de la « section syndicale des institutrices et instituteurs publics de la Mayenne », à laquelle il avait adhéré dès sa création en juillet 1905 (voir Augustin Basile*, Camille Lhuissier). Il fut réélu le 3 juin 1911 mais dut abandonner cette responsabilité à l’assemblée générale du 25 mai 1912, conformément aux règles de rééligibilité fixées par les statuts.
Au cours de cette assemblée générale, Auguste Durand rendit compte des résultats de la propagande syndicale qu’il venait de faire en Ille-et-Vilaine : une section syndicale des instituteurs était en formation dans le département voisin et la section mayennaise décida d’offrir les colonnes de son bulletin. L’Émancipation de l’Instituteur, créé en octobre 1910, à ses camarades rennais « afin d’activer la propagande syndicale parmi eux en attendant qu’ils aient leur bulletin ».
Moins d’un an plus tard, il pouvait annoncer que la section syndicale d’Ille-et-Vilaine était « complètement organisée » et que le numéro 1 de son bulletin mensuel devait paraître dans la première quinzaine de mai 1912. Dès cette époque, il essaya de populariser La Vie Ouvrière auprès de ses camarades. En septembre 1912, il fut parmi les premiers signataires du « manifeste des instituteurs syndiqués » dit « Manifeste de Chambéry » qui valut des sanctions à de nombreux syndicalistes (dix-sept en Mayenne).
L’assemblée générale du 10 mai 1913 chargea Auguste Durand de se mettre en relations avec les militants du Centre et de l’Ouest dans le but de mener dans la région une campagne de propagande en faveur des libertés syndicales. Ces contacts devaient déboucher l’année suivante sur la création d’une « entente Centre-Ouest » : le conseil syndical le chargea à l’unanimité, le 5 mars 1914, de représenter la section mayennaise à la réunion qui devait se tenir le 17 avril au Mans pour organiser l’entente. L’année précédente, le 3 juillet 1913, l’assemblée générale l’avait désigné comme délégué au congrès de Bourges de la Fédération nationale des syndicats d’instituteurs (19 septembre 1913). Au cours de cette même assemblée il avait fait voter à l’unanimité moins une voix l’obligation pour tout membre de la section syndicale de s’abonner à L’École émancipée.
Au début de la guerre, Auguste Durand, envoyé au front, fut blessé, puis renvoyé au feu après plusieurs mois d’hôpital. Il semble qu’il n’ait pas immédiatement condamné la politique d’« Union sacrée », mais il se rallia rapidement à l’attitude ferme prise par la Fédération en faveur de la paix, comme en témoigne le passage suivant d’une lettre adressée à Louis Bouët le 4 janvier 1916 :
« Actuellement, une proposition de paix ramenant les belligérants au statu quo ante bellum, serait, je crois plus facilement admise qu’au mois d’août. Il a fallu la triste expérience des mois passés pour nous amener là et c’est regrettable pour tous les pays. Seuls, les jusqu’auboutistes à la Hervé - dont je n’ai jamais été - ne sont pas de cet avis. Tout en désirant, les uns et les autres, ardemment la paix, nous avons été divisés sur le choix du moment pour la demander. »
Au lendemain de la guerre, l’assemblée générale du 3 avril 1919 décida à l’unanimité de transformer la section syndicale en un « syndicat des membres de l’enseignement laïque de la Mayenne ». Dès la fin de cette année, les instituteurs syndicalistes mayennais furent confrontés à la question de l’adhésion à la IIIe Internationale syndicale. Le congrès de Tours de la Fédération nationale des syndicats d’instituteurs avait en effet décidé de soumettre à référendum l’adhésion éventuelle à la IIIe Internationale. Une discussion passionnée s’engagea sur ce point à l’assemblée générale de la Toussaint 1919. Durand et Omer Brunet* se firent les ardents défenseurs de l’adhésion. Mais les syndiqués se prononcèrent à une faible majorité contre. Cependant, dans les mois suivants, le courant en faveur de l’adhésion gagna du terrain. Le premier référendum ayant partagé les membres de la Fédération nationale en deux fractions à peu près égales, le conseil fédéral de janvier 1920 décida une nouvelle consultation des syndicats. Une nouvelle fois Durand plaida pour l’adhésion et l’emporta : deux mandats allèrent donc pour l’adhésion et un contre.
