JOURDAN Numa [Dictionnaire des anarchistes]

Par Dominique Petit

Né à Courbevoie (Hauts-de-Seine) le 27 août 1861 ; mort le 6 août 1925 à Nanterre (Hauts-de-Seine) ; ouvrier teinturier ; anarchiste de Puteaux (Hauts-de-Seine), de Saint Denis (Seine Saint Denis) et Londres.

Photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York

Le 26 février 1887, Numa Jourdan se maria à Suresnes (Hauts-de-Seine) avec Léontine, Céline Anger, repasseuse. Il habitait alors chez sa mère 4 rue Saint-Antoine à Suresnes.
D’après une liste d’anarchistes de banlieue établie en 1891, Numa Jourdan, hébergeait Pierre Delage en août 1891 au 28 rue Poireau à Puteaux (Hauts-de-Seine).
Le 15 janvier 1892, la police fit irruption chez Jourdan qui hébergeait Léveillé, après l’échauffourée de Clichy et soupçonné d’avoir participé à une attentat contre le commissaire de Clichy. Selon le journal La Presse « Léveillé s’arma d’un revolver, dont il déchargea les six balles, sans atteindre personne. Puis, n’ayant plus de munitions, il prit la fuite à travers le jardin, sauta un mur, poursuivi par les deux inspecteurs de police. Ceux-ci parvinrent enfin à mettre la main sur lui, mais ce n’est qu’après une lutte de plus d’un quart d’heure, qu’ils purent avoir raison de sa résistance désespérée. Une perquisition dans la chambre de Léveillé fit découvrir des ouvrages et brochures anarchistes.
Avec Jourdan, ils furent conduit au commissariat de police de Puteaux.
Il avait été perquisitionné le 16 mars 1892, avec une quarantaine d’autres anarchistes, à la suite de l’explosion à la caserne Lobau. Le commissaire Amat avait reçu l’ordre d’arrêter à Puteaux trois anarchistes depuis longtemps signalés à la police comme étant des individus dangereux. L’un d’eux Jourdan habitait 1 rue du Jour. Quand le commissaire se présenta, les anarchistes, se doutant sans doute des mesures dont ils allaient être l’objet, avaient prudemment déguerpi.
En avril 1892, il servit d’intermédiaire à un journaliste de l’Echo de Paris, pour faire une interview de Léveillé qui sortait juste de prison et habitait chez lui. Le même mois, Fétis organisa avec St Martin, Jourdan, des réunions électorales pour obtenir l’argent nécessaire à l’impression de manifestes anarchistes, imprimés à Neuilly chez Legout, rue Sablonville et signés par Fortuné Henry et Jourdan.
Numa Jourdan avait été arrêté le 22 avril 1892, à Puteaux, sur mandat du juge d’instruction Atthalin, avec 65 autres anarchistes poursuivis pour association de malfaiteurs (articles 365 et suivants du Code pénal), dans une rafle ayant suivi les attentats de Ravachol. Lors de son interrogatoire il avait déclaré n’appartenir à aucun groupe et avait ajouté : "Je suis candidat aux élections municipales de Saint-Ouen et Levallois, pour le 1er mai. J’ai besoin de ma liberté pour soutenir ma candidature".
La perquisition fut infructueuse. Celui-ci fut envoyé au Dépôt pour y être photographié, puis laissé en liberté.
Le 17 août 1892, l’indicateur Z n°2 de Londres (en fait Gardrat), notait qu’il était allé chez Jourdan qui « ces jours derniers avait été mis sur la sellette », sans doute parce qu’il n’avait donné que 25 centimes à une collecte en faveur de Francis et Meunier. Il avait allégué que « depuis trois semaines, il n’avait pas fait d’affaires. Les compagnons ne paraissent pas le soupçonner mais je ne pense pas qu’ils le choisissent pour confident. »
Le 4 octobre 1892, un rapport de Z n°2 notait que Jourdan était favorable à l’admission de nouveaux membres au Club l’Autonomie de Londres, des anarchistes venant d’arriver et ayant semble-t-il la caution de Gustave Mathieu.
Le 19 octobre 1892, Z n°2, indiquait que Jourdan était membre du Club l’Autonomie.
Le 8 janvier 1893, Z n°2 précisait que Schouppe avait fait « demander au compagnon Jourdan, par l’intermédiaire du compagnons Edouard, s’il ne pourrait emprunter pour quelques jours la somme de 6 livres (150 francs) nécessaire à Schouppe pour faire un grand coup du côté de l’Allemagne sur la frontière hollandaise. Le compagnon Jourdan a répondu que c’était très difficile, mais que néanmoins il s’en occuperait. »
Le 19 janvier 1893, Z n°2 signalait que Jourdan qui était à Londres, ne paraissait plus être suspecté d’être un indicateur.
Le 12 février 1893, d’après Z n°2, Jourdan aurait remis 50 francs à Edouard qui devait partir le jour même. Celui-ci avait donné à Jourdan une adresse où il devait lui envoyer 100 francs qu’il expliqua avoir demandé à sa mère. Edouard engagea Jourdan à le rejoindre pour « opérer avec lui ». Z n°2 précisait : « Si Jourdan part ce sera lundi soir à 4 h ou 5 heures du soir. »
Le 19 février 1893, l’indicateur Z n°6 apportait les précisions suivantes : « Voici les renseignements obtenus jusqu’à présent et demandés.
Edouard (928.488) n’est connu dans la maison qu’il habitait et dans les clubs que sous ce prénom.
On croit qu’il aurait été condamné en France à un an de prison par défaut pour vol et que de plus il serait insoumis à la loi militaire.
