DURAND Clément, Joseph

Par Jacques Cousin, Jacques Girault, Jacques Omnès

Né le 7 janvier 1914 à Mayenne (Mayenne), mort le 21 janvier 1998 à Paris (XIVe arr.) ; instituteur en Mayenne ; militant du SNI ; militant socialiste ; dirigeant du Comité national d’action laïque ; secrétaire général de la Jeunesse au plein air.

Pupille de l’Assistance publique, Clément Durand fut élevé par des petits ouvriers agricoles de Viviers-en-Charnie (Mayenne). De 1926 à 1930, boursier, il fréquenta l’école primaire supérieure d’Ernée. En 1930 il entra à l’École normale d’instituteurs de Laval. En 1933 il enseigna à Fontaine-Couverte, puis, de 1934 à 1939, à Saint-Fraimbault-de-Prières. Il se maria en août 1934 à Gennevilliers (Seine). Le couple eut un fils, Yves Durand, né le 6 juin 1946, futur professeur d’histoire-géographie, député socialiste du Nord.

De 1936 à 1939, Clément Durand fut membre du conseil syndical de la section départementale du Syndicat national des instituteurs. Il participa à diverses réunions du conseil national du SNI.

Militant socialiste SFIO depuis 1936, au congrès fédéral de juin 1937, il devint secrétaire adjoint de la fédération socialiste. En octobre-novembre 1937, il remplaça le secrétaire fédéral démissionnaire et fut réélu au congrès fédéral du 30 octobre 1938 à Mayenne. Le 21 mai 1939, il défendit la motion Paul Faure contre la motion Léon Blum au congrès fédéral d’Évron, préparatoire au congrès national de la SFIO. Mis en minorité (53 mandats pour la motion Blum contre 21 pour la motion Faure), il offrit sa démission qui fut refusée.

Influencé par la personnalité d’André Delmas, secrétaire général du SNI, et par la campagne du syndicat en faveur de la paix, Clément Durand se prononça en 1938 pour les accords de Munich.

Mobilisé au début de la guerre, démobilisé en août 1940, Clément Durand, fut nommé instituteur adjoint à Ambrières-le-Grand (Mayenne) jusqu’en 1945, puis comme directeur de 1945 à 1947.

Jusqu’en 1943, surveillé, il ne participa pas à la Résistance active. Avec l’aide de secrétaires de mairie, anciens militants du SNI, il procura des cartes d’alimentation et de fausses cartes d’identité à de jeunes résistants.

Le 21 décembre 1944, à la première assemblée générale du syndicat qu’il avait contribué à reconstituer en Mayenne, Clément Durand présenta un rapport sur la situation de l’école laïque dans le département qui fut remarqué par les dirigeants nationaux. Réélu au conseil syndical, responsable de la commission laïque, il devint secrétaire adjoint à partir d’octobre 1947. Délégué à la réunion du conseil national de Pâques 1945, il fut désigné pour faire partie de la commission de rédaction de la motion finale.

Le 28 avril 1946, Clément Durand devint le secrétaire du Cartel départemental d’action laïque, qui regroupait, à l’image du Cartel national, toutes les formations laïques, politiques, syndicales, philosophiques et culturelles. Il devint aussi le secrétaire général du comité départemental de vigilance des parents des élèves des écoles publiques, créé le 2 mai 1946.

Au congrès de la fédération socialiste SFIO, le 15 août 1946, Clément Durand intervint contre le rapport moral national de Daniel Mayer, dont il rejetait l’orientation « travailliste ». Il participa avec René Bonissel, les 18 et 19 décembre 1947 à la conférence nationale des Amis de Force ouvrière en remplacement d’ Adrien Lavergne et d’Henri Aigueperse, retenus par une réunion de la commission administrative de la Fédération de l’Education nationale.

Clément Durand devint membre du bureau national du SNI, élu par le Conseil national du 30 décembre 1945, présenté par les sections de la Mayenne, de la Seine, des Bouches-du-Rhône et de l’Ille-et-Vilaine. Dès lors, il multiplia dans la presse syndicale les articles sur les questions laïques dont il avait la responsabilité. Il fut celui qui élabora la doctrine des majoritaires en matière de laïcité et de luttes pour la défense de l’école laïque et il s’opposa sur de nombreux points aux minoritaires qui proclamaient que ces luttes étaient complémentaires des luttes sociales qui pouvaient associer des chrétiens et non-chrétiens. Selon lui, la laïcité et la morale laïque, incarnées par le SNI, s’imposaient aux options politiques et devaient constituer les matrices d’un idéal à maintenir en dépit des divergences politiques. Il fut le porte-parole des analyses du SNI lors des Etats généraux de la France laïque (18 juillet 1948) et présenta un rapport sur la défense de l’école laïque. Au moment de la politique dite de "troisième force", les aspirations qu’il développait paraissaient souvent en contradiction avec celles du gouvernement et des dirigeants du Parti socialiste SFIO. De plus, il fut parmi les dirigeants du SNI un de ceux qui furent les plus hésitants pour reconnaître les aspirations laïques du courant "Reconstruction" dans la CFTC et à partir de 1964 de la CFDT.

