TAFFOREAU Jean, Marie, Joseph [Dictionnaire des anarchistes]

Par Dominique Petit

Né le 23 juin 1887 à Saint-M’Hervé (Ille-et-Vilaine) ; charron ; anarchiste et antimilitariste à Paris, colon de l’Essai d’Aiglemont (Ardennes), insoumis et déserteur durant la guerre de 1914-1918.

De la classe 1907, il tira au sort à Vitré (Ile-et-Vilaine). Il était ajourné pour faiblesse. Il vint s’installer à Paris, 53 rue Philippe de Gérard.
Le 14 juillet 1907, des arrestations étaient opérées à la suite de manifestations avenue du Bois de Boulogne, au coin de la rue Lesueur où un groupe d’antimilitaristes avait attendu le cortège présidentiel, de retour de Longchamp, pour acclamer sur son passage les soldats révoltés du Midi. Parmi les militants arrêtés se trouvait Jean Tafforeau. Tous subissaient un interrogatoire d’identité devant M. Berr, juge d’instruction. Ils étaient écroués à la prison de la Santé.
Les antimilitaristes étaient poursuivis sous les inculpations les plus diverses : provocation à la désobéissance adressée à des militaires des armées de terre et de mer, outrage aux agents, rébellion, port d’arme prohibée, infraction à la loi sur les étrangers.
Le 1er août 1907, M. Berr, juge d’instruction, avait clos, par une série d’ordonnances l’information qu’il avait ouverte contre les quarante-deux antimilitaristes arrêtés au retour de la revue du 14 juillet. Tous les prévenus bénéficiaient d’un non-lieu en ce qui concernait le délit de provocation de militaires à la désobéissance, le juge estimant que les cris de « Vive le 17° ! » poussés par les inculpés, et le fait d’avoir arboré une pancarte où on lisait les mots « Béziers, 17e de ligne, 15 juin 1907 » ne constituaient pas juridiquement la provocation prévue et punie par la loi du 27 juillet 1881. M. Berr, en revanche, avait renvoyé par d’autres ordonnances, devant le tribunal, douze prévenus dont Jean Tafforeau. Ils avaient à répondre de rébellion, d’outrages aux agents, de port d’armes prohibées et du délit d’outrages à un commandant de la force publique.
Le 7 août 1907, les douze antimilitaristes comparaissaient devant la huitième chambre du tribunal correctionnel. Lors de la manifestation du 14 juillet, Tafforeau était porteur d’un couteau à cran d’arrêt ; il expliqua qu’il ignorait que ce fût une arme prohibée. Il fut condamné à 25 francs d’amende.
Le 8 août 1907, une nouvelle affiche émanant de « 1’Association internationale antimilitariste », était placardée sur les murs de Paris, et notamment dans les dixième, douzième, dix-huitième et vingtième arrondissements.
Le substitut Bloch-Laroque prescrivit aussitôt l’ouverture d’une information, pendant que la préfecture de police prenait les mesures nécessaires pour faire saisir à la poste les ballots d’affiches expédiés en province. On ordonnait également la lacération des affiches déjà apposées. Le juge d’instruction convoqua Tafforeau et d’autres signataires de l’affiche. Après interrogatoire d’identité, il les envoyait à la Santé, sous l’inculpation de provocation à la désobéissance, adressée à des militaires.
Les audiences des 13 et 14 septembre 1907, de la cour d’assises de la Seine, étaient consacrées à cette affaire de provocation au meurtre et à la désobéissance adressée à des militaires, pour l’affiche antimilitariste « Aux crimes, répondons par la révolte », signée par Jean Tafforeau, Jean Goldsky, Henri Josse, René Mahé, Jean Molinier, Léon Pornes, André Picardat, Pierre Ruff, Maurice Mouchebeuf et Henriette Rousselle. Tafforeau avait participé à l’élaboration et aux collage de l’affiche.
Lors de son interrogatoire par le président, il répondit : « Je suis antimilitariste acharné. Vous pouvez me condamner, je resterai antimilitariste aussi militant. » Puis il lut un mémoire de plusieurs pages et termina ainsi : « M. Picquart a nié le développement de l’antimilitarisme dans l’armée. Il doit, aujourd’hui, reconnaître son erreur. Nos doctrines marchent. La patrie a assez vécu. Il faut qu’elle disparaisse ! » puis il s’asseyait en disant brusquement : « C’est tout ! »
Tafforeau était condamné à 15 mois de prison et 100 francs d’amende. Il déclara : « Je n’attendais pas autre chose des jurés et je sais a quoi m’en tenir sur l’arrêt de la cour. »
Au début du mois de juillet 1908, Tafforeau, Josse et Mouchebeuf étaient mis en liberté conditionnelle.
En 1909, il ne répondit pas à l’appel de sa classe et fut déclaré insoumis le 4 décembre 1909.
En janvier 1909, il se trouvait à la colonie libertaire d’Aiglemont, avec Cousinet. Fortuné Henry, l’ancien animateur de la colonie qui l’avait quittée depuis quelques mois, parlait d’aller les chasser à coups de pieds dans le derrière.
Le 4 août 1914 ; Tafforeau était considéré comme insoumis en temps de guerre. Expulsé d’Angleterre, il était conduit au bureau de recrutement du Havre, le 22 juin 1916. Il était condamné le 22 juin 1916 par le conseil de guerre de la 3e région militaire à un an de prison, pour insoumission. Le 12 août 1916, le jugement était suspendu par le général commandant la 3e région militaire. Il était incorporé au 129e régiment d’infanterie le 22 août 1916. Il déserta le 14 mars 1917. Il était toujours déserteur le 14 septembre 1919.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article235836, notice TAFFOREAU Jean, Marie, Joseph [Dictionnaire des anarchistes] par Dominique Petit, version mise en ligne le 20 décembre 2020, dernière modification le 20 décembre 2020.

Par Dominique Petit

SOURCES :
Le Libertaire 8, 22 septembre 1907, 19 juillet 1908 — La Petite République 16 juillet 1907 — Le Temps 2 août 1907 — La Dépêche 8 août 1907 — Le Matin 8, 10 août 1907 — Le Mot d’ordre 14 septembre 1907 — Le Soir 14 septembre 1907 — Le Figaro 14 septembre 1907— Archives départementales d’Ile-et-Vilaine. 1 R 2037. Registre matricule 142 — Archives nationales F7 15968. Rapport 23 janvier 1909.

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