FERRAZ Adrien, Marius, Antoine, dit Alfred

Par Jean-Michel Steiner, Mario Ferraz

Né le 17 juin 1907 à Saint-Chamond (Loire), mort le 12 décembre 1989 à Pollionnay (Rhône) ; architecte ; membre du PCF, militant du Mouvement de la Paix, du Secours Populaire, de France-URSS ; maire (1944-1945) puis conseiller municipal (1947-1959) de Saint-Chamond.

Le Conseil municipal de Saint-Chamond (août 1944)
Le Conseil municipal de Saint-Chamond (août 1944)
Au centre Alfred Ferraz, avec l’écharpe tricolore

Adrien Ferraz était le troisième enfant d’Antoine et de Désirée, Virginie David, ménagère. Le 7 avril 1900, Antoine Ferraz, maçon, né à Heyrieux (Isère) le 3 février 1863, avait épousé à Lyon 3è, Désirée, Virginie David, née le 22 mars 1864, qui était alors employée de commerce. Au début de sa carrière, Antoine Ferraz exerça son métier dans diverses localités. Après avoir habité à Quérigny (Nièvre) en 1902, puis Oullins (Rhône) en 1904, la famille était installée à Saint-Chamond, dans le quartier de la Valette, lorsque naquit Adrien. Le père était alors contremaître maçon des fours Martin aux Aciéries de la Marine.

Les parents veillèrent à ce que les enfants fassent des études approfondies. Odette, la sœur aînée devint musicienne. Michel, devint ingénieur en électricité, diplômé des Quart’Arts. Adrien Ferraz fit ses études primaires à l’école de Saint-Martin-en-Coailleux (Loire) puis fut interne au lycée Fauriel de Saint-Étienne. En 1923, à seize ans, il entra à l’École des Beaux Arts de Lyon, puis il réussit le concours de l’école Régionale d’Architecture de Lyon où il suivit les ateliers de Tony Garnier et de Roux-Spitz.

En novembre 1927, apte à remplir ses obligations militaires, il se vit accorder un sursis pour poursuivre ses études. Le 22 mai 1929 il s’embarqua à Marseille pour Casablanca. Arrivé le 26, il fut affecté à un régiment de Génie, dans une chefferie à Meknès, où il conçut des ouvrages de voiries et de petit génie civil, en particulier dans la région du Rif, alors en situation insurrectionnelle. Démobilisé le 2 août 1930, Adrien Ferraz repartit pour Marseille sur le Maréchal Lyautey.

En octobre 1930, libéré du service militaire, il travailla successivement dans l’agence de Malécot à Saint-Chamond, puis dans des agences lyonnaises avant de créer sa propre agence, d’abord à Saint-Chamond en 1935. En février 1938, le directeur général des Beaux-Arts, lui décerna le diplôme d’Architecte avec la mention Bien. Avant la guerre, Alfred Ferraz réalisa de nombreuses maisons individuelles dans la région lyonnaise et sur la Côte d’Azur, des bâtiments industriels (Teintureries Daneyrolle à Izieux) et commerciaux (entrepôts fruitiers Mayol à Saint-Chamond et Chavanay), ainsi que des équipements publics : stade d’Heyrieux (Isère), bureaux des Assurances sociales à Saint-Chamond. Les liens noués pendant son service militaire avec Édouard Jardin, architecte au Maroc, le conduisirent aussi à édifier des immeubles dans ce pays jusqu’en 1946, notamment un hôtel et les abattoirs à Meknès.

Avec Lucien Seignol, architecte DPLG cotoyé aux Beaux-Arts de Lyon, Alfred Ferraz créa en 1943 une Société en Nom Collectif à Saint-Étienne. Leur association dura jusqu’en 1980. Installée au Rond Point puis à Valbenoite, ils participèrent à la conception et la réalisation de bâtiments emblématiques des années 1950 et 1960 dans la région stéphanoise : un des premiers immeubles de grande hauteur (Place Fourneyron, 1950), la Maison de la Culture (1968 en association avec Yves Gouyon et Jean-Pierre Clément), le lycée technique et professionnel de la Métare et la Faculté de lettres droit et sciences humaines du campus Trefilerie (avec Pierre Dufau), les nouveaux abattoirs du quartier de la Terrasse. À Saint-Héand, ils réalisèrent l’usine d’optique Angénieux. Alfred Ferraz fut aussi le concepteur de la première usine Lipmann (Lip) à Besançon, classée patrimoine architectural du XXe siècle, des frigorifiques pour l’entreprise Pomanjou à Angers, Rungis, Tours et Montfreint (Gard), des usines Bennes Marrel rue Pierre Copel à Saint-Étienne et Parot à Saint Romain le Puy (Loire).

