LAUMESFELT Paul, Mathias [dit Paul Le Boiteux] [Dictionnaire des anarchistes]

Par Dominique Petit

Né le 26 mars 1859 à Paris (XIe arr.) ; mort le 3 août 1900 à Paris (Xe arr.) ; tailleur d’habits ; anarchiste parisien, déménageur à "la cloche de bois".

Photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York

Paul Laumesfelt (parfois orthographié Laumesfeld), était né de mère inconnue et élevé par l’Assistance publique jusqu’à l’âge de 21 ans. Il avait tiré au sort à Autun et s’était fait réformer pour claudication de la jambe droite.
Depuis le 8 avril 1887, il demeurait 30 rue Rochechouart. il avait versé 20 francs d’avance lors de son emménagement mais depuis ne payait plus de loyer et devait se faire expulser. C’était le compagnon Maximilien Courtois qui demeurait à la même adresse qui l’avait recommandé au propriétaire mais depuis, Courtois devant passer en correctionnelle, pour escroquerie avait déménagé à "cloche de bois".
Lorsque Laumesfelt et Courtois habitaient dans le même immeuble, de nombreux anarchistes venaient chaque jour les voir et descendaient prendre un verre chez le marchand de vins, 28 boulevard Rochechouard. Plusieurs vols avaient été commis dans la maison les voisins les imputaient à Laumesfelt et Courtois.
Laumesfelt avait pour tout mobilier un lit de fer, une table boiteuse et deux mauvaises chaises.
Il était en 1887 membre de la Ligue des anti-propriétaires fondée par Couchot et spécialisée dans les déménagements « à la cloche de bois ».
Fin 1886 et début 1887 c’est lui qui avait déclaré en préfecture diverses réunions organisées par la Ligue des antipatriotes et le groupe La Panthère des Batignolles. Il participait à des réunions, mais, selon la police, n’y prenait pas la parole. Il ne lisait jamais de journaux ou de brochures.
Le 15 février 1887, Mlle Delacour, confectionneuse, avait loué, moyennant un loyer annuel de 550 francs un appartement au quatrième étage d’une maison 38 rue des Abbesses, appartenant à M. Martin. N’ayant point payé son terme dès le 15 mai, elle reçut congé du propriétaire qui fit procéder à la saisie de son mobilier.
Vers le 10 juillet, un individu vint prier M. Martin de laisser tranquille sa locataire, mais il éprouva un refus. Mlle Delacour résolut de faire enlever ses meubles par la force, et le 18 juillet, tandis que le concierge était occupé par une femme qui était venue lui parler de la location d’une boutique, elle introduisit dans la maison une bande d’individus et en laissa d’autres au dehors pour garder une voiture à bras qu’elle avait louée.
M. Gagelin le concierge, voulut faire sortir ceux qu’il trouva dans le couloir, et tandis qu’ils discutaient, il en vit d’autres qui descendaient avec une glace. Il ferma aussitôt la porte de la rue, mais quelques-uns de ces individus entrèrent dans sa loge. L’un d’eux, nommé Couchot, le saisit par la gorge, puis par les bras, et Laumesfelt lui prêta main-forte, tandis que les camarades portaient divers objets sur la voiture. La dame fille du concierge, voulut intervenir, mais Mlle Delacour lui égratigna le visage. Les gardiens de la paix, sur la plainte de Gagelin, procédèrent à l’arrestation de Couchot, qui paraissait être le chef de la bande, mais la voiture disparut avec les meubles qu’elle contenait
Le 18 juillet 1887, Laumesfelt avait été également arrêté pour le « déménagement clandestin ». Il était à cette époque sans emploi depuis environ deux mois.
Inculpé de « détournement d’objets saisis », il avait été écroué à Mazas et une information avait été ouverte contre lui.
Durant son incarcération, plusieurs anarchistes s’installaient chez lui mais n’ayant pas la clé pour entrer, ils défoncèrent la porte.
