GUIGUEN Louis, Eugène, Armand

Par Christian Bougeard, Claude Pennetier

Né le 23 juin 1910 à Lorient (Morbihan), mort le 4 mai 2001 à Ploemeur (Morbihan) ; comptable, chauffeur routier puis à nouveau comptable ; résistant, interné ; secrétaire fédéral du PCF du Morbihan (1945) ; conseiller municipal de Lorient (1945-1959), député du Morbihan (1945-1956), premier et seul député communiste du Morbihan au XXe siècle.

Louis Guiguen dans les années 1940
Louis Guiguen dans les années 1940
Assemblée nationale, Notices et portraits, 1946

Issu d’une vieille famille républicaine lorientaise, fils d’un ouvrier ajusteur à l’arsenal de Lorient et musicien de bal, petit fils d’un officier de la Marine nationale, Louis Guiguen, élève de l’école laïque de la rue Du Couëdic puis du cours supérieur de l’école du cours des Quais (certificat d’études avec la mention Bien), et de l’Ecole primaire supérieure, section commerciale, doté du niveau « brevet élémentaire », travailla comme commis épicier et comme musicien dans l’orchestre de son père, l’Excelsior, bien connu des Lorientais. Il fut engagé volontaire de juin 1928 à juin 1932 et sortit sergent-chef. Il connut le Levant, notamment Beyrouth, puis suivit le cours préparatoire à l’école de Saint-Maixent.
Il exerça la profession de comptable à la Raffinerie de Pétrole du Nord, puis aux ateliers Lecras (Atelier de réparation de bateaux de pêche), au port de pêche de Lorient jusqu’en 1942 ; son patron, qui l’estimait, continua à envoyer son salaire à sa femme pendant l’internement de Louis Guiguen à Voves et Pithiviers.
Louis Guiguen avait adhéré aux Jeunesses communistes en janvier 1934, et dans la lancée au Parti communiste. C’était un militant connu dans le Morbihan pendant le Front populaire et à la veille de la guerre. Secrétaire des Jeunesses communistes de Lorient en 1935, il devint responsable adulte auprès des JC et fut le responsable local du CDLP (Centre de diffusion du livre et de la presse). En 1938, le Parti communiste le présenta au conseil d’arrondissement. Il était alors trésorier de la cellule de rue de Lorient.
Il se maria le 22 juillet 1933 à Pont-Croix (Morbihan) avec Henriette Le Berre ; le couple eut cinq enfants, dont Denise, infirmière, syndicaliste CGT..

Mobilisé en août 1939 à Angers puis à Châtellerault, chef de section et sergent-chef, prisonnier de guerre en juin 1940, il s’évada du camp de la Jarne près de La Rochelle le 12 juillet et rejoignit Lorient sur le chalutier Le Goëlan, le 14 juillet 1940. Démobilisé, tojours comptable aux Ateliers Legras, il reprit aussitôt contact avec Jean Luneau, responsable du parti à Lorient et évacua sa famille à Plouay. Lorsque le PCF se réorganisa clandestinement en Bretagne (fin 1940, début 1941) autour de Le Bail, Louis Guiguen participa à la propagande dans la région de Lorient, notamment par la confection de tracts puis mena des actions de sabotage à la Base sous-marine. Le Bail fut arrêté en avril 1942 mais ne donna pas les coordonnées de Guiguen. Quand à partir du printemps 1942, le PCF clandestin et les premiers groupes FTP intensifièrent leurs attentats et sabotages, parfois de manière spectaculaire, dans la région de Lorient-Hennebont-Auray, Louis Guiguen fut victime avec trois autres militants communistes connus d’une circulaire du 24 septembre 1942 du secrétariat général à la police de Vichy. Arrêté préventivement ce jour-là à Plouay (Morbihan) par la gendarmerie française, après un passage de cinq jours à la prison de Lorient, il fut interné administrativement au camp de Voves (Eure-et-Loir) le 1er octobre 1942 et y resta jusqu’en novembre 1943 (il refusa en avril 1943 de signer une allégeance à Pétain pour être libéré). il fut chef de la baraque 18 en alternance avec Tréguier. Transféré à Pithiviers (Loiret), baraquement n° 16, du 18 novembre 1943 au 9 août 1944, chef de la baraque 13, il assuma les responsabilités de responsable politique, responsable militaire, responsable de la solidarité. Il fut libéré devant l’avance alliée avec 528 autres internés et par l’action de la résistance. Il rejoignit les FTP dans la région de Pithiviers sous le commandement de "Claude" et fut instructeur militaire avec le grade de lieutemant. Le 28 août 1944, il gagna Plouay (Morbihan) avec une camionnette et des armes puis s’engagea alors dans l’armée française avec le grade de lieutenant FTP (médaille de la Résistance de janvier 1946) et combattit avec les FFI bretons (1re compagnie) sur le front de la poche de Lorient.

