DUSEUX Jean, Marie, Georges

Par Alain Dalançon

Né le 4 janvier 1926 à Remiremont (Vosges), mort le 22 décembre 2016 à Paris (XVIIe arr.) ; professeur d’histoire-géographie ; militant mutualiste de la MGEN et du Crédit mutuel des enseignants des Vosges ; militant syndicaliste du SNES, membre de la CA nationale et du BN (1967-1972), secrétaire du S3 de Nancy (1967-1969), membre de la CA nationale de la FEN (1966-1972) ; militant socialiste du PSA, du PSU puis du PS.

Congrès SNES 1971
Congrès SNES 1971
(coll. IRHSES)

Fils d’un employé de bureau et d’une mère ouvrière en confection, Jean Duseux fut élevé avec son frère cadet dans la tradition catholique familiale. Ses parents l’envoyèrent cependant à l’école communale laïque, où son grand-père et son arrière grand-père paternels avaient été instituteurs. Son père était d’ailleurs agnostique et même politiquement proche du Parti communiste français après la guerre, tout comme sa mère. Il conserva un souvenir ému de son enfance studieuse sous la férule de ses instituteurs, véritables « hussards noirs » de la république ; bon élève, il passa le concours des bourses, ce qui lui permit de poursuivre des études secondaires comme externe au collège Jules Méline de Remiremont et d’obtenir le baccalauréat (série philosophie) en 1945.

Jean Duseux entama des études en histoire-géographie à la Faculté des Lettres de Nancy, tout en étant maître d’internat, au lycée de Bar-le-Duc (Meuse) (1945-1946) puis au lycée d’Épinal (Vosges) (1946-1948). Malgré les difficultés rencontrées pour suivre les cours, il termina sa licence d’histoire-géographie, mention géographie en 1948. Cette même année, il se maria à l’église, le 28 août 1928 à Mauvages (Meuse) avec Monique Henry qui devint professeur d’enseignement général de sciences des lycées professionnels et avec laquelle il eut un fils. Sursitaire de 1946 à 1950, il fut dispensé de service militaire en raison de sa situation familiale.

En 1948, il commença une carrière d’enseignant d’histoire-géographie. Il fut successivement adjoint d’enseignement au lycée d’Épinal (1948-1952), professeur délégué ministériel au collège de Thaon (Vosges) (1952-1959), puis professeur certifié au lycée L. Lapicque d’Épinal, de 1960 jusqu’à sa retraite en 1986.

Dès le début de sa carrière dans l’Éducation nationale, Jean Duseux milita au Syndicat national de l’enseignement secondaire et, après la fusion du syndicat avec le Syndicat national des collèges modernes en 1949, en se reconnaissant dans le courant majoritaire des « autonomes », il entra au bureau de la section départementale (S2) des Vosges et y resta jusqu’en 1970. Il était en même temps membre de la commission administrative de la section académique (S3) de Nancy et travaillait au côté du secrétaire du S3, André Mirgaux. Il était en outre membre de la CA nationale (liste A) : titulaire en 1954 et 1955 puis suppléant en 1956 ; il redevint titulaire en 1962 en tant que certifié et le demeura jusqu’en 1975. Il fut également élu commissaire paritaire national suppléant des AE (élections de 1955).

Au cours des décennies 1950-1960, Jean Duseux s’affirma comme un des militants du SNES et de la Fédération de l’Éducation nationale les plus en vue de son département et de sa région. Il se souvient que les relations avec les militants du Syndicat national des instituteurs étaient convenables et que le partage des responsabilités à la FEN et dans les différentes organisations mutualistes du CCOMCEN furent à l’origine de quelques frictions. Il entretint cependant à l’époque des rapports amicaux avec André Henry lorsqu’il était secrétaire de la section du SNI des Vosges. Il eut aussi l’occasion de nouer des relations avec le secrétaire général du SNES, Pierre Dhombres dont il appréciait l’ouverture d’esprit et la grande culture et le secrétaire général de la FEN, James Marangé, à qui il reconnaissait une hauteur de vues et la recherche du consensus. Il essaya de suivre leur exemple dans une FEN et un SNES où les débats de tendances étaient parfois tendus.

Jean Duseux était aussi un militant politique. Après avoir été admiratif du rôle des communistes dans la Résistance et de l’URSS dans la victoire sur l’Allemagne nazie, il prit franchement ses distances à l’égard du PCF, dont il avait suivi de très près la vie dans les années qui suivirent la Libération, sans pourtant faire le pas de l’adhésion. Son hostilité au stalinisme le fit se rapprocher de la SFIO vers 1947-1948 mais il n’y adhéra pas non plus. Il reprocha bientôt au parti de Guy Mollet sa tiédeur en faveur des luttes ouvrières des années 1950 (grandes grèves de 1953) et surtout son attitude durant la guerre d’Algérie. Il s’engagea donc en politique en 1956 : très proche d’Édouard Depreux, il implanta le Parti socialiste autonome dans son département puis quelques années plus tard le Parti socialiste unifié dont il fut le secrétaire adjoint de la fédération en 1960. Il quitta cependant assez vite le parti de Michel Rocard, à cause des incessantes luttes de tendances qui stérilisait son activité, selon lui, adhéra au nouveau Parti socialiste peu de temps avant le congrès d’Epinay de 1971 et y milita activement jusqu’à sa retraite professionnelle dans le courant majoritaire.