Au mois d’août 1887, la 10ème chambre correctionnelle de Paris jugea la femme Delacour, Jules Leroux, Lucien Bécu, Jean Couchot, Louis Thirion, Paul Laumesfelt, Laurent Ansiaux et Pierre Dufour, prévenus de détournement d’objets saisis, de violences et voies de fait. A l’audience, Couchot déclara qu’il ne travaille pas et qu’il avait l’habitude de déménager les personnes dans la misère, que les propriétaires faisaient saisir. Les autres prévenus avouaient qu’ils étaient membres de la Société des égaux révolutionnaires anti-propriétaires. Ils ignoraient, disaient-ils, que les meubles fussent saisis. Mlle Delacour était condamnée à un mois de prison et Couchot à quatre mois de la même peine. Tous les autres compagnons avaient été acquittés.
A l’automne 1887, Laumesfelt était membre de la chambre syndicale des hommes de peine.
En juillet 1891, sans payer son loyer, il avait quitté son domicile du 25 rue Saint Augustin, après avoir écrit sur les murs de sa chambre au 6ème étage : « A bas l’or ! A bas l’argent ! A bas la propriété ! ».
En décembre 1891, il demeurait 30 boulevard Rochechouart et déménagea à la cloche de bois, sans laisser d’adresse.
A partir du mois de janvier 1892, il demeurait 111 rue de Montmartre, où il occupait une petite chambre au 6e étage. Il était connu des concierges sous le nom de Paul Le Boiteux. Avec sa maîtresse, il fréquentait le débit de Duprat, 6 rue Joquelet et celui de Constant Martin au 3 de la même rue.
Au printemps 1893, il demeurait 111 rue Montmartre. Selon la police il aurait monté un petit atelier de tailleur où il employait de jeunes ouvrières qu’il oubliait fréquemment de payer (en deux ans, il n’avait payé que deux termes de loyer). Le propriétaire le tint quitte du reste, content de se débarrasser d’un tel locataire. Durant neuf mois, Laumesfelt avait eu un second domicile 132 rue de Montmartre, où en compagnie d’un nommé Hugo, il occupait deux cabinets pour lesquels il n’avait payé que 3 mois de location. Le propriétaire ne pouvant obtenir de paiement et voyant qu’il allait être contraint de faire expulser ses locataires, avait remis 20 francs à chacun qui consentirent alors à vider les lieux de bon gré.
Depuis le 8 janvier 1894, il habitait 10 rue de Vivienne, c’était sa maîtresse qui avait loué le logement où il travaillait comme tailleur à domicile avec sa compagne Adolphine Gagé et était soumis à « la surveillance journalière des anarchistes ».
Il avait été arrêté le 1er juillet 1894, sur mandat de perquisition et d’amener du Préfet de police pour association de malfaiteurs mais s’était défendu d’être encore anarchiste et se disant même avoir été membre du cercle catholique d’Autun. Toutefois lors de la perquisition, la police avait trouvé un portrait d’Auguste Vaillant, encadré de noir et, découpée dans un journal, une photographie qui aurait été celle de la femme de Duprat. Inculpé pour « association de malfaiteurs », il fut relâché le 26 juillet 1894 et il bénéficia d’un non lieu le 29 juin 1895.
Il demeura par la suite rue Cadet où il continua au moins jusqu’à l’automne 1898 d’être l’objet d’une surveillance quotidienne. Son dossier à la Préfecture de police portait le n°297.381.
Il se maria le 10 février 1898 à Paris (IXe arr.) avec Augustine, Adolphine Gagé, couturière.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article235620, notice LAUMESFELT Paul, Mathias [dit Paul Le Boiteux] [Dictionnaire des anarchistes] par Dominique Petit, version mise en ligne le 14 décembre 2020, dernière modification le 17 février 2022.

Par Dominique Petit

Photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York
Fiche photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York

SOURCES :
Notice Paul Laumesfelt du Dictionnaire des militants anarchistes — Archives de la Préfecture de police Ba 75, 78, 1142 — Archives de Paris. Etat civil — La République française 19 août 1887.

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