Fin 1944, lorsque le PCF se développa dans le Morbihan, ce cadre communiste d’avant-guerre, membre du bureau de la section de Plouay, devint secrétaire politique de la fédération et le resta jusqu’en 1946. Il suivit une école centrale communiste en novembre 1944 (« a bien travaillé, persévérant dans l’effort. Bonne compréhension. S’exprime bien. Volontaire, semble apte à bien remplir ses fonctions actuelles »). Président de l’association des anciens FTPF jusqu’en 1949, il était aussi directeur politique de L’Espoir, l’hebdomadaire du PCF du Morbihan lancé à Pontivy le 11 octobre 1944, puis publié à Vannes au début 1945. Élu conseiller municipal de Lorient à la fin septembre 1945, – les élections dans les communes de la poche encore occupée n’avaient pas pu se tenir au printemps —, il conduisit la liste du PCF aux élections à la première Assemblée nationale constituante le 21 octobre 1945 et fut élu au quotient, devenant le premier et seul député communiste de ce département au XXe siècle. Le PCF obtint l’appui de l’électorat ouvrier de la région lorientaise et de petits agriculteurs, en particulier de l’ouest bretonnant, du centre Bretagne et des anciennes zones de maquis. Sa liste obtint 35 279 voix (15 %) et un élu, le MRP quatre sièges, la SFIO un pour Jean Le Coutaller, le parti radical-socialiste un. Le 2 juin 1946, bénéficiant d’une forte poussée électorale (48 223 voix, 18,7 %), Louis Guiguen fut aisément réélu à la seconde Assemblée Constituante, mais cette progression ainsi que celle du MRP fit battre l’ancien ministre radical-socialiste Alphonse Rio. La redistribution des cartes à gauche s’accentua encore le 10 novembre 1946 : Louis Guiguen entra à l’Assemblée nationale, la moyenne de sa liste s’élevait à 22 % (57 176 voix). Le député communiste de Lorient, président du groupement central des locataires HLM de Lorient, joua un rôle actif dans la reconstruction d’une ville et d’un port très largement détruits par les bombardements. Il déploya une importante activité parlementaire en faveur des logements populaires, de la pêche et de l’agriculture. À la chambre des député, il lui arriva de s’opposer au groupe parlementaire communiste quand des propositions pouvaient desservir les intérêts des lorientais. La direction lui reprocha "une attitude penchant beaucoup trop vers des positions électoralistes" (1946).
Le 17 juin 1951, du fait de la division des droites morbihannaises (MRP, indépendants, RPF), il n’y eut pas d’apparentement entre les listes autre que celui entre la SFIO et le RGR dans ce département, ce qui permit la réélection au Parlement de Louis Guiguen (42 942 voix en moyenne, 17,2 %). Louis Guiguen participa activement aux travaux de la commission de la Marine marchande et à celle de la Reconstruction et monta fréquemment à la tribune (voir la liste de ses propositions de résolution dans le Dictionnaire des parlementaires, op. cit.). Mais, le 2 janvier 1956, l’apparentement des listes du MRP, d’indépendants de droite et du CNI de Raymond Marcellin contre cinq autres listes leur permit d’enlever les sept sièges éliminant les deux députés de gauche, Guiguen et le socialiste Le Coutaller. La liste communiste conduite par Louis Guiguen et Roger Le Hyaric, ancien chef FTP avait pourtant obtenu 44 474 voix soit 16,2 %. À l’automne 1958, avec le retour du scrutin majoritaire, Louis Guiguen fut candidat dans la VIe circonscription (nord du Morbihan) face à un député sortant du MRP, Paul Ihuel, ancien sous-secrétaire d’État, qui fut réélu.

