HENRY Yves, Marie

Par Christian Bougeard, François Prigent

Né le 31 mars 1899 à Ploëzal (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor), mort le 25 avril 1970 à Ploëzal ; cultivateur ; député SFIO des Côtes-du-Nord (1945-1946) ; conseiller de la République SFIO (1946-1948) ; conseiller d’arrondissement SFIO de Pontrieux (1938) ; maire SFIO puis PSU de Ploëzal (1945-1967) ; résistant FN ; membre du CDL des Côtes-du-Nord ; président du CLL de Ploëzal ; syndicaliste agricole ; militant SFIO puis PSU.

Yves Henry dans les années 1940
Yves Henry dans les années 1940
Assemblée nationale, Notices et portraits, 1946

Originaire d’une famille de petits paysans laïques de Ploëzal (1 845 habitants en 1941), Yves Henry adhéra à la SFIO dès 1919. Passé par les écoles laïques, il avait reçu une instruction primaire dans la commune où se trouve le château de La Roche-Jagu. Par la suite, il reprit l’exploitation familiale (céréales).

En 1937, il affronta Yves Hervé, maire de Ploëzal au conseil d’arrondissement, avant de se présenter dans le canton de Pontrieux face à ce même notable de droite en 1938. Député URD de la 1re circonscription de Guingamp en mai 1936, Yves Hervé avait battu le radical-socialiste André Lorgeré, député-maire sortant, ancien secrétaire d’État en février 1934. Lors d’une partielle en mai 1938 après le décès de Le Trocquer, Yves Henry fut battu dès le 1er tour, obtenant 812 voix soit 40,8 %. Mais en devenant conseiller général, Yves Hervé libérait son siège au conseil d’arrondissement. De ce fait, Yves Henry devint conseiller d’arrondissement, la SFIO détenant un 6e élu dans cette assemblée où siégeait en 1939 Victor Le Mat, François Le Caër, Louis Famel*, Louis Mangard* et Pierre Philippe.

Pendant l’entre-deux-guerres, il était président de la fédération départementale des syndicats agricoles et membre actif du comité des céréales.

Selon une enquête communale du sous-préfet de Guingamp du 25 novembre 1941, Yves Henry, devenu courtier en bestiaux, serait d’un « loyalisme douteux » contrairement au pétainisme d’Yves Hervé, mort le 21 mai 1941, qui avait voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Yves Henry n’aurait « pas [eu] d’activité politique apparente » mais sa seule présence semblait gêner les autorités vichyssoises. En 1943, Yves Henry rejoignit le mouvement de résistance le Front National (FN), créé dans la région de Guingamp et dans l’ensemble des Côtes-du-Nord par des communistes et par Jean Devienne*, « François », ancien responsable des jeunesses socialistes du Nord de la France.

Cette action résistante le conduisit à participer au comité départemental clandestin de la Résistance, futur Comité départemental de Libération (CDL) comme délégué paysan, sans doute à partir du printemps 1944. Yves Henry resta membre du CDL en 1944 et au début de 1945 comme représentant et responsable de la CGA, la nouvelle organisation du syndicalisme agricole, siégeant dans la commission chargée de l’épuration municipale.

Dès la libération de la commune, en août 1944, il présida le Comité Local de Libération (CLL) de Ploëzal, qui remplaça l’ancienne municipalité URD. Investi dans les institutions issues de la Résistance, le nouveau maire de Ploëzal fut l’un des 20 délégués (paysans-SFIO) des Côtes-du-Nord aux États Généraux de la Résistance française, réunis à Paris du 10 au 14 juillet 1945.

À la Libération, Yves Henry fut l’une des principales personnalités socialistes qui participèrent, avec Yves Lavoquer* et Antoine Mazier* à la réorganisation de la fédération SFIO des Côtes-du-Nord, lors des deux congrès du 8 octobre et du 5 novembre 1944, sans toutefois appartenir au nouveau bureau fédéral.

Cultivateur-éleveur, Yves Henry s’était présenté aux élections cantonales à Pontrieux en septembre 1945. Candidat unique de la gauche socialiste et communiste, il recueillit 1 977 voix, soit 45,8 % des suffrages exprimés, battu par Henri Tanguy (MRP). En dépit de cet échec, il fut investi à la tête de la liste SFIO des Côtes-du-Nord lors des élections à la première Assemblée constituante le 21 octobre 1945. En effet, Antoine Mazier, dynamique secrétaire administratif de la SFIO, pourtant élu au congrès fédéral du 27 septembre 1945, avait refusé la première place. Avec 21,4 % des voix, la SFIO était devancée à gauche par le PCF. À 46 ans, Yves Henry était le seul socialiste parmi les 7 députés des Côtes-du-Nord, aidant la SFIO à capter une partie du vote paysan.

Mais, dès les élections à la seconde Assemblée constituante, Yves Henry se retrouva en deuxième position sur la liste socialiste derrière Antoine Mazier. Il fut réélu député le 2 juin 1946 (22,4 % des voix pour la liste SFIO), du fait de l’échec de René Pleven, concurrencé par une liste de droite du PRL. Le 10 novembre 1946, seul Antoine Mazier conservait un siège de député à la SFIO, avec 19,95 % des voix.

Cependant, le 8 décembre 1946, Yves Henry entrait au Conseil de la République avec le communiste Auguste Le Coënt* et l’employé MRP Siabas. Le tripartisme électoral était à son apogée dans les Côtes-du-Nord. Yves Henry devint donc le premier sénateur socialiste des Côtes-du-Nord, élu à la répartition départementale avec 262 voix.

