NICOLADZÉ Arnaud. Pseudonyme : Vlad

Par Jean-Paul Salles

Né le 3 août 1955 à Paris (XXe arr.), mort accidentellement le 15 septembre 2004 sur le pentes de l’Etna (Italie) ; éducateur de l’Éducation surveillée, devenue la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) ; militant du Syndicat national des personnels de l’éducation surveillée (SNPES-FEN) ; militant de la Ligue communiste puis de la LCR.

Arnaud Nicoladzé est l’aîné d’une famille de quatre enfants (il avait trois sœurs), sa mère Françoise était professeure de Lettres. Son père, Révaz David Nicoladzé (« Rézico »), d’origine géorgienne, était médecin-pédiatre.

Élève au lycée Henri-IV puis au lycée Montaigne à Paris, Arnaud Nicoladzé obtint le Bac (littéraire) en 1973. Inscrit à Censier (Paris 1) en études de Lettres, cela ne lui convint pas. Il préféra faire des petits boulots. Il s’était lancé dans le militantisme dès le lycée. Après un bref passage au PSU, dont ses parents étaient proches, avec d’autres militants de ce parti comme Jacques Kergoat, il rejoignit la Ligue communiste (LC) en 1972. La commémoration du centenaire de la Commune organisée par la Quatrième Internationale à Paris, les 15 et 16 mai 1971, avec la montée au cimetière du Père Lachaise le dimanche après-midi, l’avait marqué. Des milliers de militantes(e)s et de sympathisant(e)s s’étaient rassemblé(e)s, venu(e)s de toute la France et de toute l’Europe, malgré les embûches policières. Isabelle, qui allait devenir sa femme, connue dès le lycée, était déjà militante de la Ligue. Ils furent parmi les animateurs des mouvements lycéens, ainsi que de la grande lutte contre la loi Debré au printemps 1973, qui menaçait de remettre en question les sursis pour les étudiants.

Parallèlement, membre de la direction du Service d’Ordre (SO) de la Ligue, il était présent le 21 juin 1973, lors de l’attaque du meeting d’Ordre Nouveau (ON) à la Mutualité, qui valut à la Ligue sa dissolution le 27 juin 1973. Il voulait, comme Daniel Bensaïd et une majorité de militants, « dire non à temps » à la montée du racisme, de l’antisémitisme (in Rouge n° 211, 27 juin 1973, voir l’éditorial de Daniel Bensaïd, par lequel la direction de la Ligue justifie son action).

Militant internationaliste et anticolonialiste, il fut solidaire du combat du Front de Libération Nationale Kanak et Socialiste (FLNKS), participant à l’accueil et à la protection de son leader Jean-Marie Tjibaou lors de ses séjours en France. Lui et Isabelle nouèrent avec cet homme simple et chaleureux une réelle amitié.

En décembre 1975, il partit faire son service militaire dans le huitième régiment des hussards à Altkirch.
Son but, comme celui de tous ses camarades de la Ligue sous les drapeaux à cette époque était de développer des Comités de Soldats, de façon à ce que l’armée cesse d’être une zone de non droit pour les appelés et même les engagés. Ce passage à l’armée lui permit de rencontrer des fils de paysans et d’ouvriers et a nourri une connaissance plus juste, plus complexe de la jeunesse du pays. Cette expérience du militantisme à la caserne, action clandestine et travail propagandiste dans un milieu non intellectuel, fut pour lui très formatrice.

En 1977, Arnaud Nicoladzé passa avec succès le concours d’éducateur de l’Éducation surveillée, qui devint la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Confronté à cette jeunesse que certains disaient « délinquante » en tout cas « coupable », il pensait qu’il valait mieux « prévenir » que « punir ». Cette volonté d’aider ces jeunes en difficulté à retrouver une place dans la société avait été mise en avant dès le Front populaire, par Cécile Brunschvicg, sous-secrétaire d’Ėtat à l’Ėducation nationale du ministre Jean Zay. Elle fut reformulée dans le même sens par l’ordonnance de 1945 dont l’esprit est chevillé au corps des nombreux militants de la Ligue communiste éducateurs à la PJJ.
Il quitta Ménilmontant pour Bagnolet (Seine-Saint-Denis), où sur le terrain d’une ancienne usine, sur un espace conçu par des architectes de la Ligue communiste, il s’installa avec Isabelle, et ses enfants Laure (née 1986) et Marc (1988). Il savait réunir les uns et les autres, créer un espace de convivialité, dans cet immeuble original partagé avec d’autres militants.

