GAUTRAND Louis, Alphonse, Marie

Par Jean Sagnes

Né le 14 août 1897 à Cessenon (Hérault), mort le 1er mai 1995 à Avignon (Vaucluse) ; instituteur ; militant communiste et syndicaliste du SNI de l’Hérault.

Fils de Jean Louis Gautrand et Maria Joséphine Attané, « ramonets » d’une moyenne propriété viticole, Louis Gautrand entra à l’École normale d’instituteurs de Montpellier en 1913. Il avait subi à cette date l’influence d’un ouvrier agricole de sa commune natale, secrétaire de la section socialiste et du syndicat agricole. À l’École normale, il fut en contact avec le militantisme anarchiste sans y participer. Après quelques mois d’intérim comme instituteur à Cazouls-lès-Béziers, il fut mobilisé et se trouva sur le front dès septembre 1916. Il combattit notamment au Chemin des Dames au printemps 1917. Au cours d’une permission, il entra en relations avec des militants du Comité pour la reprise des relations internationales (CRRI), lut Le Feu de Barbusse et quelques périodiques socialistes. À son retour au front, il fut gazé et fait prisonnier le 15 juillet 1918. Après l’armistice, hébergé par une famille social-démocrate de Saxe, il suivit, sans y participer, l’expérience des conseils de soldats et de travailleurs. Il rentra en France fort marqué par l’exemple de K. Liebknecht et Rosa Luxemburg. Maintenu sous les drapeaux plusieurs mois encore, il multiplia les contacts avec les Kienthaliens devenus en 1919 le Comité de la IIIe Internationale, et fut un des soldats-correspondants de La Vague.

Nommé instituteur à la rentrée scolaire de 1919, à Félines-Minervois, il créa les sections socialistes de Félines et de la Livinière. Lors du congrès du Parti socialiste de Montpellier précédant le congrès de Tours (le 11 décembre 1920), il signa la motion Loriot (parfois désignée comme motion Cachin).
En 1921, il organisa les CSR de l’Hérault avec Alexandre Alias et Raymond Sémat. Après avoir adhéré au syndicat national des instituteurs et s’en être fait exclure, Louis Gautrand et d’autres instituteurs de ses amis créèrent en 1924 le syndicat des membres de l’enseignement laïque de l’Hérault (CGTU) dont il fut le secrétaire départemental d’octobre 1925 à septembre 1931. Après avoir été instituteur à Villeveyrac, il était en poste à Cette, en octobre 1928, lorsqu’il refusa de se laisser inspecter par l’inspecteur primaire en présence du directeur de son école. Il appliquait en cela les mots d’ordre de la Fédération unitaire de l’enseignement. Menacé de révocation, il fut déplacé d’office en novembre à Viols-le-Fort où il demeura, avec sa femme Claire Gautran, militante également, jusqu’en 1935-1936, date à laquelle il obtint un poste à Montpellier. D’août 1930 à août 1932, il représenta la Minorité oppositionnelle révolutionnaire (MOR) au conseil fédéral de la Fédération de l’enseignement unitaire avec Henri Lefebvre de l’Ardèche. Il fut également délégué au conseil départemental en 1936-1937. À deux reprises, il fut candidat du PCF aux élections législatives. Le 8 avril 1930, dans la 3e circonscription de Montpellier, il obtint 906 voix sur 11 085 suffrages exprimés. En 1936, dans la 1re de Montpellier, avec 1 346 voix sur 14 217 suffrages exprimés, il triplait le nombre de voix du candidat du PC en 1932. L’activité politique publique de Louis Gautrand, qui avait été quelque peu ralentie par sa résidence forcée à Viols-le-Fort, reprit une nouvelle vigueur avec sa nomination à Montpellier en 1936. Il fut alors candidat à deux élections cantonales en octobre 1937 et novembre 1938, écrivit régulièrement dans Le Travailleur du Languedoc et joua un rôle dirigeant dans la section communiste de Montpellier.

