Par Marianne Enckell
Né le 14 juillet 1930 à Courbevoie (Seine), mort le 15 janvier 2021 à Genève. Historien, militant communiste puis sans parti. Collaborateur du Maitron.
Fils de pasteur, Marc Vuilleumier ne suivit pas la voie paternelle. Après des études de lettres à l’Université de Genève, il ne put accéder à un poste d’enseignement en raison de son engagement politique. Après avoir entendu une conférence d’Albert Soboul, il était en effet entré au Parti du Travail (le Parti communiste suisse), avait participé au congrès de l’Union internationale des étudiants à Prague en août 1950 et écrit pour des publications militantes.
Il obtint enfin un poste au collège de Genève (lycée) puis, en 1961, une bourse du Fonds national suisse de la recherche scientifique qui lui permit de poursuivre ses recherches, notamment sur la Première Internationale et les proscrits de la Commune en Suisse. Il devint ensuite assistant à la faculté des Lettres de l’Université de Genève puis chargé d’enseignement (1979-1995) à la faculté des Sciences économiques et sociales.
C’est tout naturellement qu’il fut sollicité par Jean Maitron pour participer à la première période du Dictionnaire, au début des années 1960. Les notices n’étaient pas signées, mais il en a sans doute rédigé une bonne centaine. Il a bien entendu contribué aux grands colloques sur la Première Internationale en 1964, sur la Commune de Paris en 1971, et à bon nombre d’autres. « Marc Vuilleumier, toujours aussi affable et modeste, continue de courir goulûment de colloque en conférence et de produire avec une régularité impressionnante des textes de qualité », écrivait Michel Cordillot en 2013 dans le compte rendu de son dernier recueil, Histoire et combats. Mouvement ouvrier et socialisme en Suisse, 1864-1960.
Celui-ci comprend une sélection de 22 articles ; la bibliographie de Marc Vuilleumier en compte quelque deux cents, parus de 1956 à 2019, qui portent sur l’histoire politique et sociale des XIXe et XXe s., le mouvement ouvrier et socialiste, les réfugiés et immigrés en Suisse, contribuant à une connaissance du passé intégrant l’expérience des milieux ouvriers et de leurs combats. Il publia aussi beaucoup dans des revues italiennes, avant que le monde universitaire suisse s’ouvre enfin à l’étude du mouvement ouvrier et à ses composantes internationales. Articles minutieux, sources nombreuses, et titres toujours modestes : « Notes pour servir à... », « Quelques documents sur... » Ses recherches et ses exigences étaient sans fin, ce qui peut expliquer qu’il n’a jamais terminé les grands livres qu’il prévoyait. Il en a laissé plusieurs en chantier, notamment une biographie de James Guillaume.
Sa modestie touchait aussi sa personne ; ce n’est que dans le recueil de 2012 qu’il a parlé de lui-même et des difficultés rencontrées au cours de ses recherches. Pour conclure ainsi : « [Me] voilà passé moi-même au rang de chroniqueur et de mémorialiste de mon propre passé. Ce qui est encore une manière de faire de l’histoire. Elle est peut-être d’autant plus nécessaire qu’en cette deuxième décennie du vingt et unième siècle, la seconde moitié du siècle précédent s’estompe dans les mémoires. »
Les archives de Marc Vuilleumier sont conservées au Collège du travail à Genève et seront inventoriées au courant de 2022.
Par Marianne Enckell
ŒUVRE : La plupart des articles et publications de Marc Vuilleumier sont répertoriés dans le volume Pour une histoire des gens sans histoire, Lausanne, Éditions d’en bas, 1995, et dans le recueil Histoire et combats. Mouvement ouvrier et socialisme en Suisse, 1864-1960, Lausanne et Genève, Éditions d’en bas et Collège du Travail, 2012. — La Suisse et l Commune de Paris, 1870-1871, Lausanne, Éditions d’en bas, 2022.
SOURCES : Pour une histoire des gens sans histoire : ouvriers, excluEs et rebelles en Suisse, 19e-20e siècle : mélanges offerts à Marc Vuilleumier à l’occasion de son 65e anniversaire ; sous la dir. de Jean Batou, Mauro Cerutti et Charles Heimberg, Lausanne, Éditions d’en bas, 1995. — Marc Vuilleumier, « Introduction générale », Histoire et combats, Lausanne et Genève, Éditions d’en bas et Collège du Travail, 2012. — Charles Heimberg, « Marc Vuilleumier », Dictionnaire historique de la Suisse, en ligne — Michel Cordillot, « Marc Vuilleumier, Histoire et combats. Mouvement ouvrier et socialisme en Suisse, 1864-1960 », Revue d’histoire du XIXe siècle, 47 | 2013, 220-221. — Marianne Enckell, compte rendu d’Histoire et combats, Le Mouvement social 246, 2014/1. — Fonds Marc Vuilleumier, Genève, Archives contestataires. — « Notre ami Marc Vuilleumier n’est plus », communiqué de l’Association pour l’étude de l’histoire du mouvement ouvrier, du Collège du travail et des Éditions d’en bas, Lausanne et Genève, 19 janvier 2021.