Combovin (Drôme), 22 juin 1944

Par Robert Serre, Dominique Tantin

Le 22 juin 1944, une attaque allemande, aérienne et terrestre, soutenue par des miliciens français contre les maquisards retranchés dans cette commune du Vercors, provoqua la mort de 8 civils et de 8 résistants.

La commune de Combovin se situe à l’extrémité sud-ouest du massif du Vercors. Dès janvier 1943, Marcel Barbu, fondateur de l’usine et de la communauté Boimondau (Boitiers de Montres du Dauphiné) à Valence, qui sortait de la prison de Fort-Barraux, y acheta la ferme Mourras afin d’avoir un refuge en cas de nécessité. Il y créa un camp de réfractaires rapidement connu des occupants italiens et de la Milice, qui y firent deux perquisitions sans succès. Une école de formation des cadres de la Résistance y fut organisée. Fin octobre 1943, un maquis d’une quarantaine d’hommes s’installa sur la commune. Fin janvier 1944, Michel Prunet (« Michel ») en prit le commandement. L’accroissement des effectifs le conduisit à occuper les baraquements construits par la communauté Barbu. Le camp fut attaqué à plusieurs reprises, par les GMR le 1er mars 1944, le 6 mars par les Allemands.
Le 6 juin, De Lassus installa le PC FFI (Forces françaises de l’intérieur) à Combovin, à la ferme Belle où il retrouve Drouot.
Dans la nuit du 8 au 9 juin, commença véritablement l’épopée du Vercors, maquis mobilisateur du plan Montagne, épopée qui s’acheva en tragédie fin juillet. Les résistants du Vercors rétablirent la République sur cette portion de France provisoirement libérée. Les résistants espéraient alors une aide imminente et massive des Alliés en armes et en cadres.
L’administration civile de la Résistance s’installa chez le maire de la commune. Drouot ("L’Hermine") ne cessa de réclamer des armes, des tentes, de l’habillement et de l’argent à Alger, deux parachutages ratés ayant causé une perte presque totale.

Les Allemands continuèrent à harceler les résistants : le 12 juin, leur aviation détruisit la bergerie précédemment occupée par la compagnie Ladet.

Le 19, l’état-major départemental FFI renforcé de trois membres importants du CDL (Comité départemental de Libération), Follet, Planel et Marty, déménagea son PC à la ferme Clair Noir, au sud de la commune.

Le 22 juin, les Allemands lancèrent alors une attaque en force : à 7 h 30, six avions lâchèrent 80 bombes sur Combovin, tuant des civils, Modeste Didier, Émilie de Grenier de Latour, née Vieux, Germaine Lagriffe, Pascal Testa, ainsi qu’un jeune homme non identifié.
Des hommes de la compagnie Perrin tentèrent alors de porter secours à la population et d’aider à sortir les victimes des décombres. La compagnie Houtmann, en formation, fut anéantie, le lieutenant Jean Houtmann tué par une bombe. Les troupes allemandes, profitant du désarroi et de la faiblesse de l’armement des résistants, montent rapidement sur le plateau de Combovin. Ils s’emparèrent du commissaire régional des éclaireurs unionistes, André Mounier, 33 ans, receveur des PTT à Combovin, résistant, qu’ils abattirent devant le temple. Un cultivateur de Suze, Pierre Bonnet, 23 ans, et un agriculteur de Piégros-la-Clastre, Élie Planel, 21 ans, furent arrêtés et déportés à Neuengamme : le premier y mourra, le second décèdera pendant son rapatriement le 4 juillet 1945 dans un hôpital de Paris.
Une seconde colonne ennemie équipée d’une automitrailleuse et d’un petit canon descendit du plateau supérieur. Bien renseignés et accompagnés de miliciens français, les Allemands assaillirent la ferme Mottet. Émile Mottet, son épouse Louise et leur fille Marie-Louise furent abattus, ainsi que les maquisards Pierre Cereda et André Lyonnet.
Poursuivant leur assaut, les Allemands arrivèrent à la ferme des Grioles. Les radios qui y étaient installés furent tués en se défendant jusqu’à épuisement de leurs munitions comme l’indiquait le tas de douilles vides à leurs côtés : Guy Wunderer et Edward Nash, officiers des Forces Françaises Combattantes-Forces aériennes françaises libres, Claude Isacovici, 22 ans, d’origine roumaine, furent retrouvés criblés de balles. En cherchant un peu plus dans la ferme, on découvrit au fond de la citerne, Lucien Faure, 24 ans, agonisant, qui une fois remonté à l’aide de cordes de parachutes, rendit son dernier soupir. Les Allemands l’avaient martyrisé avant de le jeter dans le puits.
Les Allemands se rendirent enfin à la ferme Belle (ex-PC de l’état-major FFI) qu’ils incendièrent. Mais ils ne poussèrent pas jusqu’à la ferme Clair Noir, ce qui montre que leurs renseignements dataient de plus de trois jours.
Outre les deux fermes incendiées, on recensa de nombreux bâtiments détruits ou endommagés au village de Combovin. Le plateau fut réoccupé le soir par les résistants. Le commandement réitéra sa demande de bombardement de l’aérodrome de Chabeuil : "L’Hermine" à "Bayard"…Veuillez demander urgence bombardements terrains aviation de Valence où stationnent actuellement de 50 à 60 appareils allemands..
Le 21 juillet 1944, les Allemands déclenchèrent l’offensive générale contre le Vercors, l’opération Bettina, "la plus importante menée contre la Résistance en Europe de l’ouest" (Gilles Vergnon, op. cit., p. 767). Faute de soutien des Alliés, les résistants furent submergés et le maquis fut anéanti. Lorsque les Allemands se retirèrent en août, 326 maquisards et 130 civils avaient perdu la vie.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article236576, notice Combovin (Drôme), 22 juin 1944 par Robert Serre, Dominique Tantin, version mise en ligne le 15 janvier 2021, dernière modification le 9 novembre 2022.

Par Robert Serre, Dominique Tantin

SOURCES : ADD, 132 J 1, 1920 W. Poujol, Protestants dans la France en guerre. Pour l’Amour de la France. — A-J Mendel, Les Protestants français pendant la 2e Guerre mondiale, colloque. Livre-Mémorial des déportés de répression… — Martin, Thèse. — Ladet, Ils ont refusé de subir. — Pons, De la résistance à la Libération. — Duval, Les années noires. — Micoud, Nous étions cent cinquante maquisards. — La Picirella, Témoignage sur le Vercors. — Henri Faure, Étais-je un terroriste ?. — Témoignage de Roger Maisonny. Vincent-Beaume. — Monuments aux morts, plaques commémoratives et stèles Combovin, Vaunaveys, Valence, Bourg-lès-Valence, Montclar-sur-Gervanne, Poste Valence. — La Voix populaire de la Drôme, 23 août 1947. Le Crestois 17-11-45, Le Lien n° 34 du 15 mars 1946. Journal Officiel 1987. — Gilles Vergnon, Maquis du Vercors, in Dictionnaire historique de la Résistance, François Marcot (dir.), Paris, Robert Laffont, Bouquins, 2006, p. 766-768). — Fabrice Grenard, Les maquisards, Combattre dans la France occupée, Paris, Vendémiaire, 2019, pp. 469-475. — Le Musée de la Résistance en ligne, Fondation de la Résistance, Robert Serre, notice Le puits de la Ferme des Griolles à Combovin,

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