Le bureau national du SNI, le 5 mai 1946, la désigna comme candidat au Conseil de l’enseignement du premier degré, où il fut élu titulaire au titre des directeurs d’école, et membre de la section permanente du Conseil supérieur de l’Éducation nationale. Il fut à nouveau élu dans la décennie 1950. Pour la commission administrative paritaire nationale, il fut élu en 9e position sur la liste du SNI, le 5 novembre 1948. Figurant sur la liste des 16 candidats du SNI, le 29 avril 1952, il continua à participer à la CAPN à partir de 1955.

Le 15 et 16 octobre 1946, fut réorganisée l’affectation des membres du bureau national dans les diverses commissions. Il devint membre des commissions pédagogiques, de l’enseignement postscolaire et agricole, de l’action laïque, des relations internationales, de la sécurité sociale, des œuvres post et périscolaires. Candidat au bureau national en 7eme position sur la liste « Pour un syndicalisme indépendant et constructif » conduite par Aigueperse, il fut par le conseil national du 27 décembre 1951, avec 1241 voix (5eme position). La réunion du bureau national, le 9 janvier 1952, fixa la nouvelle répartition des tâches. Membre du secrétariat permanent, président de la commission d’action laïque et d’éducation populaire, il faisait aussi partie des commissions des affaires administratives, des jeunes et de la propagande, de l’Union française.

À partir du 1er février 1947, Clément Durand, mis à la disposition de la Ligue de l’enseignement à Paris comme secrétaire du nouveau comité national des parents d’élèves, fut réélu avec 957 voix au bureau national, le 28 décembre 1947, sur la liste D conduite par Aigueperse, "Pour une action constructive dans l’indépendance du syndicalisme". Il entra en 1948 au secrétariat permanent du SNI comme responsable de la commission d’action laïque, des œuvres post et périscolaires et des jeunes. Pour les élections du bureau national en 1949, il figurait en deuxième position sur la liste A "Pour un syndicalisme indépendant et constructif" conduite par Aigueperse. Le conseil national, le 27 décembre 1949, l’élut (1019 voix, 8eme position). Lors de la réunion du bureau national, le 12 janvier 1950, il conserva la responsabilité de la commission d’action laïque et devint membre des commissions des affaires administratives, des jeunes, de la propagande, de L’Ecole libératrice.
En septembre 1948, Clément Durand quitta la Mayenne avec sa famille pour s’installer dans la région parisienne, puis à Sainte-Geneviève-des-Bois (Seine-et-Oise, puis Essonne). Il conserva une maison en Mayenne et des relations de proximité avec les militants du département.

En 1950, Clément Durand fut élu au conseil général de la Ligue française de l’enseignement puis au bureau en 1951, mais ne put, après le congrès de Lille en juillet 1959, en devenir le secrétaire général, battu par Robert Dader (11 voix contre 10 à Durand). Il s’agissait d’une volonté de certains dirigeants de la Ligue de marquer leur autonomie par rapport au SNI, ce qui occasionna une tension parmi les militants de la FEN. Lors de la réunion du bureau de la Ligue, il accepta néanmoins de participer au bureau et de collaborer aux commissions.
Durand fut à l’origine de la création d’une fédération nationale de parents d’élèves des écoles laïques, le 26 mars 1947, et qui se transforma peu après en Fédération des conseils de parents d’élèves dont il continua à être le secrétaire général jusqu’en 1962.

Son engagement personnel dans le Parti socialiste SFIO le poussa à entrer en contradiction avec ses orientations en matière d’enseignement. En septembre 1958, à propos de la constitution mise en débat, il fit sienne la position de la commission administrative de la FEN qui estimait ne pouvoir « accepter un tel projet en raison des risques qu’il comporte". Dans cette période, il tenta de convaincre ceux de ses camarades qui voulaient rompre avec la SFIO pour créer le Parti socialiste autonome de n’en rien faire.

