CHABANY Simon

Par Jean-Michel STEINER

Né le 28 août 1850 à Saint-Étienne (Loire), mort le 13 mai 1910 à Saint-Étienne ; poêlier puis armurier ; militant laïc ; membre fondateur et trésorier du premier syndicat de la Manufacture d’Armes de Saint-Étienne ; président de la Fédération des Personnels civils de la Guerre.

Fils de Jean et de Rose Furnon, tous deux passementiers, Simon Chabany naquit dans le quartier de Tardy et vécut dans le quartier de la rue Soleysel, où se côtoyaient mineurs et passementiers. Les Chabany changèrent fréquemment de logement. Ils habitaient rue Peyrard au moment de la naissance de son frère aîné, le 7 février 1848 ; à Saint-Priest-en-Jarez, commune située aux limites nord de la ville, en 1855 lorsque mourut Rose Furnon, âgée de 34 ans. Orphelin de sa mère à cinq ans, Simon Chabany était encore adolescent lorsque, le 7 mars 1866, mourut son père.

Il était poêlier lorsqu’il fut incorporé au 1er Régiment de Zouaves, le 11 septembre 1870, puis, du 30 novembre 1870 au 1er mars 1871, mobilisé pendant la guerre contre la Prusse. Signalé ensuite comme insoumis – avait-il cherché à fuir une incorporation dans l’armée versaillaise ? – il fut arrêté par la gendarmerie le 6 juillet 1871 mais échappa au conseil de guerre à la suite d’une ordonnance de non lieu rendue le 31 août 1871 par le général commandant la VIIIe Division militaire.

Revenu à Saint-Étienne, Simon Chabany travailla désormais comme armurier. Le 10 novembre 1877 il épousa Dorothée Féminier, lingère, née à Auroux (Lozère), âgée de 29 ans, veuve de Jean-Pierre Lebras-Dupré, un mineur tué au puits Jabin en juin 1876. Ils habitaient alors rue de l’Heurton, dans le quartier de Saint-François.

Profondément républicain Simon Chabany fut un des fondateurs du Sou des écoles laïques : « On le vit rechercher des subsides pour lui donner des moyens de contrebalancer l’influence des patronages à tendance confessionnelle et aller lui-même au sein des familles pauvres distribuer l’argent recueilli et encourager les parents à envoyer leur enfants dans les écoles où ils feraient l’apprentissage de la liberté » (extrait de l’hommage funèbre prononcé par Léon Gervaise).

C’est probablement au début des années 1880 que Chabany vint s’embaucher à la Manufacture nationale d’armes. Le couple s’installa alors au numéro 3 de la rue de Roanne, puis vécut au 14 rue Girodet où Simon Chabany mourut. C’est dans cette période qu’il milita pour l’organisation des travailleurs de la Manufacture.

Les travailleurs de l’État s’étant vu refuser le bénéfice de la loi du 21 mars 1884, les salariés de la Manufacture de Saint-Étienne créèrent en 1894 une amicale pour défendre leurs revendications en matière de salaires, retraites, temps de travail. Le samedi 7 avril 1894, dans la salle du Prado, ils organisèrent une réunion publique « contre la mise en régie de la manufacture et le renvoi de quelques ouvriers ». Devant un millier d’ouvriers de la Manufacture les députés Girodet (1889-1897) et Edmond Charpentier (1893-1898 & 1902-1910), proches du socialisme indépendant, prirent la parole et s’engagèrent à intervenir auprès du ministre. Jusqu’à la fin de son premier mandat, en 1898, Charpentier tint régulièrement des réunions avec les représentants de l’Amicale du personnel civil de la Manufacture. En octobre 1896, une assemblée générale, avec 370 présents, désigna leurs représentants au congrès des Unions amicales prévu à Paris. Le travail des militants et les interventions des parlementaires finirent par s’avérer efficaces. En 1901 furent déposés les statuts de la « Fédération du personnel civil des établissements de la Guerre ». Selon les statuts le « siège est fixé pour l’année par chaque congrès, et le Conseil du syndicat de la ville choisie prend alors le titre de “Conseil d’administration de la Fédération nationale” ». Ainsi le premier siège fut-il fixé au 51 rue de Roanne à Saint-Étienne, siège de « l’Union Syndicale du Personnel Civil Libre » de la MAS créée le 8 juillet 1901. Le premier conseil d’administration fut donc à la fois celui du syndicat stéphanois et de la Fédération avec Pélissier (président), Roux (vice-président), Berlier (secrétaire général), Dubois (secrétaire général adjoint), Chabany (trésorier), Picon (trésorier adjoint), Mandonnet (archiviste). Après Pélissier, Chabany devint président.

Le dimanche 16 mai 1910, les obsèques civiles de Simon Chabany furent l’occasion d’une imposante manifestation ouvrière. Une cérémonie qui témoigna de l’importance et de l’influence acquises par le syndicat que Chabany avait contribué à créer. Précédé par la fanfare du Cercle socialiste de Montaud, un cortège de plus de 4 000 personnes quitta la rue Girodet, gagna la Grand rue à la hauteur de la Manufacture puis la remonta en direction de la Préfecture pour rejoindre le cimetière de Montaud par les rues Jacquard, Benoit Malon et d’Isly. Tous les syndicats de la Bourse du Travail de Saint-Étienne étaient représentés de même que ceux des établissements de la guerre de Lyon, Bourges et Valence et la Fédération nationale du Personnel des Établissements de Guerre par son président, Léon Gervaise. Fait significatif, de nombreuses personnalités assistèrent à la cérémonie : le maire socialiste indépendant de Saint-Étienne Pétrus Faure ; le conseiller général du canton nord ouest et ancien député Edmond Charpentier ; le secrétaire général de la Préfecture Bouchancourt, ainsi que Vittone, président du conseil d’arrondissement, Vinet, adjoint au maire. La Manufacture envoya plusieurs membres de la direction (le Colonel De Verneuil, les commandants Jolliard et Daudrei) et de nombreux officiers, contrôleurs, chefs d’atelier. Au cimetière, avant l’inhumation, Charles Lebraly, secrétaire du syndicat de la Manufacture de Saint-Étienne, Léon Gervaise et Edmond Charpentier prononcèrent un éloge du militant.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article236337, notice CHABANY Simon par Jean-Michel STEINER, version mise en ligne le 18 janvier 2021, dernière modification le 2 juin 2021.

Par Jean-Michel STEINER

SOURCES : Arch. Dép. Loire : 3 E 276_6, Saint-Priest-en-Jarez, État-civil (1851-1855) - 1 R 1074, 1870, Registres matricules circ. Saint-Étienne, n° 756. — Arch. Mun. Saint-Étienne, listes électorales : 1 K 3 (1885), 1 K 7 (1905) ; naissances : 2 E 56 (1848), 2 E 58 (1850) ; mariages : 3 E 84 (1877) ; décès : 4 E 73 (1866), 4 E 83 (1876), 4 E 117 (1910) - Recensements, 1876 (1 F 14), 1906 (1 F 34) — Le Stéphanois (14 mai 1910). — La Loire Républicaine (15 & 17 mai 1910). — Daniel Jaboulay Cahier d’Histoire n° 20, mars 2011 — Patrick Mortal, Les armuriers de l’État, du Grand Siècle à la globalisation. 1665-1989. Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2007, nouvelle édition [en ligne], consulté le 7 janvier 2021.

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