JEANTET Claudius, Louis alias Jean, Jean-Pierre Norman, Montagne, Joseph Cussac dans la résistance

Par Eric Panthou

Né le 23 août 1903 à Lamoura (Jura), mort le 12 février 1991 à Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques) ; contremaître chez Michelin à Clermont-Ferrand ; secrétaire adjoint de la section syndicale CGT Michelin des agents de maîtrise ; résistant au sein de Franc-Tireur ; déporté.

Fils d’Eugène et d’Henriette Oysel, Claudius Jeantet entre Saint-Claude (Jura) et la frontière suisse. Il eut trois frère et trois sœurs et se maria le 2 octobre 1926 à Lyon (Rhône) avec Denise, Philiberte Clemencin avec qui il eut deux filles et deux fils. Il se remaria le 19 juin 1937 à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) avec Marie Chastanet.

Il fut embauché chez Michelin à Clermont-Ferrand comme contremaître mécanicien à une date qu’on ignore, sur un poste de contremaître au service VM. Il habitait la commune, 89 rue du Ressort à Montferrand.

Chrétien, il se syndiqua à la CGT au moment des grèves avec occupation de juin 1936 qui constituèrent chez Michelin un véritable bouleversement puisque aucune grève n’avait eu lieu ici depuis 1920. La grève déboucha non seulement sur un puissante section ouvrière forte de bientôt 6000 adhérents fin 1936 mais aussi sur la création d’une section des agents de maîtrise, agents techniques, dessinateurs et employés dont Marcel Levaltier devint le secrétaire et Claudius Jeantet son adjoint. La section ouvrière et des agents de maîtrise relevaient du syndicat unique des produits chimiques de Clermont et environ, réunissant d’autres sections syndicales comme Bergougnan notamment.
Pour la direction Michelin mais aussi pour la population clermontoise et les ouvriers Michelin, le fait qu’une partie des techniciens, agents de maîtrise et plus encore d’ingénieurs fasse grève ou se regroupe à la CGT constitue un choc ou une très grande surprise. La section ouvrière était aux mains des militants communistes, ce qui n’était pas le cas de la section des agents de maîtrise. La presse ne fit pas état de tensions ou conflits entre les deux sections.

Après juin 1940, il fut "affecté spécial" aux usines Michelin. Il fut un des premiers en Auvergne à réaliser un acte de résistance en soustrayant du matériel militaire à la base d’Aulnat, près de Clermont-Ferrand. Chrétien et résistant de la première heure rejoint il rejoignit le comité directeur de Franc-Tireur dans le Puy-de-Dôme après avoir pris contact avec le socialiste et cégétiste Michelin Maurice Jouanneau, autre délégué CGT Michelin, non communiste, avec Jean-Pierre Lévy en mai 1942. Jeantet était en charge du secteur de Clermont-Ferrand et de Michelin. Son statut d’ancien dirigeant syndicaliste eut sans doute une influence sur les recrutements importants de cette organisation de Résistants qui regroupait 300 personnes à l’usine Michelin dès 1942. C’est notamment grâce à Jeantet que Franc-Tireur, d’abord tourné vers les milieux étudiants, put s’implanter chez les ouvriers. Les FTP furent moins puissants ici en dépit du fait que la section ouvrière CGT Michelin avait été un bastion des communistes depuis 1936. Jeantet devint bientôt responsable du recrutement et de l’organisation des groupes francs au sein de Franc-Tireur, directement tournés vers l’action.