Il habite avec un hollandais (Wagmans dossier n° 4897, voir rapport 18 avril 1893) et fait, sous les ordres de celui-ci, ainsi que Gardrat, des adresses et lettres pour estamper les commerçants de France et de l’étranger. On essaiera d’en connaître un peu plus.
Jourdan est dans une combinaison analogue et l’on sait qu’il va de temps en temps à Paris. Il a été soupçonné d’être un agent. »
Le 22 février 1893, Z n°6 écrivait : « Edouard et Jourdan demeurent à proximité l’un de l’autre du côté de Covent-Garden. »
Le 15 mars 1893, Z n°6 indiquait : « On dit que Jourdan n’est venu à Londres que dans le but de donner sur Schouppe, des renseignements à la police française. On doit parler de cela dans une prochaine réunion. »
Le 4 avril 1893, Z n°6 notait dans son rapport que « Schouppe avant son arrestation, avait écrit une lettre à Malatesta dans laquelle il lui disait que Jourdan n’avait rien à faire avec lui et que de plus il le croyait de la police. »
Le 24 avril 1893, Z n°6 indiquait que Jourdan était retourné à Paris le 1er avril.
C’est à cette époque que Jourdan aurait fait partie de la bande dite du « Point du jour », d’après un rapport de police du 25 juillet 1894, établi dans le cadre du dossier Bocquet. Cette bande composée de Nurma Jourdan avec Bamboche, Charles François, Dupit, Charrier, Bondon, était organisée en vue de dévaliser la banlieue parisienne et où l’on chercha même à y fabriquer des explosifs pour venger Vaillant et « terroriser les bourgeois ». A ce sujet voir Spannagel et Vinchon.
Le 18 mai 1893, L’Echo de Paris publia un article intitulé Au pays d’anarchie, qui déplut à Berthe Moreau, la compagne de Léveillé, alors emprisonné, à la suite de la découverte d’un dépôt d’engins explosifs, chez le compagnon Bondon de Levallois-Perret. Numa Jourdan et Berthe Moreau, se rendirent au siège du journal pour faire rectifier l’article.
Le 5 juin 1893, se tenait un meeting salle du Commerce, en présence de 1200 à 1.500 personnes, pour protester contre la condamnation à mort de Foret. Spannagel qui venait d’être relâché, se trouvait à cette réunion avec ses frères. On le vit ensuite, en compagnie de Jourdan, chez le marchand de vins, propriétaire de la salle du Commerce où il raconta les interrogatoires qu’il avait subi et tourna en dérision le juge d’instruction Atthalin qui lui avait demandé les adresses de Jourdan et Ouin qui étaient recherchés pour l’affaire de Levallois. Il avait refusé de lui donner.
Le 3 juillet 1893, d’après un rapport de Z n°2, Bastard et Jourdan se rendaient à la bibliothèque nationale où ils avaient consulté un dictionnaire de chimie dans le but de se renseigner sur la fabrication des explosifs ; ils n’avaient pu trouver les formules qu’ils cherchaient. Bastard devait y retourner. Le même jour, dans la soirée, Jourdan, Galau se réunissaient chez Bastard, en présence de ses parents. Bastard brûla 10 grammes d’acide picrique dont il voulait se débarrasser.
La discussion porta sur la fabrication des engins explosifs. Jourdan et Bastard, exposèrent la recette du mélange le plus facile à faire.
Aucune décision au sujet des engins à fabriquer n’avait été prise mais les compagnons allaient s’occuper de cette question très activement, Jourdan habitant maintenant à Saint-Denis.
Le 26 juillet 1893, X n°10 signalait que Jourdan se trouvait sur une liste d’anarchistes soupçonnés de renseigner la Préfecture de police. C’était Bouchet qui demeurait rue Valentin à Levallois qui faisait voir cette liste. Des correspondances auraient été vues et même saisies mais on ignorait encore d’où elles émanaient.
Jourdan figurait sur l’état récapitulatif des anarchistes au 26 décembre 1893, il était noté comme militant.
Le 19 février 1894, lors de la grande rafle anti anarchiste, il avait été l’objet d’une perquisition infructueuse à son domicile, 25 rue du Canal à Saint-Denis.
Le 5 mars 1894 il fut arrêté lors d’une perquisition. Il fut libéré le 12 mars. Son dossier à la Préfecture de police portait le n°326.975.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article234752, notice JOURDAN Numa [Dictionnaire des anarchistes] par Dominique Petit, version mise en ligne le 28 novembre 2020, dernière modification le 16 juillet 2021.

Par Dominique Petit

Photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York
Fiche photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York

SOURCES :
Anarchismes et anarchistes en France et en Grande-Bretagne, 1880-1914 : Échanges, représentations, transferts par C. Bantman. Université Paris XIII. 24 mars 2013 — Le Père Peinard 8 mai 1892 — Archives de la Préfecture de police Ba 77, 78, 1192, 1500, 1508 — Le Temps 23 avril 1892, 20 février 1894 — Archives Nationales F7/12507 — Notice Numa Jourdan du Dictionnaire biographique des anarchistesL’Echo de Paris 23 avril 1892 — Le Radical 16 janvier 1892 — La Presse 18 janvier 1892 — Journal des Débats 5 mars 1894 — Les anarchistes contre la république de Vivien Bouhey. Annexe 56 : les anarchistes de la Seine — Archives de Paris, D.3 U6 carton 51 — Le Petit parisien 17 mars 1892 — Archives départementales des Hauts-de-Seine. Etat civil.

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