CHARDRON Jean, Félix, Marie

Par Bernard Geay

Né le 27 avril 1910 à Rennes (Ille-et-Vilaine), mort le 18 mai 1979 à Indre (Loire-Atlantique) ; ouvrier ajusteur-mécanicien ; militant JOC et syndicaliste CFTC puis CFDT, secrétaire du syndicat des métaux de Basse-Indre, secrétaire de l’Union locale CFTC de Basse-Indre, président de l’Union départementale CFTC de Loire-Inférieure de 1945 à 1952, membre du bureau de la Fédération de la Métallurgie CFTC de 1947 à 1951.

Son père, Félix Chardron (1887 – 1940), était maçon aux Forges de Basse-Indre, commune d’Indre située en bord de Loire à l’ouest de Nantes (Loire-Atlantique). Victime d’un accident du travail en chutant d’une échelle, il décéda à l’âge de cinquante-deux ans d’une septicémie consécutive à ses blessures. Sa mère, Marie-Ange Guilbaud (1887 – 1956) était couturière à domicile. La famille, catholique pratiquante, eut trois fils dont Jean était l’aîné.

Jean Chardron, arrivé à Basse-Indre avec sa famille à l’âge de dix ans, fréquenta l’école privée jusqu’au certificat d’études primaires, à l’issue duquel il entra en apprentissage d’ajusteur-mécanicien aux Forges de Basse-Indre et obtint son CAP en 1926. Il fut ensuite embauché comme ajusteur aux Forges, alliées depuis 1902 à la société du ferblantier Jules-Joseph Carnaud et employant alors quatre mille personnes. Ce fut l’époque où il participa à l’implantation de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) en Basse-Loire, à partir de 1929. Ainsi, la section JOC masculine de Basse-Indre fut fondée en mars 1930. Ses réunions mensuelles rassemblaient alors 80 jeunes.

Fin avril 1930, Jean Chardron partit au service militaire qu’il effectua comme mécanicien à la base aérienne de Cazaux (Gironde). A son retour à la vie civile, en mai 1931, il resta quelque temps sur la région bordelaise avant de réintégrer les Forges de Basse-Indre, à l’automne 1931, au service Entretien puis au contrôle des pièces de fonderie. Il reprit alors ses activités à la JOC en s’occupant de la « Préparation au travail », en lien avec le service d’orientation professionnelle de la ville de Nantes.

Militant de la JOC, il contribua tout naturellement à l’implantation de la CFTC aux Forges de Basse-Indre qui était très minoritaire à ses débuts face à la toute-puissante CGT. Ce n’est vraiment qu’en 1936, par sa participation active à la grève, que la CFTC commença à gagner en légitimité auprès des ouvriers. Jean Chardron participa alors à la constitution du syndicat CFTC de la métallurgie de Basse-Indre et à la création de l’Union locale des syndicats chrétiens dont il devint le président en 1939.

Jean Chardron se maria en 1936 avec Suzanne Ravilly (1914 – 1996), institutrice puis mère au foyer. Le couple eut neuf enfants (sept filles et deux garçons), nés entre 1937 et 1953. En septembre 1939, il fut mobilisé au moment de la déclaration de guerre et affecté dans l’aviation, à Pau (Basses-Pyrénées, Pyrénées-Atlantique). Durant cette période, son épouse reprit son travail d’institutrice. Après la défaite de juin 1940, il fut démobilisé le 30 juillet 1940 et renvoyé dans ses foyers.

Pendant l’Occupation, Jean Chardron réintégra les Forges de Basse-Indre et eut des activités liées à la Résistance sur lesquelles il resta toujours très discret. En raison de ses charges de famille, il échappa au travail obligatoire en Allemagne, contrairement à son frère Gilbert. Son autre frère, René, fut prisonnier de guerre. Après la libération, il participa activement au redémarrage de la CFTC. Il redevint président de l’Union locale de Basse-Indre et accepta la présidence de l’Union départementale CFTC de Loire-Inférieure de 1945 à 1952, Jean Raulo en étant le secrétaire général. A l’issue du congrès départemental CFTC des 8 et 9 novembre 1952 à Châteaubriant, Nestor Rombeaut lui succéda à la présidence de l’UD.

Aux Forges de Basse-Indre, Jean Chardron fut élu au Comité d’entreprise dès 1947 où il siégea de nombreuses années ainsi qu’au comité central d’entreprise. Au CE, il s’occupa, entre autres, des commissions « Arbre de Noël- Vacances » et « Formation Professionnelle ». A partir de 1949, il siégea aussi au Comité d’hygiène et de sécurité (CHS). En 1956, il participa à la négociation de l’accord d’entreprise dont il fut signataire pour la CFTC.