Le 28 septembre 1937 il épousa Simonne Alliot, à Saint-Chamond. Le couple eut six enfants : Mario (1940), Yvonne (1941), Fabienne (1944), Ghislaine (1946), Mireille (1949), Alix (1953).

Pendant la guerre, Adrien Ferraz cacha dans sa maison de campagne le Dr Mugnery, résistant gaulliste recherché par la police, qui devint maire de Lorette (Loire) après la Libération. Lui-même fut nommé – sous le nom d’Alfred Ferraz - maire de Saint-Chamond par le Comité départemental de Libération et le préfet Lucien Monjauvis le 26 août 1944. Ainsi devint-il pendant deux décennies le principal représentant du PCF dans le conseil municipal.

Le 27 août 1944, le président du CDL vint à Saint-Chamond pour l’installer dans ses fonctions de premier magistrat ainsi que les adjoints Edmond Teyssier, Jules Pichon, Georges Perenon, Auguste Roguet et René David : toutes les tendances de la Résistance étaient représentées, jusqu’au MRP. Le 28 août, la première séance du conseil municipal désigna Alfred Ferraz membre de plusieurs commissions : Bureau de bienfaisance, Hospices civils, Bibliothèque municipale, Office Public d’Habitations à Bon Marché. Le 10 novembre 1944, il fit voter une délibération pour attribuer à la rue Vignette le nom de Maurice Bonnevialle, militant de la JOC puis de la CFTC, fusillé par les Allemands le 6 février 1944, et celui de Jean-Pierre Timbaud à la rue Germain Morel, siège de la Bourse du Travail. Le 18 janvier, il fit adopter une délibération demandant la création d’un poste permanent de secrétaire de la Bourse du Travail. Le 24 avril 1945, lors de la dernière réunion du conseil nommé par le CDL, le conseil municipal accorda à l’unanimité plusieurs subventions (à l’UD des syndicats CGT pour reconstruire la maison de Pouilly-lès-Feurs, à l’amicale laïque de Saint-Chamond) avant que surgisse un conflit entre les élus de gauche et la minorité démocrate chrétienne. Le rejet, par 10 voix contre 8, d’une demande de subvention en faveur des patronages catholiques, suscita la colère de l’abbé Feasson, conseiller municipal qui déclara « son regret d’avoir accepté de collaborer dans une assemblée où il avait cru trouver une union complète d’où toute politique était écartée et annonça] qu’il se retirait du sein de l’assemblée où sa présence n’avait plus aucune raison d’être ». L’éclatement de l’unité née de la Résistance allait bientôt favoriser le retour du maire d’avant guerre, Antoine Pinay.

