DUTHION Adrien [DUTHION Henri, Adrien]

Par Michel Dreyfus

Né le 20 mai 1913 à Paris ; un des animateurs de l’Union des syndicats des techniciens et employés de l’industrie (USTEI), puis de la Fédération des techniciens et ingénieurs de la CGT (1934-1945).

Fils d’un ouvrier-boulanger militant anarcho-syndicaliste et d’une mère fille de salle, Henri, Adrien Duthion eut une enfance marquée par le mouvement ouvrier. Il alla à l’école jusqu’au Certificat d’études et travailla un an en 1926 dans un laboratoire de produits pharmaceutiques. Cette voie s’avérant sans issue il reprit ses études jusqu’au Brevet élémentaire qu’il obtint à seize ans. Il fut ensuite embauché dans une usine de papiers peints de 1929 à 1930.

Il s’orienta alors vers l’architecture. Il commença comme grouillot dans une agence d’architecture, et tout en travaillant prépara le concours des Arts décoratifs où il fut reçu à l’automne 1933. Peu après il rejoignit le syndicat des dessinateurs architectes et commis d’architectes où se trouvaient des camarades d’école, en particulier Robert Robin et ses collègues de la SAEG. Ce syndicat était affilié à l’Union des syndicats de techniciens et employés de l’industrie (USTEI). Cette organisation précédemment nommée UST était issue de l’USTICA qui avait été fondée au début des années vingt par Roger Francq. L’USTEI, qui regroupa jusqu’avant les grèves de 1936 quelques milliers de militants, avait des sections dans la région parisienne, le Nord, la Lorraine, la Basse-Seine entres autres et dans des métiers techniques divers comme les officiers radio de la marine ou les chimistes des sucreries par exemple, ainsi que des noyaux plus ou moins fournis dans divers centres industriels : Lyon, Marseille, Clermont-Ferrand, etc. Des contacts existaient également avec le très actif syndicat des dessinateurs de chantiers navals, surtout implanté à Saint-Nazaire et adhérent à la CGT.

Devenu chômeur en 1934, H. A. Duthion milita très activement à partir de cette date en collaborant notamment à la rédaction de nombreux documents, textes, brochures, etc. À cette époque il travailla aussi pour la Guilde des techniciens, coopérative ouvrière liée surtout jusque-là avec des municipalités communistes et qui s’efforçait de trouver du travail aux militants renvoyés. Ce fut également à cette époque qu’il se lia avec les principaux animateurs de l’USTEI : André Becarian (dit Becat), secrétaire de cette organisation : Bertrand (dit Rollin), le permanent ; le graveur Jean-Marie Boireau (dit Carreau) ; l’ingénieur Régis Bos (dit Resale) qui joua dans ce mouvement un rôle très important. Tous anciens militants communistes à divers titres, étaient partisans de la réunification des deux centrales syndicales sur la base de la Charte d’Amiens. En 1935, à l’initiative d’André Becarian, ils organisèrent une conférence des organisations syndicales autonomes qui n’étaient rattachées à aucune Confédération - telles que le Cartel du bâtiment de Lyon ou la Fédération des cadres des chemins de fer - à l’issue de laquelle fut prise une position favorable à la réunification et furent définis les principes d’une action syndicale responsable et démocratique, échappant à la mainmise des formations idéologiques.

En 1935, H. A. Duthion était secrétaire du syndicat des commis d’architectes et membre de la Commission exécutive de l’USTEI.

En 1936, l’USTEI fusionna avec la Fédération des dessinateurs de chantiers navals et devint ainsi l’une des Fédérations de la CGT. Cette fusion coïncida à quelques semaines près avec la réunification de la CGT et de la CGTU. H. A. Duthion fut alors membre de la Commission administrative de la Fédération des techniciens de la CGT. Il participa activement à l’organisation des sections d’entreprise pendant le mouvement de grèves. Entres autres activités, il prit part avec le surréaliste Marcel Jean qui travaillait comme compositeur, à la conduite de l’originale et sévère grève des dessinateurs en tissus. Il intervint alors dans la rédaction des projets de conventions collectives des techniciens. À cette époque, les militants de la fédération estimaient que s’ils devaient combattre aux côtés de la classe ouvrière dans la CGT, ils devaient cependant sauvegarder leur spécificité et avoir leur organisation et leurs revendications propres.

