DE KEYSER Napoléon, Joseph, Louis.

Par Bernard Dandois

Deinze (pr. Flandre orientale, arr. Gand-Gent), 6 février 1806 − Avant 1860. Géomètre-arpenteur, précurseur du collectivisme.

Napoléon De Keyser est le fils d’un instituteur, membre d’une famille gantoise de tradition catholique, âgé de trente-deux ans au moment de sa naissance, en février 1806. En 1830, il devient géomètre-arpenteur à Sleidinge (aujourd’hui commune d’Evergem, pr. Flandre orientale, arr. Gand)), où il passe la plus grande partie de sa vie. Il jouit d’une certaine influence dans sa commune, puisque les registres de l’état civil de Gand signalent son appartenance à la garde civique de Sleidinge avec le grade de capitaine adjoint. Il reste inscrit au rôle des géomètres de la ville de Gand et de sa province jusqu’en 1851, date à laquelle son nom n’y figure plus.
En 1840, Napoléon De Keyser épouse Julia Dubosch, issue d’une famille de libres penseurs, les Dubosch de Kaprijke (pr. Flandre orientale, arr. Eeklo). Julia meurt à Gand le 4 avril 1847.

D’après une tradition orale locale, De Keyser serait parti en 1850 vers Lille (département du Nord, France), après avoir été totalement ruiné. Louis Bertrand signale que les recherches qu’il a menées sur place arrivent à la conclusion que Napoléon De Keyser quitte Sleidinge vers 1850. Faut-il rappeler qu’une épidémie de choléra ravage les Flandres de 1846 à 1854 ? Cependant, une autre hypothèse peut être envisagée : ayant connu le communisme icarien d’Etienne Cabet, serait-il parti aux États-Unis pour y fonder, à l’instar du namurois Joseph Henry qui s’était établi au Kansas, une colonie de cette tendance ?

Des recherches récentes établissent que la rédaction du volumineux ouvrage (voir titre ci-dessous) de Napoléon De Keyser, entreprise en 1852, est terminée à Sleidinge en 1854. L’ouvrage paraît à Bruxelles en 1854 chez un éditeur socialiste connu, J.-H. Dehou, le beau-frère de Jacques Kats*.

César De Paepe considère Napoléon De Keyser comme un des précurseurs du socialisme moderne. L’œuvre de De Keyser est connue et étudiée dans de nombreux cercles socialistes au temps de l’Internationale, comme en témoigne la lettre de César De Paepe à Jules Brouez du 26 mars 1868, publiée dans Le Peuple du 27 mai 1905. Le titre de cet ouvrage volumineux mérite d’être signalé malgré sa longueur : Het Natuer-Regt of de Regtveirdighyd tot nieuw bestuer als order der saemenleving volgens de bestemming van de mensch (Le droit naturel ou la justice comme nouvelle règle de vie adoptée en conformité avec le destin de l’homme). Un exemplaire est conservé à l’Institut Émile Vandervelde à Bruxelles.

Le titre montre que l’ouvrage s’inscrit dans la lignée des ouvrages socialistes de la fin du 18ème siècle tels que ceux de Brissot, de François Boissel, des abbés de Cournaud et Pierre Dolivier, mais aussi dans la lignée de Jean-Jacques Rousseau. En effet, il s’oppose au régime contre-nature et prône le retour à la terre.
Si Napoléon De Keyser propose comme solution la collectivisation du sol, comme le fait un autre précurseur du collectivisme, Jean Colins, il n’envisage aucunement les moyens d’application. Il affirme – comme Rousseau – que les hommes naissent égaux. C’est le droit de propriété terrienne qui est la case principale du désordre social. La minorité sociale qui possède la terre est aidée dans l’exercice de son pouvoir par la caste religieuse qui se charge de maintenir les esprits dans l’ignorance en affirmant le droit divin de la propriété. Le droit naturel dont parle De Keyser est accordé à tout être humain âgé de vingt-cinq ans ; à ce moment, il recevra une parcelle de terre équivalant à un hectare environ.

C’est sans doute chez Napoléon De Keyser que les socialistes belges puiseront leurs idées sur le socialisme communal : en effet, il propose que la terre soit divisée en états, provinces, districts, communes et sections de communes ayant chacune la même superficie. Chaque commune serait administrée par un conseil communal de vingt-cinq membres élus au suffrage direct ; de plus, la minorité serait également représentée au sein du conseil communal. Cette nouvelle société ne reconnaît pas le droit à l’héritage ; elle ne reconnaît que le droit au travail personnel.
Ce précurseur du socialisme propose aussi, afin d’introduire de la diversité, d’alterner travail manuel et travail intellectuel. Si les idées de ce socialiste sont restées méconnues, il est cependant certain qu’il est à la base des idées d’un socialiste comme César De Paepe* : il suffit de rappeler les interventions de ce dernier à différents congrès de l’Association internationale du travail (AIT) où il y défend entre autres le principe de la collectivisation du sol.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article236259, notice DE KEYSER Napoléon, Joseph, Louis. par Bernard Dandois, version mise en ligne le 5 janvier 2021, dernière modification le 12 décembre 2023.

Par Bernard Dandois

ŒUVRE : Het Natuer-Regt of de regtveirdigheyd tot nieuw bestuer als order der daemenleving volgens de bestemming van de mensch, Brussel, 1854.

SOURCES : MALON B., Histoire du socialisme, Lugano, 1879 (les renseignements ont été fournis à l’auteur par César De Paepe) − BERTRAND L., Histoire de la démocratie et du socialisme en Belgique depuis 1830, t. II, Bruxelles, 1907, p. 102 et sv. – DE KEYSER P., Een voorloper van het socialisme in Vlaanderen : Napoleon De Keyser, 2 vol., Gent, septembre 1948 (Germinal, n° 5).

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