Par André Balent
Né le 17 juin 1906 à Mirepoix (Ariège), mort le 19 mars 1982 à Perpignan (Pyrénées-Orientales) ; médecin militaire puis libéral ; résistant des Pyrénées-Orientales ; membre de la SFIO puis de l’UDSR.
L’acte de naissance du registre de l’état civil de Mirepoix indique qu’il se nommait « Henri Isidore Félix Madron », fils d’Henri Auguste Madron, vingt-cinq ans, plâtrier, et de Marie Joséphine Thérèse Cardonne, âgée de vingt et un ans. Le tribunal civil de Pamiers (Ariège) l’autorisa, par un jugement du 18 juin 1918, à porter le nom d’Henri Durrieu de Madron.
Marié, Henri Durrieu de Madron avait été capitaine dans l’Infanterie. Présenté par certains comme monarchiste avant la Seconde Guerre mondiale (Jean Larrieu, op. cit.), mais qualifié de « socialiste SFIO » dans les bordereaux (1944) des archives des FTP (publiés par G. Sentis, op. cit.), Henri Durrieu de Madron, médecin généraliste à Perpignan, devint très tôt un résistant en vue des Pyrénées-Orientales.
Il milita tout d’abord à « Combat » dès 1941. Mais contacté par les généraux Schmitt et Delestraint, Il fut membre de divers réseaux de renseignements ou de passages en Espagne (Service de renseignement interallié ; Service de renseignement belge, « Mithridate », SR « Marine », AJ-AJ, groupe « Patrie » dont il fut le chef local, « Bourgogne », « Brutus »). En tant que membre actif du Front national auquel il avait adhéré, il organisa aussi, fait notable pour une organisation dépendant d’un parti a priori hostile à ce genre d’activités favorables aux FFL, une filière de passages en Espagne, ayant son origine à Toulouse, auprès du Dr Camille Soula, socialiste non conformiste, professeur à la faculté de médecine de cette ville. Il fit passer la frontière franco-espagnole à plusieurs dizaines de fugitifs, en direction de Londres ou Alger, civils ou militaires, Français ou Belges, notamment le général Schmitt, adjoint du général Delestraint. Il soigna des Évadés de France, en partance pour l’Espagne puis, indifféremment les membres de l’AS et des FTPF. Il se décanta cependant pour ce groupe armé dont il devint formellement membre en novembre 1943 et dont il devint le responsable médical (« Service Santé ») départemental.
Confondu par un document écrit trouvé sur un FTP capturé par les Allemands, il fut arrêté le 25 mai 1944 par la police française en même temps qu’Armand Estève*, pharmacien des FTPF et fut interné à Montpellier (Hérault). Jugé par la Cour martiale du chef-lieu de l’Hérault, il fut transféré, avec d’autres Perpignanais (dont Isidore Forgas*), à Toulouse (Haute-Garonne) afin d’y être exécuté. Pendant son transfert, il fut libéré (16 août 1944) sur la route de Lavérune (Hérault) par des éléments du maquis « Bir-Hakeim », actif dans le Sud du Massif Central.
Dès 1945, Henri Durrieu de Madron, fut d’abord proche de la SFIO à laquelle il semble avoir adhéré. Il fut candidat, en quatrième position, aux élections municipales de Perpignan (scrutin des 19 et 26 octobre 1947), sur la liste « socialiste et républicaine » (en fait SFIO) conduite par Félix Mercader*. Élu conseiller municipal, il le demeura jusqu’en 1953.
Après la libération, il fut un des fondateurs de l’Amicale des Maquisards et Résistants catalans créée dès février 1945. Au fil des ans, il en devint l’un des principaux animateurs (il était président en 1948). Plus tard, avec Armand Estève, pharmacien de Perpignan, ancien FTPF et René Horte*, l’instituteur résistant de Valmanya, il dressa la liste des déportés politiques ou raciaux des Pyrénées-Orientales. À ce titre, il conduisit (mai 1950) une délégation auprès de Paul Chichet, de L’Indépendant lui demandant de changer le nom de ce journal disparu à la Libération et qu’une décision de justice venait d’autoriser à reparaître. En effet, ce quotidien avait été trop proche, auprès des anciens résistants, de Vichy et des occupants allemands. Le fait qu’Arthur Conte*, de la SFIO, ait été intronisé éditorialiste de ce quotidien explique, sans doute un engagement électoral dans l’UDSR (dont il fut le président départemental) qui demeura sans lendemain. Durrieu de Madron fut en effet candidat, en troisième et dernière position, sur la liste présentée dans les Pyrénées-Orientales par l’UDSR aux législatives du 17 juin 1951. Cette liste conduite par Pierre Denis, avocat, ne recueillit que 741 voix (contre 49 777 aux listes apparentées, SFIO, radicale et d’Union paysanne ; 38 128 à la liste communiste ; 18 533 à la liste du RPF et 7 923 à la liste d’union des contribuables). Il fut à nouveau candidat aux élections municipales de Perpignan de mars 1959 sur la Liste démocratique de rénovation municipale conduite par Paul Alduy*, socialiste SFIO dissident. Il obtint 8879 voix au premier tour (8 mars) et fut élu à l’issue du second tour avec 14581 voix.
Durrieu de Madron fut quelque temps un « compagnon de route », proche du PCF. Mais, en 1982, il était suffisamment éloigné de ce parti au point que Le Travailleur Catalan ne mentionna pas son décès.
Officier de la Légion d’Honneur, il était décoré de la Croix de guerre 1939-1945 et de la Croix de Combattants volontaires de la Résistance.
Il fut enterré religieusement en l’église Saint-Mathieu de Perpignan le 22 mars 1982.
Par André Balent
SOURCES : Arch. Com. Mirepoix, état civil et renseignements complémentaires (conversation téléphonique du 21 novembre 2007) communiquées par la mairie de Mirepoix. — Arch. Com. Perpignan, 1 D 44. — Roger Bernis, Le Roussillon politique du réséda à la rose..., t. 1 : Le temps de Quatrième, 1944-1958, Toulouse, Privat, 1984, p. 52. — Gérard Bonet, L’Indépendant des Pyrénées-Orientales. Un siècle d’histoire d’un quotidien 1846-1950. L’entreprise, le journal, la politique, Perpignan, publications de l’Olivier, 2004, p. 522. — Le Républicain, quotidien, Perpignan (1944 et sq.). — Émiliene Eychenne, Les portes de la liberté. Le franchissement clandestin de la frontière espagnole dans les Pyrénées-Orientales de 1939 à 1945, Toulouse, Privat, 1985, p. 111. — Ramon Gual, Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, Prades, Terra Nostra, 1996, p. 50, 200, 207 ; II b, Prades, Terra Nostra, 1998, p. 442, 479, 579, 777, 877, 895. — Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la résistance catalane, I, Chronologie des années noires, Prades, 1994, p. 278, 342. — Georges Sentis, Les archives des FTP catalans (hiver-printemps 1944), Lille, Marxisme Régions, 1984, p. 62. — L’Indépendant, 16 juin ; 18 juin 1951. — L’Indépendant, 9 et 16 mars 1959. — L’Indépendant, Perpignan, 20 mars 1982, faire-part de décès et d’enterrement. — Georges Sentis, Les communistes et la résistance dans les Pyrénées-Orientales. Biographies, Lille, Marxisme Régions, 1994, p. 83-84.