En 1947, il fut réélu maire de Ploëzal, tout comme son frère Paul Henry*, maire de Runan entre 1945 et 1966, dont le parcours politique était parallèle.

Du fait du glissement au centre et à droite, les socialistes (508 voix, soit 25,9 % des grands électeurs) perdirent leur siège au Conseil de la République le 7 novembre 1948, au profit d’une liste RGR-modérés soutenue par René Pleven. La fusion au second tour des listes SFIO et MRP, de type Troisième Force, ne fut pas appréciée de tous les électeurs et Yves Henry (542 voix) ne parvint pas à conserver son siège du fait du maintien des communistes.

De même aux élections cantonales de mars 1949, Yves Henry, 1 392 voix soit 29,9 % des suffrages exprimés au 1er tour, ne parvint pas à battre un indépendant de droite dans le canton de Pontrieux. Pourtant au second tour, il se présentait avec l’étiquette de l’union des gauches, c’est-à-dire avec l’appui du PCF (Amélie Hellequin avait obtenu 20,9 % des voix au 1er tour). Yves Henry obtint 40,8 % des voix, nettement distancé par Hervé Le Tacon (droite).

Dès lors, l’ancien député Yves Henry prit quelques distances avec le militantisme socialiste. Dans une note, les RG notaient le 29 décembre 1949 : celui « qui fut un des principaux socialistes des Côtes-du-Nord après la Libération semble avoir délaissé la politique pour le moment. Il serait de tendance "progressiste" ». L’ancien résistant du FN se serait-il rapproché du PCF ? Nous l’ignorons. Dépourvu de mandat national, Yves Henry n’avait pas été élu au comité directeur de la SFIO au congrès de 1948. En juin 1951, il ne figura pas sur la liste socialiste aux élections législatives. Au début des années 1950, l’ancien parlementaire n’apparaît plus non plus dans les réunions et les congrès de la SFIO des Côtes-du-Nord. Il figurait toujours dans les listes d’adhérents de la SFIO. Il appela à voter non au référendum de 1958.

Membre de la commission de l’agriculture à l’Assemblée constituante, l’essentiel de ses interventions portait sur la politique de ravitaillement et sur les questions agricoles. Il fut actif lors des propositions de loi du 11 juillet 1946 pour créer l’Office National des engrais, amendements et pesticides. Conservant ses liens avec les réseaux agricoles locaux, il poursuivit son action dans le domaine agricole au Palais du Luxembourg entre novembre 1946 et novembre 1948. Membre des commissions de l’agriculture, du ravitaillement et de la comptabilité, il prit part à toutes les discussions relatives aux questions agricoles : la mise en place des engrais de printemps en février 1947, l’encouragement de la culture du blé et du seigle pour les récoltes de 1947 et 1948, la réglementation du travail dans les professions agricoles ou encore la stabilisation des prix des baux à ferme. En juillet 1948, il fut à l’initiative du dépôt d’une proposition de loi sur l’enseignement de la langue bretonne, sujet auquel il était très attaché.

Se détachant du syndicaliste agricole Alexandre Thomas*, secrétaire fédéral de la SFIO depuis 1958 et ancien député en 1956, Yves Henry annonça son passage au PSU dans Le Combat Social en octobre 1960 seulement. C’était également le cas de Émile Le Plénier*, conseiller général de Loudéac entre 1945 et 1949, responsable de premier plan de la CGA dans les années de la Libération. Resté très proche d’Antoine Mazier au début des années 1960, il faisait partie des 25 maires revendiqués par le PSU dans ls Côtes-du-Nord en mars 1965.

Le 24 novembre 1967, il démissionna de ses fonctions de maire de Ploëzal, remplacé par Joseph Le Saint (PCF). L’évolution avait été similaire à Runan après le décès de son frère en 1966, Louis Le Gall (PCF) occupant les fonctions de maire jusqu’en 1983.

Décédé au printemps 1970, Yves Henry était décoré de la médaille de la Résistance.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article23614, notice HENRY Yves, Marie par Christian Bougeard, François Prigent, version mise en ligne le 2 novembre 2008, dernière modification le 5 octobre 2010.

Par Christian Bougeard, François Prigent

Yves Henry dans les années 1940
Yves Henry dans les années 1940
Assemblée nationale, Notices et portraits, 1946
Yves Henry dans les années 1940
Yves Henry dans les années 1940
Sénat

SOURCES : Arch. Dép. des Côtes d’Armor, 3 M 258 à 262 (Maires 1925-1945). — 1 W 6. Rapports du préfet (1945-1946). — 1 W 12. R. des RG (1946-1954). — 1 W 15. Rapports sur la situation des communes. Arrondissement de Guingamp. 1941. — Arch. de l’OURS, dossiers Côtes-du-Nord. — Le Combat Social. — Fichier Gilles Morin. — Bulletin intérieur de la SFIO, n° 35. — Mairie de Ploëzal. - Christian Bougeard, Le choc de la guerre dans un département breton : Les Côtes-du-Nord des années 1920 aux années 1950, thèse d’État, Rennes 2, 1986. — Tudi Kernalegenn, François Prigent, Gilles Richard, Jacqueline Sainclivier (dir.), Le PSU vu d’en bas. Réseaux sociaux, mouvement politique, laboratoire d’idées (années 50 - années 80), Rennes, PUR, 2009.

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