Jean Chardron siégea aussi au bureau de la Fédération CFTC de la Métallurgie de1947 à 1951. Il fit partie de diverses instances traitant de la sidérurgie, commission Schneider du Plan à Paris, sous-commission professionnelle de la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier (CECA), à Luxembourg. Enfin, il participa à la mise en place de l’Institution de retraite et de prévoyance des salariés (IREPS), dont il fut vice-président, et fut plus tard administrateur à l’ARRCO (Association des régimes de retraite complémentaire des ouvriers).

A l’été 1950, Jean Chardron effectua un voyage d’études de plus de six semaines aux Etats-Unis parmi une délégation d’une quinzaine de syndicalistes français CFTC, FO et CGC. Arrivés par avion le 27 juin 1950 à New-York, ils se rendirent entre autres à Washington, Philadelphie, Madison, Chicago et Pittsburg. La délégation, accueillie par le ministre du Travail américain, Dante Rosenthal, suivit des cours et des conférences, put visiter plusieurs entreprises (aciéries, industries alimentaires, papeterie…) et rencontrer des syndicalistes américains de l’AFL-CIO. A leur sujet, Jean Chardron remarqua, dans son journal de voyage, qu’ils étaient « bien souvent des types n’ayant jamais travaillé à l’usine mais qui avaient étudié les lois sociales et étaient embauchés par les syndicats ».

De ce voyage, Jean Chardron tira un récit détaillé et plein d’humour qui a été mis en forme sous forme d’un livret par l’une de ses filles. C’est avec étonnement qu’il découvrit « the american way of life » : les villes gigantesques, les gratte-ciel, les néons, les routes à six voies, les réfrigérateurs, les téléviseurs, les cafétérias… et ce qu’on y servait. Tout cela était bien différent de la France d’après-guerre mais, à ses yeux, ne valait tout de même pas son cher Basse-Indre et ses bords de Loire.

En tant que secrétaire du syndicat CFTC des Métaux de Basse-Indre, Jean Chardron vécut les grands conflits qui marquèrent l’histoire sociale en France et dans le département (1936, 1955…). En 1964, au moment de l’évolution de la CFTC en CFDT, il en fut, comme la plupart des métallurgistes, un fervent partisan. Ainsi, le congrès extraordinaire de l’Union CFTC Métaux de Nantes et région vota, le 26 septembre 1964, à 95 %, en faveur de cette évolution. Pour sa part, le syndicat de Basse-Indre s’était prononcé pour la dénomination UGT (Union générale du travail).

En 1968, Jean Chardron était toujours militant actif mais Pierre Mabit lui avait succédé comme secrétaire du syndicat, en 1963, suivi par Théo Bichon en 1967.Aux Forges, la grève avec occupation dura quatre semaines du 20 mai au 14 juin1968 inclus et se termina par un défilé, place du Marché à Basse-Indre, derrière une banderole intersyndicale unique. Après sa retraite, à l’été 1970, il continua à militer avec la section CFDT Retraités.

Homme de culture, Jean Chardron avait une passion pour la musique, sous toutes ses formes. Il aimait la lecture, la photo mais aussi le bricolage et les fleurs. Dans sa jeunesse, il fit du théâtre et de la gymnastique au patronage. Pour lui, l’action ouvrière n’était pas son seul centre d’intérêt, il y avait aussi la Mutualité, les Retraites, la Sécurité Sociale dont il fut administrateur, la Santé... Appelé affectueusement « le gros », en raison de sa corpulence, il n’avait que des amis et, en dépit de ses déplacements fréquents à Paris, il sut garder le contact avec la base, avec les copains de l’usine.

Jean Chardron se refusa toujours à avoir un engagement politique car il ne voulait pas mélanger « les genres ». Son épouse milita à l’Association syndicale des familles (ASF) où elle s’occupa des aides-familiales sur le secteur d’Indre. Elle participa aussi aux activités de l’Action catholique ouvrière (ACO).

Jean Chardron décéda à l’âge de soixante-neuf ans, le 18 mai 1979. Ses obsèques furent célébrées le 21 mai en l’église d’Indre où plusieurs de ses camarades et amis lui rendirent des hommages chaleureux.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article235478, notice CHARDRON Jean, Félix, Marie par Bernard Geay, version mise en ligne le 13 décembre 2020, dernière modification le 28 avril 2022.

Par Bernard Geay

SOURCES : Arch. de l’Union départementale CFDT de Loire-Atlantique et de la Section CFDT des Forges de Basse-Indre, Centre d’Histoire du Travail, Nantes. — Notes de Louis Botella. — Entretiens le 25 juin et le 29 juillet 2020 avec Madeleine Guého, Monique Orieux, Marguerite Bresson et Thérèse Hizembert, filles de Jean Chardron.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable