Sassenage (Isère), Pont Charvet, 1er août 1944

Par Jean-Luc Marquer

Le 1er août 1944 à 7 heures du matin, 5 hommes qui tentaient de quitter le massif du Vercors furent abattus au pont Charvet à Sassenage (Isère) par des soldats allemands placés en embuscade.

Mémorial du Pont Charvet, Sassenage (Isère)
Mémorial du Pont Charvet, Sassenage (Isère)
Photo : Wikimédiacommons, Jérôme Villafruela - CC-BY-SA 3.0

En juillet 1944, parallèlement à l’invasion du Vercors, l’armée allemande encercla le massif et toutes les communes situées à sa périphérie furent investies.
Après l’ordre de dispersion donné le 23 juillet 1944 par François Huet, chef militaire du Vercors, de nombreux maquisards tentèrent de quitter le massif pour poursuivre la lutte.
Un groupe de résistants se réfugia dans la grotte des Fées, située dans la forêt de Saint-Agnan-en-Vercors (Drôme). La situation de la grotte est difficile à trouver, l’entrée se fait par une chatière de 60 cm ouvrant sur une salle propice au refuge.
De la grotte, les réfugiés pouvaient apercevoir les colonnes de fumée laissant présager de la tragédie qui se déroulait sur le plateau. Là, pendant plusieurs jours autour du capitaine Goderville (Jean Prévost), ils furent une poignée d’hommes : le capitaine Bouysse (Charles Loysel), le lieutenant Raymond (Jean Veyrat), Alfred Leizer, Simon Nora, le lieutenant Dubreuil (André Jullien Du Breuil), le lieutenant Lionel (Rémy Lifschitz) et Léa Blain, seule femme dans cette cavité où l’eau, la nourriture, et les couvertures manquaient terriblement.
Le petit groupe de la grotte des Fées s’impatientait. Cette existence recluse, oisive, avec une nourriture frugale et rare, dans le froid et l’humidité, pesait à tous. Ils décidèrent d’agir. Puisqu’on avait cessé de se battre dans le Vercors, il fallait désormais en sortir et rejoindre les camarades qui, dans l’Isère, poursuivaient la lutte.
Le lundi 31 juillet 1944, profitant de l’accalmie qui semblait régner aux alentours, le groupe Goderville prit la décision de quitter la grotte et s’éloigna en direction du nord-est. Le capitaine Goderville et le capitaine Bouysse avaient décidé de longer, en forêt, la route qui mène à Corrençon (Isère), Villard-de-Lans (Isère), Engins (Isère), et de rallier Sassenage (Isère) où ils savaient pouvoir trouver un abri chez Pierre Dalloz.
Simon Nora, qui avait décidé de rejoindre ses parents qui se cachaient à Méaudre (aujourd’hui Autrans-Méaudre-en-Vercors, Isère), quitta le groupe.
Rémy Lifschitz et Léa Blain s’arrêtèrent à Villard-de-Lans, car la jeune femme avait les pieds en sang et ne pouvait plus avancer.
Le matin du 1er août 1944, au lieu-dit "La Croix des Glovettes" à Villard-de-Lans, ils furent surpris par une patrouille allemande : tous deux vendirent chèrement leur peau avant de périr. Rémi Lifschitz fut déchiqueté par une grenade. Léa Blain fut tuée d’une balle dans la tête.


Après une pause à Engins, Jean Prévost (capitaine Goderville), Charles Loysel (capitaine Bouysse), André Jullien du Breuil (lieutenant Dubreuil), Jean-Pierre Veyrat (lieutenant Raymond) et Alfred Leizer s’engagèrent dans les Gorges d’Engins. Ils sortirent du défilé le 1er août à 7 heures du matin et atteignirent le pont Charvet, où ils tombèrent sur des soldats allemands.
Selon les sources, les cinq hommes furent abattus à la mitrailleuse ou bien trois hommes furent tués et deux, faits prisonniers, furent sommairement exécutés ou bien encore, les cinq furent arrêtés et on leur fit poser sac à terre avant de les exécuter d’une rafale de mitrailleuse.
Le 3 août, 1944, après le départ des Allemands, des habitants de Sassenage ramassèrent les corps des victimes dont les doigts avaient été coupés pour prendre les bagues.
Quatre se trouvaient sur la chaussée, un cinquième, celui de Jean Prévost, se trouvait dans le lit du torrent. Il avait, dans un ultime effort, tenté d’échapper à l’ennemi en sautant le parapet.
Ils furent ramenés à Sassenage dans un tombereau à cheval. Après avoir été photographiés, il furent enterrés dans le cimetière communal.
Les actes de décès furent établis pour des inconnus sur sur la déclaration du garde-champêtre, les soldats allemands, comme à leur habitude, n’ayant laissé aucun document d’identité sur les victimes.
Un monument fut érigé en 1948 au pont Charvet à l’initiative de Pierre Dalloz.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article236313, notice Sassenage (Isère), Pont Charvet, 1er août 1944 par Jean-Luc Marquer, version mise en ligne le 20 janvier 2021, dernière modification le 18 février 2021.

Par Jean-Luc Marquer

Mémorial du Pont Charvet, Sassenage (Isère)
Mémorial du Pont Charvet, Sassenage (Isère)
Photo : Wikimédiacommons, Jérôme Villafruela - CC-BY-SA 3.0

SOURCES : Guérin Alain, Chronique de la Résistance, Omnibus, Paris, 2010 — https://erra38.fr/2019/05/jean-prevost-et-la-resistance-dans-le-vercors/ — État civil

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