EL HADDAD Tahar

Par Mariem Dabbab

Né le 4 décembre 1899 à Tunis, mort le 7 décembre 1935 ; penseur progressiste, un défenseur de l’émancipation de la femme et un syndicaliste tunisien.

Originaire d’El Hamma de Gabès, Tahar El Haddad était issu d’une famille modeste.
Son père, quitta son pays natal pour s’installer à Tunis et travailler comme revendeur de volailles au marché central.
Tahar El Haddad fit d’abord ses études dans les écoles coraniques et la Khaldounia avant de rejoindre l’Université de la Zitouna de 1911 jusqu’en 1920 et ensuite l’École Tunisienne de Droit qu’il dut abandonner.
En 1923, il adhéra au mouvement destourien et fut nommé au Comité Central.
Il était le cofondateur et le principal conseiller de la première CGTT.
Le 31 octobre 1924, il fut membre avec Mohamed Ali El Hammi, Ahmed Taoufik El Madani et Mokhtar El Ayari du bureau chargé de la présidence de la réunion générale organisée à la Bourse du Travail, en présence de Léon Jouhaux et de Joachim Durel, au cours de laquelle fut proclamée la naissance de la CGTT.
Le 3 décembre 1924, Tahar El Haddad fut désigné membre de la commission exécutive chargée de préparer la tenue d’un congrès constitutif afin de voter les statuts de la CGTT et élire les commissions définitives de direction.
Suite au conflit entre les syndicalistes tunisiens et les responsables de l’Union départementale, Tahar El Haddad, dans le journal arabe Al Ifrikia du 12 mars 1925 s’adressant à Joachim Durel, le secrétaire général de l’Union départementale des syndicats de Tunisie affiliée à la CGT française, écrivait : « Les développements de M.Durel, sur les avantages que procurerait aux Tunisiens leur ralliement à son Union, ne sont pas nouveau. Ils avaient déjà séduit une partie des travailleurs tunisiens qui ont trouvé dans l’Union, des avantages tels qu’ils ont cru qu’il était de leur devoir de s’en détacher. Vous demandez aujourd’hui l’application en Tunisie de la loi de 1884.
L’article 4 de cette loi réserve exclusivement aux citoyens français la direction des syndicats. Vous voulez donc que nous vous servions de masse, qu’au nom de l’Internationalisme, vous dirigeriez à votre gré, alors que nous sommes le plus grand nombre et que vous êtes la minorité et une minorité bien faible. Mais où est donc vôtre Internationalisme, M. Durel ? Je le cherche en vain !
Rien ne vous empêche, si vous êtes réellement internationaliste et si, vraiment, vous cherchez à unir les forces ouvrières, de rallier la C.G.T.T qui, elle est bien internationaliste de par son but et les principes qui lui servent de base… »

M.Durel lui répondit dans le journal Tunis Socialiste, n° 885, 1925 :
«  La C.G.T, réclame l’application à la Tunisie de la loi de 1884, Tahar El Haddad n’en veut- il pas, pour l’unique raison que cette loi, française par son origine, exige que le bureau, non les membres des syndicats, soit français, ou n’en veut- il pas simplement parce que c’est une loi française et qu’il préfère un décret beylical ?... Notre logique est économique, elle n’est pas politique ; la C.G.T groupe des intérêts de métier et non des intérêts électoraux…Ce n’est pas nous, classe ouvrière d’Europe organisée, qui avons besoins de vous, c’est vous qui avez besoin de nous… » Mustapha Kraiem, Nationalisme et Syndicalisme en Tunisie 1918-1929 ; Pub : UGTT-Tunis 1976
Tahar El Hadded, publia en 1927 El oumal At-Tounissiyoun wa thouhour al Haraka Naquabiya (Les ouvriers Tunisiens et la naissance du mouvement syndical) dans lequel il retrace la situation des ouvriers tunisiens et l’histoire de la C.G.T.T
En 1930, il publia son deuxième ouvrage Imraatouna ficharia wal mojtama (Notre femme dans la chariaa et la société) qui causa un véritable scandale.
Dans son ouvrage, Tahar El Haddad analysait la condition féminine dans la législation islamique et la société tunisienne en préconisant l’affranchissement de la femme et en dénonçant l’obscurantisme qui la réduit à un être inférieur. À l’occasion de l’apparition de ce livre, une grande réception fut offerte à Tahar El Hadded, le 17 octobre 1930 au Casino du Belvédère par ses amis et adeptes. Une photo a été prise à l’occasion, représentant un certain nombre d’assistants dont Abderrahmane Attia, Tahar El Hadded, Taieb Dabbab et Ahmed Dorai. La publication de ce livre déchaina contre son auteur une réaction violente dans les milieux intellectuels de la Zitouna.
Tahar El Hadded, termina ainsi sa vie dans l’isolement, la misère et la persécution.
Il publia peu avant sa mort, Hawatir (Pensées) dont :
Pensée n°7 : « Le peuple soumis acclame la liberté quand il prend conscience qu’il est opprimé. Mais dans la vie quotidienne, il est fier d’être proche de ses maîtres et les pousse à lever la main sur lui »
Pensée n°24 : « Nous luttons souvent pour la liberté, pourtant nous la tuons par respect des traditions, mais qu’avons-nous fait ?
Pensée n°30 : « Tout ce que nous établissons par l’imagination, nous ne voulons pas en reconnaître la réalité. Pourquoi avons-nous donc sacralisé l’histoire ? » .
Le 7 décembre 1935, Tahar El Haddad mourut de tuberculose.
A l’occasion de la commémoration du 80ème anniversaire du décès de Tahar El Haddad, le président de la République Tunisienne M. Béji Caid Essebsi a décoré le lundi 14 décembre 2015 le réformateur tunisien et l’a élevé au rang de grand officier de l’ordre de la République, première classe.
Cette distinction honorifique a été décernée à son neveu M. Mohamed El Hédi Haddad en présence de Mme Dalenda Larguèche, la directrice générale du centre de recherche, d’études, de documentation et d’information sur la femme.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article235951, notice EL HADDAD Tahar par Mariem Dabbab, version mise en ligne le 27 décembre 2020, dernière modification le 1er février 2021.

Par Mariem Dabbab

Livre de Tahar El Haddad

SOURCES : Juliette Bessis, Les Fondateurs, Index Biographique des cadres syndicalistes de la Tunisie Coloniale 1920-1956 , l’Harmattan, Paris, 1985, p. 69-7. — Mustapha Kraiem, Nationalisme et Syndicalisme en Tunisie 1918-1929 ; Pub : UGTT-Tunis 1976 ; p 518,561,575,576. — Rabaa H., Hommage posthume à Taher Hadded, Tunisienumérique.com 14 décembre 2015.

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