Ce fut pour lui le début d’une importante activité syndicale. Rapidement reconnu, en 1988, il devint membre du bureau national du Syndicat national des personnels de l’éducation et du social (SNPES-FEN), puis permanent pendant plus de huit ans.

En 1995, avec sa femme Isabelle, professeur d’histoire-géographie, il quitta Paris pour s’installer à Grenoble, puis à Villard-de-Lans. Ils voulaient se rapprocher, pour des raisons personnelles et de santé, de la montagne, un milieu dans lequel Arnaud Nicoladzé s’épanouissait. Sur le plan professionnel, il rejoignit comme éducateur une équipe très solide dans un foyer à la Villeneuve de Grenoble, engagée dans un projet pédagogique novateur auquel il adhéra complètement, celui des appartements éducatifs, qui permettait de construire avec les jeunes placés au foyer les outils de leur autonomie. Grand sportif, il faisait du ski de randonnée, de l’escalade de glaciers et accompagnait des groupes de jeunes, tout en continuant à militer à la LCR à Grenoble.

À partir du 1er janvier 2003, Arnaud Nicoladzé se mit en disponibilité professionnelle car les réformes en cours ou annoncés de la PJJ minaient les bases de l’ordonnance de 1945 et sapaient le projet de la Villeneuve. Les éducateurs, craignait-il, allaient devoir être des « matons ».

Ayant décidé de changer d’orientation professionnelle, il entreprit une formation de charpentier. Parallèlement, il passa un diplôme de guide accompagnateur de moyenne montagne, ce qui lui permit d’encadrer des groupes, en France et à l’étranger.

Sur le Vercors, lui et Isabelle ne tardèrent pas à se constituer un réseau d’amis et de voisins avec qui ils partageaient les valeurs d’entraide et de solidarité auxquelles ils tenaient tant. Frappé par la foudre sur les pentes de l’Etna alors qu’il était en repérage pour l’accueil d’un groupe, Arnaud Nicoladzé mourut foudroyé le 15 septembre 2004.
Ses obsèques à Villard-de-Lans furent marquées par un hommage qui rassembla plusieurs centaines d’habitants et de nombreux militants venus de loin.

Tous ceux qui l’ont connu décrivent un ami chaleureux, souriant, toujours disponible pour une discussion ou un conseil. Il faisait partie de cette génération militante dont la vie a été transformée par Mai 68 et les mouvements de contestation des années 1970.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article236694, notice NICOLADZÉ Arnaud. Pseudonyme : Vlad par Jean-Paul Salles, version mise en ligne le 18 janvier 2021, dernière modification le 21 avril 2022.

Par Jean-Paul Salles

SOURCES : Christophe et Olive, « Les Nôtres : Arnaud Nicoladzé », Rouge n°2080, 30 septembre 2004, p.14. — Jean-Paul Salles, La Ligue communiste révolutionnaire (1968-1981). Instrument du Grand Soir ou lieu d’apprentissage ?, PUR, 2005, notamment sur le « Travail Armée » et les Comités de soldats, p.188-196, et sur l’anticolonialisme, p.76-78. — Madeleine Rebérioux, « Le Mur des Fédérés », in Pierre Nora (dir.), Les Lieux de Mémoire, Tome 1, La République, Gallimard, « Quarto », p.535-558. — Jean-Paul Salles (avec la collaboration de Jean-Guillaume Lanuque), « La Commémoration du Centenaire de la Commune », Dissidences, 1ère série, Mai 2001. — Témoignage de Claude et Annie Pennetier. — Témoignage et nombreuses informations apportées par Isabelle Nicoladzé.

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