Compiègne-Royallieu, Moulin-sous-Touvent, fôret de Carlepont (Oise) : février-mai 1942

Par Jean-Paul Nicolas

Camp d’internement allemand de Compiègne-Royallieu, lieu de départ pour les camps de concentration nazis : de février à mai 1942, quinze hommes du camp, choisis parmi les internés politiques, ont été fusillés comme otages dans les parages de Compiègne puis enterrés dans des cimetières du département de l’Oise.

Stèle rappelant les exécutions des six fusillés de la forêt de Carlepont le 21 février 1942 puis le 7 mars 1942.
Stèle rappelant les exécutions des six fusillés de la forêt de Carlepont le 21 février 1942 puis le 7 mars 1942.

Le régime nazi destinait le camp de Compiègne-Royallieu principalement aux résistants et aux opposants politiques, mais y interna aussi des civils raflés, des ressortissants de puissances alliées et des Juifs. Plus de 50 000 personnes y ont été enfermées, attendant leur départ vers les camps de concentration et d’extermination nazis.
C’est de la gare de Compiègne qu’est parti, le 27 mars 1942 à destination d’Auschwitz, le premier train de déportés quittant le sol français. De ce même quai, 39 autres convois emporteront 40 000 hommes et femmes du Front stalag 122 vers les camps de la mort.
À partir de la mi 1941, des attentats contre des militaires allemands attribués aux communistes se multiplièrent en zone occupée. Les autorités allemandes appliquaient depuis 1941 leur politique des otages qui consistait à fusiller des détenus politiques communistes ou supposés tels en représailles aux attentats. Les otages politiques étaient sélectionnés au sein du vaste univers carcéral de l’Occupation : prisons françaises saturées de prisonniers résistants ou camps d’internement politique institués depuis la déclaration de guerre de septembre 1939. À noter que dès septembre et décembre 1941 des otages politiques furent extraits du camp de Compiègne-Royallieu pour être fusillés au Mont-Valérien ou à la citadelle d’Amiens. Comme par exemple Albert Bessière ou Georges Pitard et plusieurs autres (voir à Sources le site Résistance 60). Le camp de Compiègne servit donc à fournir des otages fusillés ailleurs qu’à Compiègne.
C’est ainsi que le détenu au camp de Compiègne Auguste, Maurice JEAN en fut extrait pour être fusillé comme otage le 25 avril 1942 au Mont-Valérien. Certaines sources situaient son exécution à Compiègne, à tort.

Les fusillés du camp de Compiègne  :
Au début 1942, des attentats commis en France et en particulier en Seine-Inférieure et dans le Calvados amenèrent les autorités nazies, en relation étroite avec la police française dotée des fichiers individuels des militants, à choisir parmi les détenus de Compiègne-Royallieu onze otages provenant du département de Seine-Inférieure. Les quatre autres otages de provenance parisienne ont été choisis en fonction d’attentats commis dans la capitale. Aux cinq dates indiquées, d’autres exécutions eurent lieu simultanément au Mont-Valérien ou dans des centres de détention comme Clairvaux, Fontevrault, ou encore dans des villes de France touchées par un attentat anti-allemand.
Les quinze hommes du camp de Royallieu furent passés par les armes dans des endroits extérieurs au camp, à la périphérie de la ville ou un peu plus loin dans la forêt de Carlepont. Ces exécutions qui ne passaient pas inaperçues tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du camp pouvaient créer une forte émotion notamment dans la ville de Compiègne. Aussi les inhumations des fusillés simplement numérotés furent organisées anonymement. Certains corps furent distribués par petit groupes de deux ou trois dans des cimetières de villages à l’écart de Compiègne. Les autorités évitèrent ainsi toute possibilité de culte des martyrs de la part de la population avec fleurissement des tombes.

Fusillés comme otages du camp d’internement de Compiègne-Royallieu, à Compiègne ou la région compiégnoise :
Les 14 février, 21 février, 7 mars, 31 mars, 9 mai 1942

Le 14 février 1942 : Lieu d’exécution forêt de Compiègne au Champ de tir des Beaux-Monts.
Roger L’Hévéder inhumé à la Croix-Saint-Ouen
Lucien Levavasseur inhumé à Vieux-Moulin
Jacques Samson inhumé à la Croix-Saint-Ouen
Chaïm Porecki inhumé à Vieux-Moulin

Le 21 février 1942 : Exécutions à Moulin-sous-Touvent à la Butte aux Zouaves. Forêt de Carlepont.
Léon Durville inhumé à Carlepont
Arthur Lefebvre inhumé à Carlepont
Emile Michaud inhumé à Carlepont

Le 7 mars 1942 : Exécutions à Moulin-sous-Touvent Forêt de Carlepont.
Corentin Cariou inhumé au cimetière de Cuts (Oise)
Jean Baptiste Réchaussière inhumé au cimetière de Cuts (Oise)
Pierre Rigaud inhumé au cimetière de Cuts (Oise)

Le 31 mars 1942 : Exécution à Compiègne, au Champ de tir des Beaux-Monts
Gustave Delarue inhumé au cimetière-nord Compiègne.

Le 9 mai 1942 : Exécutions à Compiègne au Champ de tir des Beaux-Monts
Maurice Boulet
Jean Delatre
André Giraudon
Gustave Lecomte
Ursin Scheid
Pour ces cinq derniers fusillés : lieu d’inhumation cimetière-nord Compiègne.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article235590, notice Compiègne-Royallieu, Moulin-sous-Touvent, fôret de Carlepont (Oise) : février-mai 1942 par Jean-Paul Nicolas, version mise en ligne le 20 janvier 2021, dernière modification le 26 juillet 2021.

Par Jean-Paul Nicolas

Stèle rappelant les exécutions des six fusillés de la forêt de Carlepont le 21 février 1942 puis le 7 mars 1942.
Stèle rappelant les exécutions des six fusillés de la forêt de Carlepont le 21 février 1942 puis le 7 mars 1942.
"Un miséreux du Camp". David Brainin, crayon et encre sur papier. Archives du CDJC- Mémorial de la Shoah, DLXXIV-2.
"Un miséreux du Camp". David Brainin, crayon et encre sur papier. Archives du CDJC- Mémorial de la Shoah, DLXXIV-2.
"Départ massif", Compiègne. David Brainin, 4 juin 1942 ; crayon et encre sur papier. Archives du CDJC- Mémorial de la Shoah, DLXXIV-2.
"Départ massif", Compiègne. David Brainin, 4 juin 1942 ; crayon et encre sur papier. Archives du CDJC- Mémorial de la Shoah, DLXXIV-2.

SOURCES : Archives départementales de Seine-Maritime pour onze fusillés sur les quinze. — Beate Husser, Jean-Pierre Besse, Françoise Leclère-Rosenzweig, Frontstalag 122 Compiègne-Royallieu- Un camp d’internement allemand dans l’Oise 1941-1944. — Jean-Pierre Besse in Mémoire de l’Oise n°3 (2008) https://www.resistance60.fr/newpage.... — Les Dossiers de Mémoire vive, "Le secteur "A" du Frontstalag 122 de Compiègne, juin 1941-janvier 1943. Le camp des "communistes" à Royallieu, par Pierre Labate, n°2.

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