À l’assemblée générale du 12 mai 1921, Auguste Durand se prononça - comme Camille Lhuissier - contre la participation de la Fédération des syndicats de l’enseignement au congrès unitaire de septembre organisé par la CGT pour réaliser la fusion avec le Syndicat national issu de la transformation des Amicales qu’il combattait depuis plus de quinze ans. Ce point de vue l’emporta et l’assemblée générale décida de donner une voix pour la participation au congrès et deux contre, dans le cadre du référendum organisé à ce sujet pour la Fédération. Au cours de cette même réunion, il combattit vivement la proposition du conseil syndical tendant à se plier, pour des raisons financières, au jugement par défaut prononcé le 6 avril à l’issue d’une longue procédure et donc à obéir à la circulaire ministérielle du 1er juin qui enjoignait aux syndicats de fonctionnaires de se dissoudre. Il ne fut pas suivi : à la majorité des membres présents, il fut décidé d’accepter le jugement et de transformer le syndicat en une section syndicale qui serait rattachée au syndicat du Maine-et-Loire légalement constitué (voir Joseph Blanche).
En novembre 1921, il fut, comme plusieurs de ses camarades, convoqué au bureau de l’inspecteur d’académie et interrogé sur son appartenance éventuelle à la IIIe Internationale. Il avait en effet été signalé à l’inspecteur par le ministre, comme tous ceux dont la police avait trouvé les noms sur les listes d’abonnés à La Vie Ouvrière au cours d’une perquisition au siège du journal.
Lorsque la direction nationale de la CGT commença à exclure les syndicats qui se plaçaient sur les positions de la minorité organisée dans les comités syndicalistes révolutionnaires (CSR), Auguste Durand, soutenu par le syndicat, prit fermement position contre les exclusions. Ainsi, le 26 juin 1921, au cours du congrès de l’UD-CGT où il était délégué des instituteurs, il reprocha vivement à François Acambon, secrétaire de l’UD, d’avoir voté au dernier Comité confédéral national la motion Dumoulin qui réclamait l’exclusion des minoritaires. Puis il exposa l’action des CSR et leur but, soulignant leur « concordance parfaite avec la Charte d’Amiens que les majoritaires invoquent si souvent et qu’ils respectent si peu ». Il conclut en demandant aux délégués « de déclarer nettement qu’ils sont contre toutes les exclusions, et contre toute scission qui affaibliraient la classe ouvrière » (voir aussi Alphonse Bouchard).
Le 26 mars 1922, la scission étant consommée au niveau national, un congrès extraordinaire de l’UD-CGT décida de la création d’une UD confédérée (CGT) et d’une UD unitaire (CGTU), étant entendu qu’il ne serait pas admis de syndicat en double, chaque corporation devant choisir son UD selon l’orientation majoritaire de ses membres. Dès le 9 avril une assemblée extraordinaire du syndicat des membres de l’enseignement laïque opta pour l’adhésion à la CGTU. À la fin de l’année scolaire Auguste Durand succéda à Madame Gaumert au secrétariat de la section syndicale. Le 23 juillet 1922, il écrivit à Deffay, secrétaire de la section mayennaise du Syndicat national des instituteurs, pour lui demander de soumettre à sa commission administrative une proposition d’entente pour des campagnes à mener sur les points suivants :
1. action pédagogique ;
2. statut des fonctionnaires ;
3. défense de l’école laïque ;
4. traitements et questions annexes.
Cette initiative devait déboucher sur la constitution effective d’un comité d’entente le 9 novembre 1922. Du 17 au 20 août 1922, Durand participa au congrès de Paris de la Fédération qui entérina l’adhésion du bureau fédéral à la CGTU. Il y obtint la fondation d’une caisse de prêt aux révoqués et, dénonçant la campagne menée par Le Pélerin contre la Fédération, il amena les délégués à mettre la question de la défense laïque à l’ordre du jour du prochain congrès.
