Dans le cadre du système instauré par le traités de San Francisco

Si la guerre de Corée se termina par la mise en échec de la politique d’agression des États-Unis, elle n’en fut pas moins providentielle pour le capitalisme monopolistique japonais. Grâce aux très importantes com­mandes d’armement passées par l’Amérique au Japon, la production industrielle et minière du pays réussit à dépasser en 1951 son niveau d’avant-guerre. Le développement des industries lourde et chimique fut particulièrement spectaculaire et entraîna d’immenses bénéfices pour les grandes sociétés. Quant à la classe ouvrière, elle ne récolta une fois de plus de la guerre qu’une baisse des salaires réels et un renforcement du rythme de travail. Pendant le premier semestre qui suivit le déclenchement des hostilités, le volume des heures supplémentaires augmenta de 30 % tandis que les accidents du travail croissaient de 50 %.
L’année 1951 fut le théâtre des vives oppositions politiques qui divisèrent la population japonaise à propos de l’élaboration du traité de paix avec le Japon. Les États-Unis et la classe dominante japonaise s’étaient ralliés aux principes d’une alliance militaire nippo-américaine et d’un « Traité particulier » (Traité partiel). Une forte proportion de la classe ouvrière s’y opposait, réclamant l’élaboration d’un « Traité universel » et la fin du réarmement. Le Conseil général des syndicats (Sōhyō) lui-même, surnommé pourtant le « porte-parole des forces d’occupation » ne fut pas épargné par ces dissensions à propos du Traité de paix, qui entraînèrent de profonds bouleversements jusqu’au sein même de son organisation. C’est ainsi que son IIe Congrès réuni en mars 1951, passant outre à l’opposition de l’aile droite et aux pressions des forces d’occupation, adopta la résolution connue sous le nom des « Quatre principes de paix », à savoir : opposition au réarmement, maintien de la neutralité, non-fourniture de bases militaires et réalisation d’un traité de paix universel. C’est au cours de ce congrès que fut rejetée la proposition d’adhésion à la Confédération des syndicats libres (I.C.F.T.U.).
Cependant, ces mouvements ne réussirent pas à empêcher la signature du. Traité de paix avec le Japon et celle du Traité de sécurité nippo-­américain qui eurent lieu à San Francisco en septembre 1951. Un des résultats immédiats de ce que l’on a appelé le « système des Traités de San Francisco » fut l’éclatement du Parti socialiste en deux partis, l’aile droite et l’aile gauche. Les deux Traités de San Francisco entrèrent en vigueur le 28 avril 1952 : en échange de l’« indépendance du Japon », les États-Unis contrôlaient Okinawa et disposaient de bases militaires disséminées sur tout le territoire japonais ; il s’agissait en fait de main­ tenir la dépendance du Japon par une semi-occupation ne tolérant l’autonomie ni dans le domaine militaire ni dans l’économie ou la politique. C’est alors que, selon les desseins de la classe dominante japonaise, désireuse de renforcer sa sécurité, furent réprimées de nombreuses « affaires » : fusillade, attentats, complots dont beaucoup apparurent comme montés de toutes pièces.
C’est ainsi qu’en janvier 1952 eut lieu la fusillade connue sous le nom d’Affaire de Shiratori : le prétendu responsable de cet échange de coups de feu avec les forces de police de Sapporo en Hokkaidō fut condamné à vingt ans de travaux forcés et emprisonné ; il s’agissait d’un membre du Parti communiste japonais, MURAKAMI Kuniharu. Ce jugement déclencha une vague de mouvements populaires réclamant la révision du procès. Ce fut ensuite le Premier mai sanglant : on désigne sous ce nom le grave affrontement consécutif à l’attaque des forces de police contre les participants ouvriers et étudiants de la fête du Travail, réunis en 1952 sur la place du Palais impérial. Deux des manifestants furent tués par balle, un grand nombre furent blessés, 1 200 personnes arrêtées. Le procès des 261 prévenus, inculpés du crime de sédition, a duré plus de vingt ans et s’est terminé par l’acquittement des accusés. Enfin, au mois de juin, lors de l’attentat à la bombe contre le poste de police du village de Sugo dans l’île de Kyūshū, deux militants communistes furent arrêtés. Or, au cours de l’instruction, le véritable coupable fut démasqué : il s’agissait d’un policier en exercice (Affaire de Sugo). Les uns après les autres, se succédèrent des incidents pour le moins étranges, qui mettaient toujours en cause ouvriers, paysans, étudiants ou Coréens résidant au Japon. Si certaines de ces « affaires » montées par les autorités dans un dessein de provocation ont été éclaircies et se sont soldées par des acquittements, un grand nombre de ces fausses accusations sont encore de nos jours en cours d’instruction on de jugement. A l’époque, elles servirent de prétexte au Pouvoir pour faire passer la loi visant à la prévention des activités subversives. Les opposants à cette loi s’unirent au printemps 1952 à ceux qui luttaient contre la détérioration des règlements du travail, à commencer par la Loi concernant les syndicats ouvriers : cette lutte commune qui se déroula en plusieurs vagues de grèves générales à objectif politique, mobilisa en tout plus de 10 000 000 d’ouvriers auxquels s’étaient joints intellectuels et étudiants. Sous la pression populaire, un certain nombre d’amendements furent apportés à la loi qui finit cependant par être votée par la Diète, permettant la constitution de l’Agence chargée des enquêtes sur la sécurité publique et la poursuite des activités d’infiltration au sein du mouvement ouvrier et de tous les mouvements démocratiques.
Le mouvement ouvrier avait entre-temps retrouvé sa combativité : des grèves de grande envergure se succédèrent dans les houillères et dans l’industrie de production d’électricité. Mais lorsque le Conseil général des syndicats (Sōhyō) s’orienta résolument vers une action combative, certains syndicats comme celui des marins ou de l’industrie textile, contrôlés par des militants de droite, le quittèrent pour former, en avril 1954, le Congrès pan-japonais des syndicats ouvriers ou Zenrōkaigi (Zen nihon rōdōkumiai kaigi) qui devait adhérer en bloc à la Confédération internationale des syndicats libres (I.F.C.T.U.). Cette centrale syndicale évolua par la suite pour former, en novembre 1964, la Fédération générale pan-japonaise du travail ou Dōmei (Zen nihon rōdōkumiai sōdōmei).
En face de ce courant de droite, la base manifesta sa combativité dans les vastes grèves contre les licenciements et pour la protection des droits des ouvriers qui eurent lieu dans les grandes entreprises de l’industrie automobile, des mines de charbon, de minerais et du textile.
En automne 1953, 18 délégués japonais prirent part au IIIe Congrès mondial de la Fédération mondiale des syndicats (W.F.T.U. ou Sekai rōren) qui se tint à Vienne : dès leur retour au Japon, ils mirent à profit cette expérience d’action unifiée. Et c’est ainsi que débutèrent les grèves des ouvriers travaillant dans les bases militaires américaines ; les plus célèbres furent celles de Uchinada dans le département d’Ichikawa (1953) et de Sunagawa près de Tōkyō (1955-1956) ; ces mouvements d’opposition aux bases militaires servant soit aux États-Unis, soit aux forces d’auto-défense japonaises prirent une grande ampleur et furent à l’origine d’une action unie de la classe ouvrière avec les paysans et les pêcheurs.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article236711, notice Dans le cadre du système instauré par le traités de San Francisco, version mise en ligne le 29 juillet 2022, dernière modification le 13 juillet 2022.
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