GONZALEZ-SILVA Manuel, Augustin

Par André Delestre

Né le 12 aout 1945 à Santiago du Chili (Chili), mort le 15 octobre 2011 à Santiago du Chili ; réfugiés chiliens en France ; militant socialiste au Chili et communiste en France.

Lors de l’arrivée de Manuel et Monica en France le 19 janvier 1978. De gauche à droite, Manuel, Guy, Beatriz, Manolo et Monica en partie cachée.

Manuel Gonzalez-Silva fit son service militaire dans l’armée de l’air. Il travailla ensuite dans une entreprise de transport comme routier. Militant du Parti socialiste, il diffusait les informations et tracts à travers le pays, au gré de son activité professionnelle.
Il fréquenta Beatriz del Carmen Espinola Serrano, née le 5 octobre 1946 à Santiago du Chili. Après avoir suivi une école de couture, qualifiée, elle travailla dans un atelier, forma et rendit service aux femmes du quartier. Manuel, surnommé Manolo, vint au monde le 24 septembre 1965 à Santiago. Ils se marièrent le 10 juin 1971 à Renca.
Le coup d’état militaire du général Pinochet éclata le 11 septembre 1973. Manuel se trouvait au sud du Chili. Enceinte, elle accoucha le 21 septembre 1973 de Monica à l’hôpital Ramon Barros Luco de San Miguel, commune du grand Santiago ou la famille réside. Parquée et surveillée par des militaires armés, dans la cour de l’hôpital avec des centaines d’autres personnes, malades, personnels et habitants du quartier en quête des nouvelles d’un proche, la télévision, aux mains du pouvoir, filma la façade pour témoigner de la normalité de la situation. De retour, les portes des maisons de la cité étaient fracassées, la maison saccagée, les militaires recherchaient des militants du quartier, en particulier le docteur Miguel Enriqués, dirigeant du MIR et sa femme Carmen Castillo. Manuel, à son retour, fut arrêté, interrogé et emprisonné. Bien plus tard, il fut libéré, assigné à résidence et licencié. Ils étaient en contact avec les prêtres de l’Action Catholique Ouvrière. Ils s’éloignaient de San Miguel pour une maison familiale située sur la commune de Puente Alto, à environ 30 km de la capitale. Puis, face à la contrainte policière, la famille quitta le Chili en minibus et camionnette clandestinement. Sur leur chemin, Manolo fut recueilli chez des parents. Arrivé en Argentine, à Rufo dans la région de Santa Fé, Manuel trouva du travail comme collecteur de lait dans les fermes. Ils sont hébergés et le regroupement familial se fera plus tard grâce au réseau de solidarité.
Le 24 mars 1976, la nuit tombe sur l’Argentine avec le coup d’état militaire du général Videla. À nouveau persécutés, ils furent mis en demeure, le 10 février 1977, de quitter le territoire lors de leur renouvellement de carte de travail et de séjour au service de l’immigration de Buenos Aires. Ils eurent un délai de deux mois pour s’exécuter. Ils étaient des milliers dans ce cas, militants de gauche chiliens, argentins et uruguayens. Grâce à l’International Catholic Migration Commission et Guy Parreil, prêtre français en mission au Chili puis en Argentine, ils choisirent la France parmi les trois pays proposés avec le Canada et l’Australie. Le temps des démarches administratives comme le laissé passer protecteur de l’OFPRA rappelant la convention de Genève ou la lettre d’accréditation pour le travail et l’hébergement en France produite par Guy Parreil, ils débarquèrent en France le 19 janvier 1978. L’argent du voyage fut avancé par le Secours Catholique, avec une échéance de remboursement.