Clément Durand fut responsable des questions laïques dans diverses organisations, et notamment devint le premier secrétaire général du Cartel devenu, en 1953, Comité national d’action laïque de sa constitution à 1969. Il fut un des responsables de l’organisation des Etats généraux de la France laïque en 1948 et en 1949, des campagnes laïques contre les lois Marie-Barangé en 1951, et de l’élaboration en 1956 du programme du CNAL. Il présida à l’organisation des actions contre la loi Debré, fut l’inspirateur de la pétition nationale qui se termina par un important rassemblement laïque à Vincennes (19 juin 1960). Par la suite, il présida à l’organisation des manifestations nationales du CNAL (rassemblement de la Porte de Versailles en 1962, colloques où se retrouvaient les forces de gauche où furent élaborés les projets de nationalisation et de démocratisation de l’enseignement. Avec Jean Cornec et Michel Lasserre, il participa, après 1969, à des réunions officieuses avec des dirigeants de l’enseignement catholique. Il lui semblait que la pérennisation des contrats d’association permettait un contrôle de l’Etat sur l’enseignement privé et donnait un temps pour réfléchir plus longuement à une solution équilibrée dans un système unifié d’enseignement, dans l’esprit des conclusions des colloques du CNAL préconisant la nationalisation avec gestion tripartite.

Clément Durand fut membre de la commission administrative (1947-1969) et du bureau (1957-1969) de la Fédération de l’éducation nationale. Il fut tour à tour membre des commissions des jeunes (1947-1955), après en avoir été responsable en 1947-1948), de la laïcité (dont il fut secrétaire), des questions internationales (1950-1959). Son action, outre les aspects concernant les luttes laïques et le choix de 1958, fut de maintenir la domination et l’unité des instituteurs confrontés aux autres catégories enseignantes.

Initié à la franc-maçonnerie (Grand Orient de France) le 15 juin 1950, Clément Durand devint compagnon, le 4 juin 1951, et maître le 2 mai 1957 à la loge « Les Zélés Philanthropes » de Paris.

De 1969 à 1980, il fut secrétaire général de la Jeunesse au plein air (Confédération des œuvres laïques de vacances d’enfants et d’adolescents) après avoir été membre de son bureau depuis 1947 et secrétaire général adjoint au début des années 1950.
Le 18 février 1955, Durand fut désigné comme membre du conseil d’administration de l’association culturelle des Arts et la Vie, au titre de la JPA. Il fut actif dans le Groupement central des fonctionnaires. Avec la MGEN, la FEN, la JPA, la FCPE et d’autres organisations, il fut un des fondateurs du Comité de coordination des œuvres mutualistes et coopératives de l’Education nationale en 1970.

A partir des années 1980, Clément Durand participa régulièrement aux séminaires de recherches sur l’histoire du syndicalisme enseignant et universitaire, organisés avec le Centre de recherches d’histoire des mouvements sociaux et du syndicalisme de l’Université Paris I et le Centre fédéral de la FEN devenu centre Henri Aigueperse. Il y témoigna à deux reprises. Il fut membre du jury du prix Jean Maitron. Au sein de la Ligue de l’enseignement, il fit partie de la commission “public-privé“ en 1994-1995 chargée d’examiner la situation de l’enseignement public.

Avec Aigueperse et d’autres anciens dirigeants, Clément Durand jouait un rôle de "grand ancien" écouté par les dirigeants du SNI et de la FEN. En outre, il participait régulièrement aux congrès de la Fédération générale des retraités de la fonction publique dans la délégation du SNI.

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Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article23458, notice DURAND Clément, Joseph par Jacques Cousin, Jacques Girault, Jacques Omnès, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 7 août 2021.

Par Jacques Cousin, Jacques Girault, Jacques Omnès

ŒUVRE : Deux publications des Cahiers laïques du Cercle parisien de la Ligue française de l’enseignement : La nouvelle tactique antilaïque, 1953, 16 p. ; Pour une solution du problème laïque, 1966, 76 p. — Du ciel sur la terre : laïcité, République, démocratie, préface de Jean-Claude Barbarant, Sudel, 1991, 367 p.

SOURCES : Arch. Nat., F17/17795. — APPO B13, 43458 (dossier Bonissel). — Arch. FEN (L. Frajerman). — Secrétariat des Loges du Grand-Orient de France. — Presse syndicale nationale et départementale. — Témoignages, dans "Vingt-six ans après une grande manifestation laïque : le rassemblement de Vincennes (19 juin 1960), "La création du mouvement parents d’élèves : la Fédération des Conseils de parents d’élèves", [Cahiers du Centre fédéral, février 1996. — Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français (1914-1939) ; notice rédigée par Jacques Omnès. — Cousin (Jacques), Dictionnaire biographique des militants syndicaux enseignants en Mayenne (1905-1968).— Cousin (Jacques), « Les instituteurs syndiqués de la Mayenne 1940-1968 », Cahiers du Centre fédéral, n° 35, avec biographie de Clément Durand. — Martin (Jean-Paul), La Ligue de l’enseignement. Une histoire politique (1866-2016), Presses universitaires de Rennes, 2016. — Sources orales. — Notes de A. Dalançon, L. Astre, de J. Battut, de L. Bentz, d’A. Ouliac, de P. Fahy, de G. Putfin, de J.-P. Roux. — Renseignements fournis par l’intéressé.

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