Si, le 17 mai 1945, Alfred Ferraz présida la séance d’installation du conseil élu le 13 mai 1945 en tant que maire sortant, il n’y siégea pas car la liste « Républicaine d’Union et d’Intérêts communaux » qu’il avait conduite lors de ce scrutin n’obtint qu’un siège (Émile Geneste, 3 281 voix) la victoire revenant à la liste MRP que conduisait Joseph Vacher (3 507 voix) avec notamment Jules Boyer qui fut élu maire. À la tête de la liste « d’Union laïque, républicaine, résistante et de défense des intérêts économiques », Alfred Ferraz revint au Conseil municipal après le scrutin d’octobre 1947. Il adopta dès de la séance du 26 octobre la position d’opposant principal à Antoine Pinay, qui venait de retrouver son fauteuil de maire dont il avait été écarté à la Libération. Ferraz souligna « l’amertume qu’éprouvera la classe ouvrière en sachant que 25% de la population n’aura pas de représentant au sein de l’administration ». Le 6 novembre 1947 il fut élu membre de la commission des HBM et de celle des Abattoirs. À plusieurs reprises, la petite minorité tenta d’amener le conseil sur le terrain politique. Elle utilisa souvent le contexte international, comme en 1950 lorsqu’Alfred Ferraz présenta un vœu pour appeler le conseil municipal à soutenir l’Appel de Stockholm contre la bombe atomique en déclarant : « Je suis un bâtisseur comme tous les travailleurs, c’est pour cela que je suis un fervent partisan de la Paix sans laquelle on ne peut rien édifier de solide ». Il souligna ainsi son engagement au Mouvement de la Paix. Mais le rôle grandissant que jouait dans la politique nationale le maire de Saint-Chamond offrit aussi à la fraction communiste plusieurs occasions de le contester. Ainsi, le 24 mars 1952, Alfred Ferraz souhaita « Qu’une mesure d’humanité et de justice sociale intervienne rapidement pour rendre Henri Martin à sa jeune femme, à sa famille, à sa liberté » et demanda « au gouvernement présidé par M Pinay de régler au plus tôt toutes les formalités nécessaires pour faire rentrer ce vœu dans la réalité ».

En 1953, Alfred Ferraz fut à nouveau candidat, à la tête de la liste PCF « d’Union ouvrière démocratique de défense des intérêts communaux ». Antoine Pinay largement réélu obtint 20 sièges, le PCF 5 sièges et le MRP 2 sièges. Dans sa déclaration préliminaire, Ferraz fit un bilan de la politique étrangère des gouvernements français et de leur impact sur la vie de la commune : « Nous avons eu raison de nous élever depuis toujours contre l’aide américaine telle qu’elle est pratiquée. Nous sommes partisans de toutes les négociations qui puissent éviter une guerre. Nous souhaitons le retour de la paix en Indochine. La guerre que nous faisons là-bas est injuste. Elle coûte des vies françaises, elle coûte le bonheur de tout notre peuple. Sans elle, la France n’aurait besoin de l’aide de personne. Nous sommes contre le pool charbon-acier depuis sa naissance. Nous en en avions dénoncé les conséquences désastreuses pour notre pays. Aujourd’hui c’est sans allégresse que nous constatons que nous avons eu raison. À Saint-Chamond, ses suites se font sentir. Les commandes aux Aciéries de la Marine sont rares et, de mois en mois, se font de plus en plus difficiles à accrocher. Nos mines, utiles malgré leur mauvaise rentabilité lorsqu’il s’agit d’indépendance nationale, ont dû être fermées. »

En 1959, Ferraz mena à nouveau une liste communiste qui avait conservé le même intitulé qu’en 1953. Elle obtint 1 350 voix. Concurrencée par une liste socialiste dite « d’Union des Forces de la Gauche Démocratique » (Grillet, 1 320 voix), elle ne put empêcher la réélection de la totalité de la liste d’Antoine Pinay (4 200 voix). En 1965, il conduisit une liste de la gauche unie dite « liste d’Union Démocratique pour la gestion du Grand Saint-Chamond ». Composée à parité par le PCF la SFIO et le PSU, qualifiée par Le Progrès de liste de « Front Populaire », sa dernière candidature n’eut pas plus de succès.

Alfred Ferraz fut élu administrateur de la Sécurité sociale par le collège ouvrier.

De 1950 à 1980 Ferraz et Seignol conçurent des écoles maternelles, élémentaires, collèges, gymnases et terrains sportifs dans la Loire ; les centres de formations pour adultes (CFPA) de Saint Etienne et Roanne ; la Maternité de Firminy et l’hôpital de Montbrison ; de petits groupes de logements HLM et résidences de personnes âgées, pour les Office Départementaux de la Loire et de la Nièvre ainsi que pour l’Office Municipal de Saint-Étienne, l’UMCF-Toit Forézien et la SA HLM de la Nièvre.
Sollicités par le maire PCF d’Unieux, Charles Crouzet (voir ce nom), pour réorganiser le tissu urbain anarchique où s’étaient implantés depuis le XIXe siècle d’importants établissements sidérurgiques, Alfred Ferraz et Lucien Seignol soumirent à la municipalité, qui l’approuva et le mit en œuvre, un plan d’urbanisme cohérent de développement de la cité. Ils en réalisèrent certains des éléments structurants (la Mairie - classée depuis bâtiment historique – la Poste, les écoles du centre ville et les pôles de Cote Quart et Val Ronzière)

