DUPAIX Léonard.

Par Herre Sneyers

Né vers 1860. Ouvrier tapissier, libre penseur, anarchiste, actif à Bruxelles (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale).

Ce militant bruxellois du 19ème siècle est déjà actif en mars 1874 au sein du Cercle populaire, groupement radical de Nicolas Coulon et Jan Pellering*. Depuis le milieu des années 1870, il est présent dans les cercles libres-penseurs, l’Affranchissement et les Cosmopolitains, et, en 1877, il est secrétaire du Conseil fédéral des groupes rationalistes de Bruxelles.
Au sein de ce petit monde anti-religieux, Léonard Dupaix est connu comme un révolutionnaire acharné et anarchiste. Son discours sur la tombe de l’ex-secrétaire de l’Affranchissement, François Grégoire, en est l’exemple. Il dit entre autres : « Nous jurons sur cette tombe de pousser à la révolution par tous les moyens qui sont en notre pouvoir : la parole, la presse et les exemples, et que jusqu’au jour du triomphe, notre existence soit un apostolat » (Le Mirabeau, 29 avril 1877, p. 3, col. 2-3). Il prononce un discours similaire le 17 mai 1877 lors de l’enterrement de Jan Pellering*. Dupaix voue une haine tenace à tout ce qui touche de loin ou de près à la bourgeoisie. Il condamne donc fermement le réformisme d’hommes, comme César De Paepe*, Louis Bertrand ou Désiré Brismée, et, en mai 1878, il s’affilie à la section bruxelloise de la Première Internationale.

Peu de temps après, Léonard Dupaix quitte probablement la Belgique pour s’installer dans la grande ville révolutionnaire de Paris (il habiterait rue de la Limite en 1879). Il semble qu’il ait amené avec lui Égide Spilleux*. En tout cas, il disparaît des archives à cette période et l’on ne retrouve sa trace que le 1er mars 1880. À ce moment-là, la police le considère déjà comme l’un des dix anarchistes les plus importants de Paris. Il est le correspondant à l’étranger du Drapeau rouge, le journal de la Ligue collectiviste anarchiste de Bruxelles. Son agitation n’a pas été appréciée par le préfet de police de Paris, Andrieux. En avril 1880, il est expulsé ainsi que ses amis Errico Malatesta, Apostola Paolis et Fiorini. Ces quatre anarchistes arrivent début mai dans le milieu révolutionnaire bruxellois où ils organisent des réunions et des meetings comme orateurs.

Après avoir fait entendre sa voix le 8 juin 1880, lors d’une manifestation organisée par la Chambre du travail en faveur du suffrage universel, Léonard Dupaix retourne en secret à Paris. Au mois d’août, il est arrêté et à nouveau reconduit à la frontière. Il s’installe à Bruxelles chez ses parents qui exploitent un petit café au n° 32 de la rue des Comédiens. À partir de 1881, il apparaît comme l’un des principaux militants du Cercle des anarchistes bruxellois. Après le Congrès de Cuesmes le 20 mars 1881, il représente ce groupement au conseil fédéral de l’Union révolutionnaire, et, à la fin mai, il devient secrétaire de cette organisation nationale.

Avec d’autres anarchistes comme Hubert Delsaute* et Jules Retis (dit Marius)*, Léonard Dupaix fait de la propagande contre les évolutionnistes et élabore des plans concrets afin de réussir la révolution. C’est dans ce but qu’il participe à la fondation du groupe secret « Comité exécutif socialiste » dans lequel il s’avoue partisan de la dynamite et des bombes, ce qui lui vaudra une surveillance de l’administrateur de la Sûreté de l’Etat.