À partir de septembre 1939, il fut un des dirigeants clandestins du PC interdit pour la région de Montpellier. Au début de 1940, il fut arrêté et envoyé en camp de concentration d’abord en France, au château du Sablou (Dordogne). Ici il y retrouva
un certain nombre de militants politiques mais aussi des tziganes, des "apatrides", et des dirigeants syndicaux dont Marc Dupuy, de la fédération des Cheminots, ou encore Louis Bouët, de la Fédération de l’Enseignement, directeur de l’Ecole Emancipée. Ils furent transférés le 1er mars 1941 à Saint-Paul-d’Eyjeaux (Haute-Vienne) puis par train "spécial" à Port-Vendres (Pyrénées-Orientales) et de là vers Alger sur le bateau le "Djebel Nador". D’Alger ils furent entassés dans des wagons pour rejoindre le fort de Cafarelli à côté de Djelfa où ils furent internés dans des conditions très difficiles. A sa libération en mai 1943, Louis Gautrand prit alors la parole à plusieurs reprises à Radio Alger pour inciter les instituteurs de France à adhérer au SNI clandestin. Après son retour en France, il devint d’avril à août 1944 directeur adjoint du cabinet de Fernand Grenier commissaire à l’Air. De septembre à novembre 1946 il sera directeur adjoint du cabinet de Charles Tillon, à l’Air puis à l’Armement (il faisait office de responsable du personnel du cabinet et était chargé des relations avec le Parti communiste), enfin en 1947, chef de cabinet de F. Billoux à la Défense nationale. Aux élections municipales d’octobre 1947, il fut tête de liste du PC à Montpellier qui eut douze élus. En 1948, Louis Gautrand reprit un poste d’instituteur au cours complémentaire à Montpellier (école Cambon). Fatigué, malade, il demanda sa mutation pour la région parisienne. S’étant heurté à un refus de l’administration, il demanda en 1950 sa retraite anticipée pour raisons de santé. Il résida alors dans la région parisienne, à Vincennes, où il continua à militer au sein du PC, à l’ARAC et surtout de l’Association des déportés et internés d’Afrique du Nord. Après avoir été secrétaire général de cette association en juin 1969, il en était le vice-président en 1976.

Louis Gautrand s’était marié le 25 mars 1922 à Béziers avec Claire Marie Alary et était père de deux filles : Line, morte jeune, et Suzanne.

A sa mort, il fut enterré au cimetière des Angles (Gard) sur les hauteurs d’Avignon avec son exemplaire du manifeste du parti communiste de Marx, à la présence de sa fille Suzanne, et de toute sa famille.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article23602, notice GAUTRAND Louis, Alphonse, Marie par Jean Sagnes, version mise en ligne le 11 juin 2009, dernière modification le 28 juillet 2021.

Par Jean Sagnes

ICONOGRAPHIE : A. Guérin, La Résistance, chronique illustrée (1930-1950), Livre Club Diderot, t. IV, 1975, p. 253.

SOURCES : Arch. Dép. Hérault, 15 M 74, 78 et 79. — Le Devoir Socialiste, 1920. — Le Travailleur du Languedoc, 1930-1939. — L’Avant Garde Syndicaliste, 1925-1935. — Bernard, Bouët, Dommanget, Serret, Le Syndicalisme dans l’enseignement, op. cit. — A. Moine, Résistance et déportation en Afrique du Nord, Éditions sociales, 1972. — Lettre de L. Gautrand le 3 mai 1973 et notes de Jacques Girault. — Jean-Marie Rossi, Tillon, ministre de l’Air (septembre 1944-novembre 1945), mémoire de maîtrise, Paris I, 1995. — État civil en ligne cote 5 MI 72/6, vue 183. — Souvenirs de famille, notes de Patricl Moraine, son petit neveu.

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