La confiance que Jean Duseux avait acquise auprès des syndiqués du SNES lui permit d’être secrétaire général du S3 de Nancy du nouveau Syndicat national des enseignements de second degré durant deux années (1967-1969) après la prise de la direction nationale par le courant « Unité et Action ». En effet le courant autonome (devenu ID « Indépendance, Démocratie ») disposait toujours d’une faible majorité dans la section académique aux élections de 1967 (notamment en raison d’une majorité dans le département des Vosges), de sorte qu’une cohabitation fut instaurée dans le secrétariat académique entre Duseux (autonome), secrétaire général et Robert Genton, militant communiste « Unité et Action », secrétaire adjoint, et Bernard Zussy, militant socialiste U-A, secrétaire administratif, cohabitation qui se déroula sans heurts majeurs, au service des syndiqués et dans le respect des convictions de chacun.

Lors des événements de 1968, Jean Duseux tenta de resserrer les liens du SNES et de la FEN avec les syndicats ouvriers, ce qui représenta quelques difficultés, tant ces derniers avaient du mal à comprendre l’organisation de la FEN en tendances. Néanmoins, beaucoup de préventions purent être levées et le SNES et la FEN prirent une part essentielle dans l’organisation des manifestations unitaires de la période. Du côté des enseignants, il se souvenait également de la difficulté à poursuivre massivement le mouvement de grève après le 30 mai ; il vota donc pour la reprise du travail lors de la CA de la FEN du 4 juin, comme le préconisait Marangé.

À cette époque, en raison de son influence en Lorraine, Duseux était devenu un des militants autonomes puis ID « Unité, Indépendance et Démocratie » les plus en vue au plan national. Il figurait dans les tout premiers rangs sur les listes successives aux élections à la CA nationale du SNES (il était en même temps le candidat au secrétariat de catégorie des certifiés) dont il continua à être membre jusqu’en 1975, il siégea comme titulaire au bureau national de 1968 à 1972 et à la CA nationale de la FEN de 1966 à 1972.

Il fut également élu titulaire au Conseil de l’enseignement général et technique (collège 16 des AE et certifiés) sur les listes présentées par le SNES-FEN en 1966 puis élu suppléant en 1971 et candidat aux élections de 1975. A ce titre il siégea donc au Conseil supérieur de l’Éducation nationale de 1966 à 1970.

Jean Duseux n’eut jamais de goût pour les querelles de tendances, ce qui ne l’empêchait pas de défendre avec conviction ses positions. Ses qualités de militant syndical lui étaient reconnues par ses adversaires, de sorte que les nouveaux majoritaires lui proposèrent assez souvent de présider des réunions de la CA nationale ou des congrès et acceptèrent sa candidature aux élections au CEGT.

Aux élections internes du SNES de mai-juin 1975, Duseux ne figura plus qu’en 43e position sur la liste UID et arrêta de militer de façon active dans le syndicat au plan national. Il était en effet lassé par les dissensions existant dans la tendance UID. Il regrettait, par la suite, que « les affrontements de tendances à l’intérieur de la FEN aient conduit à sa scission et à sa disparition, si bien que le syndicalisme enseignant s’en trouve gravement affaibli ».

Il continua cependant de militer dans le mouvement mutualiste auquel il avait accordé beaucoup d’intérêt dès le début de son militantisme syndical. Il fut membre de la CA départementale de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale durant une vingtaine d’années ; il fut surtout membre créateur du Crédit mutuel des enseignants des Vosges ; il était toujours en 2005 administrateur de cette banque mutualiste qui comptait plus de 5 000 adhérents dans le département. Resté membre du PS, il se reconnaissait dans le courant majoritaire (Hollande, Jospin).

Jean Duseux enseigna avec passion l’histoire-géographie qui lui permettait d’expliquer le monde à ses élèves et de les initier à la citoyenneté responsable. La défense et la promotion de la laïcité qui rassemble, tout en respectant les convictions intimes de chacun, fut pour lui un des axes majeurs de son engagement militant, aussi bien dans le domaine professionnel et syndical que politique.

Officier des Palmes académiques, ayant toujours eu le goût de la littérature, il conservait dans des tiroirs des manuscrits inédits de poèmes, nouvelles et romans.

Son épouse décéda le 15 janvier 2015, peu de temps avant son propre décès ; leurs obsèques furent religieuses.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article23529, notice DUSEUX Jean, Marie, Georges par Alain Dalançon, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 7 février 2021.

Par Alain Dalançon

Congrès SNES 1971
Congrès SNES 1971
(coll. IRHSES)

SOURCES : Arch. Nat., 581AP/136/500. — Arch. IRHSES (CA, congrès, L’Université syndicaliste, S3 de Nancy). — Témoignage de l’intéressé.— Note de Jacques Girault.

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