TEUMBEUF Éliane

Par André Delestre

Née le 6 février 1909 à Pîtres (Eure), morte le 3 mai 2001 à Oissel (Seine-Maritime) ; ouvrière du textile puis de la chimie ; syndicaliste CGT ; communiste ; adjointe au maire ; militante de l’UFF.

Le père d’Éliane Teumbeuf, Fernand, mobilisé en août 1914, fut tué à la bataille de la Marne et déclaré « disparu au combat » le 17 septembre 1914. Son nom est inscrit sur le monument aux morts de sa ville natale. Après sa mort, sa mère, avec ses trois enfants dut déménager à Oissel (Seine-Inférieure, Seine-Maritime) et trouva un travail en filature.
Éliane Teumbeuf y intégra l’école des filles Jules Ferry. Durant la guerre, elle participa aux travaux de la maison, achemina les seaux d’eau de la pompe municipale éloignée de l’habitation, s’approvisionna à la soupe populaire, organisation solidaire pour aider les familles.
Témoignage de souvenirs d’enfance : « La première grève dont je me souvienne remonte à 1919. J’allais encore en classe et avions fait l’école buissonnière pour suivre les grévistes du textile qui traversaient Oissel en chantant « on s’en fout-on aura la semaine anglaise-on s’en fout-on aura nos 40 sous ! » Ils se rendaient jusqu’à la forêt, avec à leur tête Germaine Goujon, pour faire une grande fête. A douze ans, 8 jours après avoir été reçue au certificat d’études, j’apprenais à tisser sur les métiers de la Cotonnière d’Oissel. Nous, les gamins, nous avions plutôt envie de jouer plutôt que de travailler ! Je n’aimais pas ce travail »
Elle quitta la Cotonniére pour entrer à la Porcelaine, rue Turgis à Oissel, pour 17 sous de l’heure… Puis retourna en filature, à la Cotonnière de Saint-Étienne-du-Rouvray. Elle y resta jusqu’en 1929. Éliane se maria ; son mari travaillait aux Établissements Kuhlmann d’Oissel. En 1929, naquit Raymond, Bernard en 1930 et Pierrette en 1934. Après s’être mariée, elle travailla au service expédition de Kuhlmann pendant quelques mois. Puis se consacra à ses trois enfants.
De la grève générale du printemps 1936, Éliane témoigna encore : « Mon mari était en grève. Avec les trois enfants, je ne travaillai plus en usine. Ce qui sauvait les familles, c’est que tout le monde avait un jardin car il n’y avait ni aide, ni bon alimentaire ! Après, la vie a fortement changé pour nous car nous ne connaissions pas les vacances... »
Elle adhéra au Comité national des femmes contre la guerre et contre le fascisme, organisation féministe progressiste qui devint l’Union des Femmes Françaises fin 1944.
De 1940 à 1944, la famille partit vivre dans le Morvan. De retour à Oissel, l’éducation des enfants la mobilisa. La famille logeait dans l’un des baraquements construit par Kuhlmann. Au début des années 1950, la famille habita un pavillon HLM, rue du Bel-Air.
En 1950, elle entra à Kuhlmann au laboratoire de recherches. Allergique à certains produits manipulés, quelques mois après, elle fut déplacée au magasin d’expéditions, proche de la voie ferrée Paris-Rouen. Au printemps 1956, elle rejoignit le nouveau site de l’usine Kuhlmann.
Au service expéditions, elle rencontra Ascension De Souza. Durant cette période, elle se syndiqua à la CGT puis y milita. Élue déléguée du personnel et au Comité d’Établissement, elle s’occupa de l’action sociale et du logement et ce, jusqu’à son départ en retraite en 1975. Les gens qui l’ont côtoyée au travail témoignent de sa pugnacité à défendre tous les travailleurs sans exception : problèmes individuels et collectifs rencontrés par les femmes, les hommes, immigrés ou français. Il n’y avait pas de « petits dossiers » : en 1962-1963, elle se déplaça à plusieurs reprises en préfecture pour faire régulariser le dossier d’un jeune travailleur harki. Au prétexte qu’il n’était pas enregistré à l’état civil, né dans la région de Tébessa (Algérie), la maigre prime de rapatriement à laquelle il avait droit lui était refusée… Elle participa à la décision du CE de mettre en place une aide scolaire pour financer les études des enfants des employés, difficile à assumer pour nombre de familles.