En 1950, le député communiste était membre du secrétariat fédéral. Il fut interrogé en décembre 1951 par Jules Decaux pour la commission des cadres. Le 22 février 1953, il ne siégeait plus qu’au comité fédéral dont la direction politique était assurée par Roger Le Hyaric qui ne s’entendait pas avec lui et qui utilisa contre lui des propos qu’il aurait tenu sur l"utilité d’avoir financé une villa pour Maurice Thorez". Un des ses articles de Ouest-Matin du 26 avril 1955, fit débat : "Nous devons, nous communistes, être unitaires pour deux, avec la conviction que parfois individuellement nous avons, nous aussi, commis des erreurs N’est-ce pas tout faire pour l’unité que de rechercher honnêtement les raisons de nos échecs". Cet article fut critiqué par le secrétariat de la fédération. Mais il revint au bureau fédéral pendant un an (du 3 juin 1956 au 26 mai 1957), après avoir perdu son siège de député. Sur le plan professionnel, Louis Guiguen travailla d’abord pour le quotidien Ouest matin. Il était prévu au départ comme rédacteur en chef ou directeur adjoint auprès d’Henri Denis (lettre d’Henri Denis à Raoul Calas, 5 janvier 1956), mais il n’eut pas la place qui lui convenait (il succéda à Kerjosse comme inspecteur du journal pour le Morbihan sur proposition de Gaston Plissonnier) et bénéficia d’un niveau de rémunération qui ne lui permettait pas de faire vivre sa famille. Le 3 mai 1956, il démissionna brusquement de ses fonctions, déclarant que "l’activité d’inspecteur ne lui plaisait pas" et tenta de trouver un emploi stable mieux rémunéré comme conseiller fiscal et juridique mais les portes se fermaient devant l’ancien député. Il passa son permis poids lourd et travailla comme chauffeur de camion chez un ami ferrailleur mais l’administration lui interdisait l’entrée de l’Arsenal. Il se fit alors embaucher à la STEF pour livrer de nuit le poisson du port de Lorient aux Halles de Paris. Dans cette entreprise, il organisa un syndicat CGT et devint délégué du personnel. Il aimait ce métier très physique, cependant le mal de dos l’obligea à quitter la STEF. Un ami, entrepreneur du bâtiment, le recruta comme comptable et homme de confiance.
Il quitta les instances fédérales, n’apparaissant plus dans la direction du PCF du Morbihan à partir du 27 novembre 1960.
Troublé par le rapport Khrouchtchev en 1956 et choqué par l’intervention soviétique à Prague en 1968, il ne reprit plus sa carte du Parti communiste à une date qui reste à préciser, tout en restant sympathisant. À sa mort, la Fédération communiste lui rendit un hommage.
Ses obsèques furent célébrées le 9 mai 2001 au centre funéraire de Kerlétu de Lorient.

Depuis 2009, une rue de Lorient porte son nom.Il avait état fait chevalier de la Légion d’honneur en 1986 puis officier en 1997.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article23604, notice GUIGUEN Louis, Eugène, Armand par Christian Bougeard, Claude Pennetier, version mise en ligne le 1er novembre 2008, dernière modification le 16 avril 2019.

Par Christian Bougeard, Claude Pennetier

Louis Guiguen dans les années 1940
Louis Guiguen dans les années 1940
Assemblée nationale, Notices et portraits, 1946
Photo d'identité de Louis Guiguen en 1950
Photo d’identité de Louis Guiguen en 1950
Louis Guiguen (lunettes) avec Marcel Cachin
Louis Guiguen (lunettes) avec Marcel Cachin
Photo officielle du député Louis Guiguen.
Photo officielle du député Louis Guiguen.
Jacques Duclos avec le conseil municipal de Lorient en décembre 1951.
Jacques Duclos avec le conseil municipal de Lorient en décembre 1951.
Au premier plan, à partir de la gauche : Louis Guiguen, député, Jacques Duclos, Charles Le Samedy, nouveau maire de Lorient. Debout : Marcel Piriou, Pierre Cusin, Roger Le Hyaric et trois conseillers non identifiés.
Louis Guiguen en 1945
Louis Guiguen en 1945
L'orchestre l'Excelsior
L’orchestre l’Excelsior
Rue Louis Guiguen à Lorient.

SOURCES : RGASPI, Moscou, 495 270 328 (notes de Claude Pennetier). — Arch. comité national du PCF, organigrammes des comités fédéraux (1953-1968) ; dossier personnel. — Fonds CRHMSS. — Jean Pascal, Les députés bretons de 1789 à 1983, PUF, 1983. — Christophe Rivière, Notables municipaux et élus départementaux en Morbihan 1932-1959, mémoire de maîtrise d’histoire, Université de Bretagne occidentale, Brest, 1998. — Dictionnaire des parlementaires français, 1940-1958, tome 4, E-K, 2001. — La Documentation française. — Dossier communiqué par le fils de Louis Guiguen, Michel Guiguen en janvier 2017 : (Bretagne nouvelle, journal de la fédération du Morbihan du PCF, mai-juin 2001 ; coupures de presse ; témoignages). — Au début de sa dernière année de vie (2001), à la maison de santé Le Divit de Ploemeur, Louis Guiguen avait commencé un document autobiographique qui n’alla au-delà de 7 pages dactylographiées qui concernent surtout son enfance, son passage à l’armée et sa résistance (détenu par son fils, Michel Guiguen).

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