Militant convaincu et actif du Mouvement de la Paix et du Secours populaire, il fut aussi membre de l’association départementale France-URSS de la Loire qu’il présida pendant de longues années. En 1978, il inaugura l’exposition annuelle dans la salle Sacco-Vanzetti de la Bourse du Travail de Saint-Étienne en présence de Michele Badiou, adjointe au maire Joseph Sanguedolce, et de Lucien Neuwirth, président (RPR) du Conseil général.

Associé avec Rémy Annino, médecin pédiatre, créateur de l’École des parents à Saint-Étienne, responsable du centre médico social sous les municipalités Alexandre de Fraissinette (1959-1964) et Michel Durafour (1964-1977) ainsi qu’avec Aimé Roze, inspecteur départemental de l’Éducation Nationale, Alfred Ferraz participa à la création de l’Œuvre de perfectionnement professionnel (OPP). Il présida cet organisme, destiné à aider l’insertion professionnelle des handicapés, jusqu’à son rattachement à l’Association Départementale des Pupilles de l’Ecole Publique (ADPEP). Son action dans ce domaine lui valut d’être honoré des Palmes académiques, successivement comme chevalier (janvier 1963), officier (février 1977) et commandeur (février 1982).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article236491, notice FERRAZ Adrien, Marius, Antoine, dit Alfred par Jean-Michel Steiner, Mario Ferraz, version mise en ligne le 27 janvier 2021, dernière modification le 4 février 2022.

Par Jean-Michel Steiner, Mario Ferraz

Adrien - Alfred - Ferraz étudiant en 1927
Adrien - Alfred - Ferraz étudiant en 1927
Le Conseil municipal de Saint-Chamond (août 1944)
Le Conseil municipal de Saint-Chamond (août 1944)
Au centre Alfred Ferraz, avec l’écharpe tricolore
La Mairie d'Unieux (1963)
La Mairie d’Unieux (1963)
Photographie de Madeleine Steiner
1978-Exposition France-URSS
1978-Exposition France-URSS
Bourse du Travail de St-Étienne, salle Sacco-Vanzetti. Michelle Badiou entourée d’Alfred Ferraz (à gauche) et Lucien Neuwirth.

SOURCES : Archives de la famille conservées par Mario Ferraz – Arch. Dép. Loire : Recensements Saint-Martin-en-Coailleux, 6 M 598 (1911), 6 M 600 (1921). – Arch. Dép. Nièvre : 2 Mi EC 239, Naissances Guérigny, 1895-1902. – Arch. Dép. Rhône : 4 E 11989, 1904, naissances Oullins. – Arch. Mun. Saint-Chamond : Délibérations du conseil municipal : 1938 – 1944 (1 Dsc 23) ; 1944 – 1948 (1 Dsc 24) ; 1948 – 1954 (1 Dsc 25) ; 1954 – 1960 (1 Dsc 26) – 1 Ksc 8, élections municipales (1945 – 1964). – Le Patriote de Saint-Étienne, 14 mai 1945 - La Tribune, 27 avril 1953 ; 9 mars 1959 – Le Progrès, 6, 13 et mars 1965. – René Gentgen, La Résistance civile dans la Loire, Lyon, E. L. A. H., 1996. – Monique Luirard, La Région stéphanoise dans la guerre et dans la paix (1936-1951), Thèse, Saint-Étienne, 1980 – Jean-Michel Steiner, Le PCF dans la vie stéphanoise (1944-1958). Communisme et anticommunisme dans une grande ville ouvrière sous la IV° République, Université J. Monnet St-Étienne, Décembre 2005, 832 p. – Entretiens avec son fils Mario Ferraz (2 décembre 2020 & 8 février 2021).

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