Son engagement syndical s’exprimait pleinement dans les moments chauds de lutte pour satisfaire des revendications collectives et légitimes. Lors d’assemblées générales de salariés, avec Marcel Meunier*, André Derobert*, Antonio De Souza*, responsables du syndicat, elle s’exprimait de façon concise mais ferme sur la nécessité d’une action de grève pour appuyer la délégation syndicale qui siègerait lors de la prochaine réunion paritaire à Paris. En mai 68, lors d’une Assemblée générale du matin, l’usine fut occupée par les grévistes. Des non-grévistes voulurent entrer de force. Éliane interpella les jeunes filles et garçons insouciants, jouant au football sur la pelouse centrale : « Par ici les moutards, il faut faire front ! » Heureusement, il n’y a jamais eu d’affrontement physique réel…
L’établissement de Oissel fut intégré dans un groupe qui comprend quatre autres entités : le siège social à Paris et trois usines à Saint-Clair-du-Rhône(38), Saint-Denis (Seie-Saint-Denis) sur le site devenu le Stade de France et Villers-Saint-Paul (Oise). En application de la loi sur les comités d’établissements, un Comité Central d’Entreprise regroupant les cinq établissements est formé avec des élus de chaque site. Éliane, Marcel Meunier et Michel Lelong furent les représentants CGT d’Oissel au CCE qui exista jusqu’en 1972, année de la fusion Pechiney-Ugine Kuhlmann. C’est lors d’une de ces réunions à Paris en juillet 1971 que le directeur du personnel de la société, M. Frossard lui annonça, avec toutes les précautions d’usage, le décès de son fils aîné, Raymond, dans un accident du travail.
Avec Ascension De Souza et Madeleine Ortie*, elle milita à l’UFF. Elle siégea au bureau départemental avec Colette Privat et Germaine Pican. En 1959, Éliane Teumbeuf adhéra au Parti communiste. Avec Madeleine Ortie, elle fut candidate à l’élection municipale à Oissel, cette même année, sans succès. Elle fut élue au conseil municipal avec Pierre Toutain en 1970, lors d’une élection partielle suite au décès du maire Marcel Billard*. En 1971, la liste d’Union de la Gauche n’obtint pas la majorité des suffrages, mais en 1977, Éliane Teumbeuf fut élue à nouveau, cette fois-ci avec l’ensemble de la liste d’Union de la gauche conduite par Pierre Toutain. Elle fut élue adjointe au maire avec la délégation des affaires sociales et du logement. En août 1982, le maire, Pierre Toutain, mourut. Thierry Foucaud lui succéda. Réélue en 1983, puis en 1989, Éliane exerça les mêmes responsabilités dans l’exécutif municipal. Le 1er mars 1990, Jean-Louis Marteau démissionna pour raison de santé. Éliane Teumbeuf devint 1ère adjointe et s’occupea du Centre Communal d’Action Sociale. L’expérience acquise au CE de Kuhlmann et sa formation syndicale lui fut utile dans le soutien aux plus démunis, aux familles en difficulté. Elle était à l’écoute et agissait afin de répondre à l’attente des habitants. Elle marqua de son empreinte nombre de réalisations importantes d’Oissel et particulièrement la halte-garderie, la maison de retraite du Quesnot et le service de soins à domicile.
En 1995, elle se retira de la vie publique. La vie d’Éliane Teumbeuf, son action permanente pour la justice sociale, son aide aux plus fragiles fut honoré par la ville qui donna son nom au bâtiment qui héberge le CCAS.
En 2012, la famille demeurait à Sotteville-les-Rouen.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article235909, notice TEUMBEUF Éliane par André Delestre, version mise en ligne le 25 décembre 2020, dernière modification le 25 décembre 2020.

Par André Delestre

SOURCES : article de René Courtois dans Oissel- Histoire, N° 12. — Témoignage de Pierrette Dauvergne, sa fille, Oissel Magazine, décembre 1995.

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