Par Louis Botella et Marie-Louise Goergen
Né vers 1895 ; ancien combattant de la guerre 1914-1918 ; receveur aux billets ; membre du conseil fédéral de la Fédération CGT des cheminots avant la Seconde Guerre mondiale ; secrétaire de la Fédération CGT des cheminots (1944-1947) ; secrétaire général de la Fédération FO des cheminots (1947-1950).
Ancien combattant de la guerre 1914-1918, René Clerc entra aux chemins de fer en 1919. Il fut receveur aux billets à Paris-Saint-Lazare, puis receveur principal à Paris-Montparnasse. Il participa à plusieurs congrès confédéraux de la CGT, notamment en 1933, 1935 et 1936. Il fut élu membre du conseil fédéral, au titre de l’Union Ouest, lors du congrès de la Fédération CGT de 1938.
À la demande de Gérard Ouradou, alors un des responsables du mouvement de résistance Libération-Nord, René Clerc et d’autres responsables syndicaux s’engagèrent, par nécessité, dans les structures syndicales officielles mises en place chez les cheminots, comme dans d’autres secteurs, par le gouvernement de Vichy dans le cadre de la Charte du Travail. Les objectifs assignés furent de prendre le contrôle des syndicats officiels afin de « contrecarrer la mainmise des éléments vichystes et collaborateurs » sur ceux-ci et « d’organiser le sabotage des transports de l’armée allemande [...] » (M. Choury, p. 104-105). Faisant partie du bureau exécutif de la Fédération légale pendant toute la durée de la guerre, René Clerc annonça à la réunion de bureau du 31 janvier 1944 qu’il s’abstiendrait sur les candidatures de Roger Liaud, Lucien Cancouët et Georges Badinot à la direction fédérale. Il intervint au congrès de la Fédération CGT des chemins de fer, qui eut lieu les 3 et 4 février 1944 au Palais de la Mutualité à Paris.
En août 1944, il fut désigné secrétaire fédéral, au titre de l’ancienne tendance confédérée, dans l’attente de la tenue du congrès fédéral prévu pour l’année suivante. En août 1945, il fut élu secrétaire fédéral et réélu en juillet 1947.
Pour ce dernier congrès, il fut, avec Jean Bosmel, Jean-Baptiste Chaverot, Marcelle Méhudin et Gérard Ouradou, signataire de l’appel lancé par la minorité fédérale aux syndicats leur demandant de s’opposer au rapport d’activité présenté par la majorité. En vain.
Il refusa, avec Gérard Ouradou et d’autres militants, de suivre une partie de la minorité qui fonda, le 27 juillet de la même année, le Comité d’action syndicaliste (CAS). À de nombreuses reprises au cours de l’été, Gérard Ouradou et René Clerc appelèrent, dans l’hebdomadaire Force Ouvrière, les militants des groupes Force ouvrière à rester au sein de la CGT afin d’en assurer « le redressement de l’intérieur ». S’ils exprimèrent, dans Force Ouvrière du 19 juin 1947, un doute sur « l’opportunité du mouvement » en cours et critiquèrent le fait qu’il « se soit déclenché à une époque et dans des conditions telles qu’il a pris pour beaucoup l’aspect d’une grève politique » (cité par Robert Mencherini, op. cit., p. 135), ils n’étaient pas hostiles aux revendications des cheminots. Parti en voyage d’études en URSS entre le 10 novembre et le 15 décembre 1947, René Clerc fut absent pendant les grèves de novembre et décembre.
À son retour, il se résolut à la scission, car il signa avec Gérard Ouradou et Jean Bosmel un appel à la constitution d’une nouvelle organisation syndicale chez les cheminots, après la réunion, les 18 et 19 décembre à Paris, des groupes FO qui prirent la décision de quitter la CGT. Cet appel fut publié le 25 décembre dans l’hebdomadaire Force Ouvrière et le congrès constitutif de la Fédération confédérée FO eut lieu le 28 du même mois. Au cours de ces assises, il fut élu secrétaire général. Le lendemain, il démissionna officiellement de la CGT. Il participa, au nom de la Fédération FO des cheminots, aux activités du comité de coordination FO/FSC (Fédération syndicaliste des cheminots, ex-CAS), mis en place le 16 janvier 1948 sous la présidence de Léon Jouhaux* et chargé de définir les modalités de fusion de ces deux organisations.
Lors du congrès de création de la nouvelle fédération FO des cheminots, du 1er au 3 mars 1948 à Paris, il fut reconduit dans ses fonctions de secrétaire général. Selon le témoignage de Robert Degris, alors secrétaire fédéral et futur secrétaire général, « le choix de Clerc comme secrétaire général ne souleva aucun problème : à la fois le plus ancien et le plus gradé, il avait aussi cinquante-trois ans et allait donc assurer une certaine continuité nécessaire durant les deux courtes années avant sa retraite [...] » (témoignage de Robert Degris, cité par G. Ribeill, op. cit., p. 108).
Lors de la réunion du secrétariat fédéral, il fut désigné comme suppléant de Roger Bodeau au Conseil supérieur des transports (CST). Il participa, le mois suivant à Luxembourg, à la conférence de la Fédération internationale des Transports (ITF), fondé en 1896 à Londres. FO y fut officiellement admise au sein de cette Internationale professionnelle. René Clerc fut également à la conférence de l’ITF qui eut lieu à Oslo (Norvège) en 1949.
En mars 1950, il fut réélu secrétaire général de la fédération avec Fernand Laurent comme « coadjuteur ». Il partit en retraite en octobre de la même année et Fernand Laurent lui succéda comme prévu.
René Clerc participa en tant qu’invité à tous les congrès de sa fédération jusqu’en 1961. À partir de cette date, la presse fédérale ne parla plus de lui. Pour quelles raisons ? Décès ? Maladie ?
Par Louis Botella et Marie-Louise Goergen
SOURCES : Arch. Fédération CGT des cheminots. — Arch. Fédération CGT-FO des cheminots. — Le Cheminot de la Rive Gauche, septembre 1945. — Le Rail syndicaliste, 1948. — La Tribune des cheminots. — Force Ouvrière, 1er janvier 1948. — Comptes rendus des congrès confédéraux (1933, 1935, 1936) et fédéraux (1938, 1945, 1947) de la CGT. — Comptes rendus des congrès confédéraux CGT-FO, 1948 et 1950. — Maurice Choury, Les Cheminots dans la Bataille du Rail, Paris, Librairie académique Perrin, 1970, p. 105. — Georges Ribeill, « Autour des grèves de 1947, les scissions de l’après-guerre au sein de la Fédération CGT (CAS, FO, FAC, FgMC) », Revue d’histoire des chemins de fer, n° 3, Mouvement social et syndicalisme cheminot, automne 1990, p. 95-113. — Robert Mencherini, Guerre froide, grèves rouges, Paris, Éditions Syllepse, 1998, p. 135. — Notes Jean-Pierre Bonnet, de Noël Mazet, de Georges Ribeill et de Pierre Vincent.