Au mois de mars 1927, éclata au Japon une grande crise économique appelée « panique financière », bientôt suivie du retentissement de celle qui s’était déclenchée aux États-Unis et qui commença à envahir ce pays dès l’automne 1929. S’y ajouta la crise agricole japonaise qui acheva de plonger le capitalisme japonais dans une situation critique. Cependant, ne se bornant pas à lancer une politique de « rationalisation de l’industrie » qui mobilisait le pouvoir d’État et à faire porter le poids des sacrifices sur la population laborieuse et la classe ouvrière, le capital monopolistique accéléra le processus de concentration des capitaux et utilisa la crise pour renforcer sa domination politico-économique et accroître sa puissance.
Les paysans-cultivateurs, qui avaient atteint un degré d’extrême misère, se soulevèrent de nouveau et des émeutes paysannes (« conflits de kosaku ») éclatèrent dans tout le pays. Le mouvement paysan, qui s’était divisé sous l’effet de la répression, se renforça en mai 1928 grâce à la fusion du Syndicat des paysans japonais (Nihon nōmin kumiai) et du Syndicat pan-japonais des paysans (Zen nihon nōmin kumiai) qui s’était formé lors d’une scission en mars 1927 ; cette fusion donna naissance au Syndicat national des paysans (Zenkoku nōmin kumiai). La classe ouvrière, de son côté, menait des luttes violentes contre les licenciements, les baisses de salaire et la « rationalisation » qui engendrait un renforcement du rythme de travail. Lorsque la dépression économique atteignit son paroxysme, en 1931, on estima à 2 500 000 le nombre des chômeurs et, pour la même année, les statistiques enregistrèrent 2 456 grèves, ce qui constitue le chiffre le plus élevé de l’avant-guerre.
Les classes dominantes, désireuses d’échapper aux contradictions intérieures au pays, pratiquèrent une politique d’agression ; c’est ainsi que des soldats japonais commencèrent à être envoyés dans la péninsule du Shandong, dès le mois de mai 1927, pour faire obstacle à la progression de la révolution chinoise.
C’est alors que fut constitué autour du Conseil des syndicats ouvriers japonais (Hyōgikai) un front unifié pour lutter contre toute intervention dans la révolution chinoise, la Fédération pour la non-ingérence dans les affaires chinoises (Taishi hikanshō dōmei) qui regroupait partis prolétariens, syndicats ouvriers, paysans, étudiants et intellectuels. Cette organisation se développa par la suite pour former en novembre 1929 la Fédération contre la guerre et l’impérialisme (Hansen dōmei hantei dōmei), branche japonaise de la Ligue antiimpérialiste, pour le soutien de l’indépendance des peuples (Han teikokushugi minzoku dokuritsu shiji dōmei). Devenue membre d’un mouvement international de lutte contre la guerre et de sauvegarde de la paix, la Fédération japonaise s’opposa énergiquement aux agressions de l’impérialisme japonais et constitua la matrice des mouvements pacifistes de l’après-guerre.
Le Parti communiste japonais, de son côté, ayant adopté en juillet 1927 les « résolutions concernant le Japon » (connues sous le nom de « Thèses de 27 ») mises au point par le Comintern, s’engagea dans la voie de l’organisation et de l’action de masse et commença en février 1928 à publier illégalement son organe central Sekki (Drapeau ronge).
Lors de la constitution du P.C.J., son principal théoricien était YAMAKAWA Hitoshi ; après la reconstruction de 1926, l’influence de FUKUMOTO Kazuo devint prépondérante. Cependant, les « Thèses de 27 » dénoncèrent tout autant l’opportunisme de droite du premier que le sectarisme de gauche du second. En réaction contre cette critique, YAMAKAWA et son groupe lancèrent, eu décembre 1927, une nouvelle publication Rōnō (Ouvriers-paysans) et décidèrent de former l’École marxiste Rōnō (Rōnō ha) en opposition avec le Parti communiste japonais.
Lorsqu’en février 1928 eurent lieu les premières élections générales au suffrage universel, 8 candidats des partis prolétariens furent élus. Immédiatement après, le 15 mars, les autorités mobilisèrent toutes les forces de police du pays pour procéder à des arrestations massives : plus de 1 600 personnes furent appréhendées, tant membres du P.C.J. que militants ouvriers ou paysans ; de plus, le Parti des ouvriers et des paysans (Rōnōtō ou Rōdō nōmin tō), le Conseil des syndicats ouvriers japonais (Hyōgikai ou Nihon rōdō kumiai hyōgikai) et la Fédération pan-japonaise des jeunesses prolétariennes (Zen nihon musan seinen dōmei) ; c’est-à-dire les trois piliers du mouvement prolétarien, se virent frappés d’interdiction.
La nouvelle vague de répression du 16 avril 1929, qui conduisit à l’arrestation de plusieurs centaines de personnes dans tout le pays, porta un nouveau grand coup dans les rangs du Parti communiste. L’Association de secours aux victimes des mouvements de libération (Kaihō undō giseisha kyūen kai), fondée en avril 1928, ne se contentant pas d’apporter son soutien aux victimes de l’« Affaire du 15 mars » et de l’« Affaire du 16 avril » devant les tribunaux, s’engagea également dans l’assistance aux militants des mouvements de libération et de leurs familles frappés par la répression ; l’Association s’affilia par la suite, en août 1930, au Secours rouge international (Kokusai seki shoku kyūen kai ou M.O.P.R.) et, devenue l’Association de secours national (Kokumin kyūen kai), elle continue actuellement son action sur une grande échelle.
Après de nombreuses tentatives de reconstitution du Parti des ouvriers et des paysans (Rōdō nōmintō ou Rōnō tō) qui avait été dissous à la suite de l’« Affaire du 15 mars » 1928, OYAMA Ikuo et d’autres réussirent à constituer en novembre 1929 le (Nouveau) Parti ouvriers-paysans (Shin rōnō tō) qui ne put cependant jamais devenir un parti de classe militant.
Enfin, en ce qui concerne le mouvement syndical, l’Association nationale des syndicats ouvriers japonais (Nihon rōdō kumiai zenkoku kyōgikai ou Zenkyō) se constitua à la place du Conseil des syndicats ouvriers japonais (Hyōgikai) contraint de se dissoudre, comme syndicat ouvrier de gauche. La Zenkyō, s’étant affiliée au Profintern (Internationale des syndicats ouvriers rouges), fut, sous la direction du Parti communiste, très active dans des luttes contre les licenciements par exemple, mais, soumise à une répression ininterrompue, elle finit par disparaître dans le courant de l’année 1934.