Jeantet fut déclaré en fuite dans le cadre de l’enquête et les nombreuses arrestations survenues après deux attentats commis par Franc-Tireur dans la nuit du 2 au 3 novembre 1942 au siège de la Légion tricolore à Clermont-Ferrand et au local du PPF à Vichy. Les principaux responsables furent arrêtés, dont Pierre Becquet, Gaston Chevallier, Jules Hanau, Émile Gerschel, le chef départemental. 12 hommes furent écroués, 3 internés, 2 laissés en liberté provisoire et deux furent en fuite : Georges Sournies et Jeantet. Il échappe de peu à l’arrestation le 5 décembre 1942. Il devient alors Jean dans la résistance et en janvier 1943 rejoignit et organise des maquis dans les secteurs de Thiers, Puy-Guillaume, Ambert tout en préparant la fusion entre les mouvements Combats, Franc-Tireur et Libération-Sud qui formeront les Mouvements Unis de la Résistance (MUR). Il organise également de petits maquis à Navaron de Saint-Agathe et à la Deine et à Fontbonne de Viscomtat (Puy-de-Dôme), en bordure du département de la Loire.
Il fut condamné par contumace aux travaux forcés puis condamné à mort. Recherché par le SD, il dut se cacher début 1943 dans une école d’Ambérieux-en-Dombes (Ain) puis chez l’ambassadeur Charveyriat au château de Challiouvre à Chaneins (Ain).
Claudius Jeantet reprit ensuite contact avec Serge Asher, alias Ravanel, responsable national des groupes francs de Franc-Tireur. A partir du 15 juin 1943, il intégra l’état-major de l’Armée Secrète du Rhône, 5ème bureau, chargé de l’action immédiate. Il changea de nouveau d’identité, devenant Jean Pierre Norman.
Ravanel nomma bientôt Jeantet responsable régional secteur Nord de Lyon (Ain, Jura, Saône-et-Loire) des groupes francs. Il fut arrêté par les feldgendarmes alors qu’il devait assister à une réunion préparatoire à des attentats contre des lignes à haute tension, le 19 octobre 1943, à Villieu-Loye (Ain). Plusieurs autres responsables sont également arrêtés avec Jeantet, alias Montagne, dont Ravanel. Ce dernier assomma leur gardien et parvint à se sauver. Claudius Jeantet, porteur de papier aux noms de Claude Cussac, né à Tunis, ne fut pas identifié. Il fut torturé, interné au fort de Montluc à Lyon. Il fut ensuite transféré à Compiégne (Oise) d’où il fut déporté vers Buchenwald par le convoi MED 1.171. Son nom ne figure pas sur le Livre mémorial de la déportation.

Il a été reconnu Déporté et interné de la résistance (DIR), membre des Forces françaises de l’intérieur (FFI). Il reçut la Légion d’Honneur en 1966.

Son épouse, fut également membre de Franc-Tireur à partir de mai 1942, comme agent de liaison de son mari et de Ravanel. Elle fut internée aux camps de Brens (Tarn) puis de Gurs (Basses-Pyrénées, aujourd’hui Pyrénées-Atlantiques) jusqu’au 25 août 1944. C’est elle qui avait conduit un rassemblement de femmes de Franc-Tireur au monument aux Morts le 11 novembre 1942.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article235907, notice JEANTET Claudius, Louis alias Jean, Jean-Pierre Norman, Montagne, Joseph Cussac dans la résistance par Eric Panthou, version mise en ligne le 25 décembre 2020, dernière modification le 26 décembre 2020.

Par Eric Panthou

SOURCES : Bulletin intérieur Michelin, n°17, juillet 1945. — Arch. Dép. du Puy-de-Dôme, 900 W 89, dossier d’internement de Michel Orléans. — Gilles Lévy, A nous ! Auvergne, Presses de la Cité, 1981. — Manuel Rispal, La libération désirée. Tome 2, Massif Central 1940-printemps 1945, Ytrac, éditions Authrefois, 2016. — Dominique Veillon, Le Franc-Tireur : un journal clandestin, un mouvement de Résistance, 1940-1944, Flammarion, 1977. — SHD Vincennes GR 16 P 308754, dossier résistant de Claudius Jeantet (nc). — AVCC Caen, AC 21 P 576460, dossier d’interné déporté de Claudius Jeantet (nc). — Généanet.

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