C’est également au mois d’août 1922 que Durand envoya aux organisations et militants concernés une circulaire proposant la constitution d’un Cartel départemental des services publics. L’assemblée constitutive eut lieu le 5 novembre à la mairie de Laval. Six organisations y participaient : la section de la Mayenne du syndicat national des agents des contributions indirectes, le syndicat des receveurs-buralistes, la section de la Mayenne du syndicat national des employés des PTT, le syndicat des ouvriers des PTT, la section mayennaise du syndicat national des instituteurs, la section syndicale des membres de l’enseignement laïque. Ce Cartel, dans lequel Durand ne prit pas de responsabilités (voir Duquenne, Lesaint Louis) se montra particulièrement actif en 1922 et 1923.
Le 27 mai 1923 il participa en tant que délégué titulaire au congrès constitutif de l’Union régionale CGTU à Rennes. Quelques jours plus tard, à l’assemblée générale du 31 mai, il présenta aux instituteurs syndiqués de la Mayenne un rapport moral dans lequel il regrettait l’absentéisme de certains adhérents aux réunions et une certaine apathie. Au cours de cette réunion Gustave Queté fut élu pour le remplacer au conseil syndical.
Du 5 au 7 août 1923, Durand fut délégué au congrès de Brest de la Fédération unitaire (CGTU) de l’enseignement. L’année suivante, du 5 au 7 août 1924, il participa au congrès fédéral de Paris, où il fit adopter par 96 voix contre 51 et 6 abstentions une motion faisant confiance au secrétariat de rédaction de L’École Émancipée et au syndicat de Maine-et-Loire responsable de la gestion, contre les attaques de la minorité.
À la fin de cette année, le 11 novembre 1924, Durand perdit sa femme Alice Fayet, qu’il avait épousé en novembre 1917 à Ambrières (Mayenne).
En 1926, à la suite de la rupture de l’entente avec le SNI, Durand fut candidat aux élections au conseil départemental. Il fut élu au deuxième tour avec 145 voix.
La même année, succédant à Alphonse Bouchard, il fut secrétaire de l’UD unitaire. Mais il fut nommé à Marseille (école communale du boulevard Vauban) pour la rentrée scolaire de 1926 et quitta donc le département pour les Bouches-du-Rhône. Il fut aussitôt signalé (rapport de police du 2 novembre) comme un militant communiste actif qui s’occupait de la vente de Vie Ouvrière et participait aux réunions des cellules. Un autre rapport le qualifie « d’agent actif » en juin 1928.
Sur le plan syndical, Auguste Durand milita à la CGTU dans le syndicat des membres de l’Enseignement laïque des Bouches-du-Rhône. Il y connut Suzanne Dol* (voir Suzanne Durand*), qu’il épousa en mars 1927. En 1928, il était trésorier du syndicat. La même année, il collabora, avec sa femme et Pascal Lena*, à La Voix des Jeunes, petit bulletin mensuel ronéotypé du groupe des Jeunes des Bouches-du-Rhône. En mars 1931, il faisait partie, avec son épouse, du comité de propagande pour l’unité syndicale.
Auguste Durand fit partie, par la suite, du conseil et du bureau syndical au niveau départemental. Il fonda la Mutuelle-Accidents-Élèves des Bouches-du-Rhône qu’il présidait encore, en 1972, lors de la mort de sa femme. Il termina ses jours à la maison de retraite de la MGEN Clairval à Rognes.
Par Antoine Olivesi, Jacques Omnes
SOURCES : La Vie ouvrière, 1er juillet 1921. — La Bretagne communiste, 1er avril et 22 mai 1926. — L’Émancipation de l’instituteur, 1910-1913 et 1919-1927. — Laval républicain, 27 août 1922. — François Bernard, Louis Bouet, Maurice Dommanget, Gilbert Serret : Le syndicalisme dans l’enseignement. — Histoire de la Fédération de l’Enseignement des origines à l’unification de 1935. — Renseignements fournis par Monsieur René Sauleau. — Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, M 6/10802, rapport du 17 juillet 1936. — M 6/10806, rapport et notice individuelle du 2 novembre 1926 ; M 6/10807 (bulletin cité de février 1928 et rapport du 24 juin 1928). — Arch. communales de Marseille, listes électorales de 1937. — L’Émancipation, octobre 1928 à mars 1931. — L’École Émancipée, 10 décembre 1972. — Le Provençal, 11 mai 1972. — Notes de Jacques Girault.