À partir de l’été 1936, H. A. Duthion fut nommé délégué de la région Est de la Fédération des techniciens dont il devint permanent. Il fut l’un des principaux rédacteurs de plusieurs conventions collectives des techniciens et employés, en particulier celle de la très industrielle région Belfort-Montbéliard, qui concernait notamment l’Alsthom à Belfort et les automobiles Peugeot à Sochaux. Ce fut également pendant cette époque qu’il s’occupa du journal de la Fédération, L’Action syndicale des techniciens dont il assura l’impression. En septembre 1938, il partit à Lyon au moment où, au sein de la Fédération des techniciens la lutte faisait rage entre deux principales tendances sur le problème de la position à prendre contre les dangers de guerre : André Becarian représentait une tendance très proche dans sa sensibilité de celle de Belin*, très anticommuniste, alors que Régis Bos, Jean-Marie Boireau, Robert Robin étaient hostiles à la soumission du mouvement syndical aux desseins gouvernementaux. La bataille fut très âpre et en fin de compte Robert Robin fut nommé secrétaire général et confirmé à ce poste au congrès de Lyon au début 1939.

Pendant la guerre H. A. Duthion fut activement lié durant un temps aux Mouvements unis de la Résistance dans la région de Grenoble. Après avoir repris contact avec Robert Bothereau* il put commencer à reconstituer la Fédération des techniciens, dans la région Rhône-Alpes en particulier. En septembre 1944, il revint à Paris pour en achever la réorganisation dans la CGT. Il en fut le secrétaire général jusqu’en mars 1945, date à laquelle la Fédération des techniciens fut dissoute par décision du Comité confédéral national de la CGT vraisemblablement sous la pression des communistes et de leurs associés. La disparition de cette organisation ne fut sans doute pas sans influer sur l’essor ultérieur de la Confédération générale des cadres (CGC). Par la suite, H. A. Duthion et ses amis de l’Union des cercles d’études syndicalistes (UCES) qui édita pendant plusieurs années un bulletin périodique puis un journal, L’Action sociale, furent des participants actifs de la scission qui donna naissance à la CGT-FO en 1947.

De 1945 jusqu’au début des années cinquante, H. A. Duthion fut, sous la présidence de Régis Bos, permanent du Centre d’études techniques économiques et sociales (CETES) dont la vocation tendait à harmoniser l’action animatrice de ses militants dans les organisations de masse revendicatives ou gestionnaires : syndicats ouvriers, paysans, de consommateurs, coopératives de production, de vente, de consommation, etc. Il s’occupa notamment de la publication de ses Cahiers. Il revint ensuite à son métier de dessinateur, puis exerça plusieurs métiers techniques dans l’industrie. De 1965 à 1975 il travailla comme expert-comptable puis prit sa retraite après maladie sans cesser de s’intéresser aux questions pour lesquelles il avait milité.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article23557, notice DUTHION Adrien [DUTHION Henri, Adrien] par Michel Dreyfus, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 26 novembre 2011.

Par Michel Dreyfus

ŒUVRE : Participation à la rédaction de Pour une démocratie nouvelle, publié clandestinement sous forme de Cahiers en 1943 et 1944. — Adresse aux militants syndicalistes, opuscule publié clandestinement en janvier 1944. — Collaboration aux journaux et textes cités dans la biographie.

SOURCES : Entretien avec Adrien Duthion et Robert Robin, le 29 décembre 1983. — Robert Robin, Notes (dactylographiées). — Biographie revue par Adrien Duthion.

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