Comme la plupart des anarchistes, Léonard Dupaix est sous l’influence de théoriciens tels que Pierre Kropotkine, Elisée Reclus* et Errico Malatesta qui proposent l’anarcho-communisme comme idéologie et, comme moyen d’action, « la propagande de l’action ». Fidèle à la tradition libertaire, il s’oppose aux blanquistes autoritaires, actifs dans l’Union révolutionnaire, qui veulent en faire une organisation pyramidale d’avant-garde, disciplinée et structurée.
Dupaix se prononce pour l’autonomie des groupes locaux. Le conseil fédéral ne peut être qu’un bureau central de correspondance et il ne fallait pas y mener les discussions qui n’avaient pas eu lieu à la base. Le délégué ne peut, selon lui, y parler en son nom propre, mais doit rendre des comptes au groupe qui l’avait mandaté.

Bien que la Sûreté de l’État redoute principalement les écrits de Léonard Dupaix, nous n’avons pu retrouver que peu de documents de sa main dans les archives belges. Seule la première partie d’un article qu’il écrit au nom du Cercle des anarchistes bruxellois dans le numéro de juillet du journal libertaire de Verviers, La Persévérance, subsiste. Dupaix y déclare que tout comme Marx, il croit aux fondements économiques de cette société et que la révolution est la conséquence un processus historique inévitable. Ce n’est qu’une question de temps. Entretemps, les révolutionnaires doivent montrer au prolétariat comment s’organiser et comment mener des actions afin d’être prêt au moment venu. À propos de l’alternative réformiste sur l’amélioration directe des conditions sociales et de l’action parlementaire, il s’exprime en ces mots : « Contrairement à l’éducation couarde des anti-internationalistes, nous voulons, nous anarchistes, que l’état normal du peuple soit insurrectionnel jusqu’au jour du triomphe. Aussi croyons-nous que l’historique des revendications prolétariennes ne peut que faire affluer le sang au cœur et faire de nos frères, non des pygmées et des avortons ; tels que le sont les évolutionnistes, mais des héros tels que Lyssakoff ! » (La Persévérance, juillet 1881, p. 1, col. 3).

Léonard Dupaix repart à Paris probablement fin 1881 pour revenir fin juillet 1882 à Bruxelles où, pour gagner sa vie, il exerce la profession de tapissier-garnisseur. Il reste actif en tant qu’anarchiste au moins jusqu’en 1883. "Son nom apparaît encore dans L’Émancipation (1901-1902) de Chapelier et Thonar (Dictionnaire des anarchistes).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article236264, notice DUPAIX Léonard. par Herre Sneyers, version mise en ligne le 5 janvier 2021, dernière modification le 16 janvier 2021.

Par Herre Sneyers

SOURCES : Bruxelles, Archives générales du Royaume, police des étrangers, dossier 320361, Zanardelli : L. Dupaix, Cercle des anarchistes bruxellois, La Persévérance, juillet 1881, 1ère année, n° 11, p. 1, col. 2-3 et p. 2, col. 1 ; police des étrangers, dossiers 353081 : Malatesta, 320361 : Zanardelli, 336596 : Crié (lettres individuelles) ; Tribunal correctionnel, dossier 744 : « Attentat à la dynamite », lettre du 24 mars 1883 ; Parquet général, dossier 220 (plusieurs lettres) – Archives de la ville de Bruxelles, fonds de la police, cartons 178bis, 178ter, 194, 195 (comptes-rendus de réunions) – Bibliothèque communale de Verviers, Le Mirabeau, 10 septembre 1876, p. 2, col. 4 et p. 3, col. 1-2 ; 14 janvier 1877, p. 4 ; 29 avril 1877, p. 3, col. 2-3 ; 24 juin 1877, p. 4 – SCHANER A., Contributions à l’histoire du mouvement anarchiste en Belgique de 1880 à 1894, Mémoire de licence en histoire ULB, Bruxelles, 1964-1965, p. 38 –WOUTERS H., Documenten bettreffende de geschiedenis der arbeidersbeweging ten tijde van de eerste internationale (1866-1880), 3 delen, Louvain-Paris, 1971 (Cahiers du Centre interuniversitaire d’histoire contemporaine, 60).

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