Arrivés à Paris, ils hébergèrent en foyer. Puis direction Gaillon dans l’Eure dont la commune était dirigée par le socialiste Maurice Maire, très volontaire dans l’accueil des réfugiés. Une statue de Salvatore Allende fut érigée grâce au travail d’un refugié chilien du même groupe, M Edulio. Là, hébergés, ils suivirent des cours de français. Manuel, très actif, accepta la proposition d’un emploi à Sotteville, dans l’imprimerie Fernandez, du nom de deux frères, républicains espagnols réfugiés. Ils furent hébergés dans une maison vide à Rouen, rue Georges d’Amboise, appartenant aux Fernandez. Manuel suivit une formation professionnelle puis trouva du travail chez Hertz, le loueur de voitures. Eduardo naquit le 26 mai 1981 à l’hôtel Dieu de Rouen. Ils obtienrent le statut de réfugiés le 3 juin 1981 et un logement auprès du bailleur Seine Habitat, rue Pablo Neruda à Petit-Quevilly en 1983. Ils rejoignirent l’association France Amérique Latine, très présente sur l’agglomération. Ils entrèrent en contact avec les militants communistes du quartier, dont Gislaine Philippe, Jean-Pierre Marais et rejoignirent le PCF.
Yvan Tinel, directeur de l’association Jéricho, entreprise d’action sociale et d’insertion située rue J. Rondeaux, cherchait une monitrice qualifiée en couture ; Betty fut embauchée. Elle y resta quinze ans jusqu’à la liquidation de l’association. Elle y forma des centaines de femmes en difficulté d’insertion, françaises, immigrés ou réfugiés. Manuel fut embauché ultérieurement comme agent d’entretien. Ils se syndiquèrent à la CGT. Ils obtinrent la nationalité française, pour Manuel le 23 février 1995 et Betty le 12 février 995. Le droit de vote était sacré, ils ne firentjamais défaut à l’acte démocratique.
En 1985, ils acquèrirent une maison quevillaise rue des frères Delattre. Les conditions du crédit obtenu les mettront en grande difficultés financières. La solidarité leur permettra de renégocier le prêt. À la dissolution de Jéricho, Betty travailla dans un atelier couture jusqu’à la retraite en 2006. Manuel intégra l’Institut Régional du Travail Social à Canteleu comme agent d’entretien. Il prit sa retraite en 2007.
Dés leur arrivée à Rouen, Manuel Gonzalez-Silva constitua, avec les militants syndicalistes, politiques et ceux de la mission ouvrière, un réseau de solidarité et de soutien aux réfugiés chiliens mais aussi ceux du continent latino américain, allant de l’alimentation à la réparation automobile, l’aide administrative, le taxi, l’organisation de fêtes, des conférences sur le Chili et la situation en Amérique Latine. Il était disponible jour et nuit pour rendre service. Il s’inquiétait de voir des familles françaises en très grandes difficultés avec des situations sociales et culturelles du même ordre qu’au Chili. Armada de la Liberté de juillet 1994, organisée pour fêter le 50e anniversaire du débarquement de Normandie, l’Esméralda, le voilier école de la marine chilienne fut présent. Avec la communauté des réfugiés et des forces de gauche, il dénonça l’usage du navire comme centre de détention et de torture lors de la dictature.
Manuel Gonzalez-Silva constatait qu’en France, malgré un mouvement ouvrier encore organisé, l’individualisme prenait le pas sur le collectif. Il invitait à regarder attentivement ce qui se passait au Chili, en Amérique Latine.
Il retourna, seul, au Chili, en "mode projet", avec son inséparable caisse à outil. Il décéda brutalement trois mois après son arrivée. Manuel Gonzalez-Silva fut enterré au cimetière de Petit-Quevilly. La cérémonie religieuse, à Saint Antoine de Padoue, était présidée par le père Jean-Marie Héricher.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article235436, notice GONZALEZ-SILVA Manuel, Augustin par André Delestre, version mise en ligne le 11 décembre 2020, dernière modification le 15 janvier 2021.

Par André Delestre

Lors de l’arrivée de Manuel et Monica en France le 19 janvier 1978. De gauche à droite, Manuel, Guy, Beatriz, Manolo et Monica en partie cachée.

SOURCES : Entretien de Beatriz Gonzalez avec André Delestre ; papiers de la famille.

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