PICARD Maurice, Germain

Par André Balent

Né le 24 février 1911 à Balaguères (Ariège), mort en juillet 1944 à Esplas-de-Sérou (Ariège) ; inspecteur des Renseignement généraux à Toulouse (Haute-Garonne) ; résistant du réseau Morhange ; victime d’une « bavure » du maquis du col de la Crouzette (Ariège), exécuté sommairement après un « procès » expéditif

Maurice Picard était le fils de Jean, Joseph Picard, domestique et de Germaine Cassagne, papetière, âgés respectivement de trente-cinq et vingt-six ans. Ils habitaient au quartier de la Forge, section du Vignau de la commune de Balaguères. Cette commune pyrénéenne d’habitat dispersé du Couserans regroupe plusieurs hameaux dont Vignau. L’industrie papetière, importante en Couserans employait une importante main d’œuvre. La mère de Maurice Picard y avait trouvé un emploi d’ouvrière.

Maurice Picard se maria le 21 novembre 1936 à Rivèrenert (Ariège) avec Clémentine, Jeanne Marie Peyrat. Fonctionnaire de la police d’État, il était, en 1944, inspecteur des Renseignements généraux à Toulouse.

Résistant, d’abord membre du mouvement Combat il devint un agent du réseau toulousain « Morhange » (Voir Viadieu Achille). Au printemps 1944, il résidait à Rivèrenert, le village de sa femme, dans le massif pré-pyrénéen de l’Arize. Le 12 juin 1944, à proximité du col de la Crouzette (1245 m), des FTPF (Francs-tireurs et partisans français) de la 3102e compagnie de l’Ariège, formèrent un maquis dont René Plaisant était le chef charismatique. Le col de la Crouzette avait été choisi pour sa position stratégique à proximité de trois vallées qui drainent le massif de l’Arize, l’Arac affluent du Salat, au sud et sud-ouest ; le Nert, autre affluent du Salat qui arrose le village de Rivèrenert, à l’ouest ; l’Arize affluent de la Garonne, au nord, qui arrose La Bastide-de-Sérou et Le Mas-d’Azil (Ariège). Les FTPF installèrent leur cantonnement à proximité de celui créé par le 3e bataillon de la 3e brigade (Ariège) de l’AGE (Agrupación de guerrilleros españoles) commandé par Alfonso Soto alias « el Barbero ». Les deux maquis, français et espagnol agirent désormais de concert.

Le 15 juillet 1944, des hommes de main de la Sipo-SD de Saint-Girons affiliés au PPF (Parti populaire français) massacrèrent sauvagement deux notables qui aidaient les maquis des FTPF et de l’AGE de la Crouzette, Paul Laffont ancien député et ministre et Charles Labro, médecin. René Plaisant chef charismatique des FTPF de la Crouzette, réagit en impulsant la création de « conseils de guerre » destinés à punir les traîtres et les collaborationnistes. L’historien ariégeois de la Deuxième Guerre mondiale, Claude Delpla estima qu’ils exerçaient une justice qu’il qualifia de « militaire ». Les guérilleros de l’AGE et le maquis (Armée secrète) de Labastide-de-Sérou furent associés à l’exercice de cette justice. Quatorze personnes furent exécutées au col de Rille (938 m), entre Rimont et le col de la Crouzette, à la suite d’expéditions punitives qui aboutirent à l’exécution de collaborationnistes coupables d’actions contre les maquis ou de dénonciations mais qui donnèrent lieu à des « bavures » : des innocents confondus avec des collaborationnistes ou mis en cause sur la base d’informations erronées furent fusillés ou abattues par erreur, comme Joseph Pédoya de Montseron tué chez lui, confondu avec la victime désignée, un collaborationniste du village. En plus de Pédoya quatorze hommes, vrais collaborationnistes, innocents ou même, parfois, résistants, furent « jugés » à proximité d’un autre col, celui de Rille (938 m), puis exécutés. Leurs corps, furent en règle générale inhumés près du col de la Crouzette, sur le territoire d’Esplas-de-Sérou. La plupart furent retrouvés. Claude et Isabelle Delpla (op. cit., 2019, p. 458-459) les ont signalés dans leur livre sans indiquer leurs noms. Élérika Leroy, à la suite de son travail universitaire (op. cit., 1998 p. 52-57) nous a communiqué (4 décembre 2020) une liste nominative de dix-huit noms (Pédoya inclus) dont seize correspondent aux exécutions exercées en représailles à a mort de Labro et de de Laffont. Dans les deux cas, Maurice Picard est l’un d’entre eux.

Maurice Picard fut reconnu à Rivèrenert par des guérilleros espagnols du maquis de la Crouzette qui avaient eu affaire avec lui lorsqu’il exerçait ses fonctions dans la police à Toulouse. Ils voulurent se venger. Ils s’emparèrent de lui et l’amenèrent au maquis, à la Rille, où il fit exécuté (témoignages de deux anciens FTPF de la Crouzette recueillis par Élérika Leroy en 1997 : Adrien Jonis ouvrier, 1922-1997 et Aristide Pérille, ouvrier plâtrier né en 1918).

Le cadavre de Maurice Picard fut retrouvé et identifié le 23 octobre 1944. Le jugement du tribunal civil de Première instance de Saint-Girons (25 novembre 1944) constatant la découverte de son corps considéra comme son acte de décès. Il fut transcrit tel quel dans le registre de l’état civil d’Esplas-de-Sérou le 12 décembre 1944.

Le 7 août 1948, réhabilité, Maurice Picard fut déclaré « mort pour la France ». Au service historique de la Défense, il y a un dossier (non consulté) à son nom, en sa qualité de membre des FFI (cote GR 16 P 475245). Son nom figure sur une des plaques commémoratives des morts des deux guerres mondiales apposées à l’intérieur de l’église. Il eut donc droit à une réhabilitation "post mortem".

Voir Esplas-de-Sérou (Ariège), col de la Crouzette (1244 m) et col de Rille (938 m) ; Castelnau-Durban (Ariège), Rivèrenert (Ariège), 19 juin-21 juillet 1944

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article235896, notice PICARD Maurice, Germain par André Balent, version mise en ligne le 24 décembre 2020, dernière modification le 24 octobre 2021.

Par André Balent

SOURCES : Arch. dép. Ariège, 4 E 4992, état civil de Balaguères, acte de naissance de Maurice Picard et mentions marginales ; 3 E 6468, état civil d’Esplas-de-Sérou, acte de décès de Maurice Picard et mention marginale. — Claude Delpla, La libération de l’Ariège, Toulouse, Le Pas d’oiseau, 2019, 514 p. [p. 134, 458-459]. — Élérika Leroy, Les résistants et l’épuration. Aspects de la répression contre les collaborateurs dans le Midi toulousain 1943-1953, Mémoire de maîtrise, dir. Pierre Laborie, université de Toulouse-Le Mirail, 1998, 200 p. [p. 48-49, 52-57]. — Notes communiquées, 4 décembre 2020, par Élérika Leroy (liste nominative des personnes exécutées par le maquis de la Crouzette en juillet 1944). — Site Mémoire des Hommes consulté le 23 décembre 2020. — Site MemorialGenWeb consulté le 23 décembre 2020.

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