ABE Isoo

Né le 21 mars 1866 à Fukuoka, mort le 10 février 1949 ; professeur à l’Université Waseda ; socialiste chrétien, pionnier du socialisme japonais.

ABE Isoo, deuxième fils d’OKAMOTO Gonnojō, samurai du clan KURODA, naquit à Shindaiku-machi, ville de Fukuoka, dans le département du même nom. Il se fit adopter officiellement en 1885, afin d’échapper à la conscription, et prit le nom d’ABE Isoo. En 1879, trois mois après être sorti diplômé de l’école primaire dépendant de l’École normale, ABE Isoo entama des études simultanées dans un collège privé de lettres chinoises, et à l’Université Dōshisha ; la société directrice de cette université était une société chrétienne. Il fut baptisé en 1881 par NISHIMA Jō. ABE Isoo s’intéressait beaucoup à l’économie, qu’il avait étudiée à travers les œuvres de D. W. Learned. A l’occasion de la cérémonie de fin d’études, il prononça un discours sur le thème « religion et économie ». Diplômé, il revint à Fukuoka, sa ville natale, où il exerça les fonctions de professeur d’anglais. D’avril 1887 à juillet 1891, ABE Isoo fut pasteur à Okayama.. Puis, en septembre 1891, il se rendit en Occident afin d’effectuer des recherches sur la valeur historique de la Bible, ainsi que sur les problèmes sociaux. Il étudia pendant trois ans à l’école de théologie de Hartford, aux États—Unis, puis pendant cinq ans à l’Université de Berlin. Il avait lu, au cours de l’été de 1893, Looking Backward (Regards en arrière) de E. Bellamy, et acquis par cette lecture la conviction que le socialisme constituait l’unique solution au problème de la pauvreté. Dans son discours de sortie de Hartford intitulé « l’économie vue par les chrétiens » ABE Isoo affirmait que la fraternité humaine et chrétienne devait être posée en principe de base de l’organisation économique. En juillet 1895, il se rendit à Glasgow afin d’y étudier le socialisme en milieu urbain. C’est en socialiste chrétien convaincu qu’il revint au Japon la même année.
ABE Isoo enseigna alors quelque temps à l’Université Dōshisha son alma mater, mais il dût démissionner à la suite d’une controverse portant sur des questions d’ordre religieux. il donna des cours à l’école secondaire de Waseda, puis il devint, en 1903, professeur au Collège de Tōkyō (la future Université Waseda), poste qu’il conservera jusqu’au moment de son succès aux élections de 1928.
C’est en tant que théoricien socialiste que, en avril 1896, ABE Isoo publia dans Rikugo zasshi (La Revue de l’univers), un article intitulé « les Problèmes auxquels se heurte le socialisme ». Il y démontrait l’efficacité d’un socialisme fondé sur la nationalisation de la production, pour parvenir au communisme. Dans le numéro d’avril de la même revue, il mit en évidence le clivage existant entre le socialisme et les mesures sociales effectives. La lecture de ces articles révèle que, dès cette époque, ABE Isoo connaissait bien le socialisme. En 1898, il organisa, avec MATSUI Tomoshi et KATAYAMA Sen, le Groupe de recherches sur le socialisme (Shakaishugi kenkyū kai), et se consacra à l’éducation politique, étudiant et présentant la pensée d’auteurs socialistes tels que Saint-­Simon, Fourier, Marx, Engels et Lassalle. En 1900, le groupe de recherches précité fut réorganisé en Association socialiste (Shakaishugi kyōkai) dont ABE Isoo devint le président. En mai 1901, il fonda avec cinq autres personnes, dont KATAYAMA Sen et KŌTOKU Shūsui, le Parti social-démocrate (Shakai minshu tō), le premier parti d’obédience socialiste au Japon. Les six hommes rédigèrent pour leur parti un manifeste s’articulant sur trois principes : socialisme, démocratie et pacifisme. Le Parti social-démocrate fut immédiatement frappé d’interdiction. L’Association socialiste fut reconstituée, et ABE Isoo reprit ses activités d’éducation et de propagande. Juste avant la guerre russo—japonaise, au cours d’une conférence organisée par l’Association socialiste sur le thème « théorie de l’intérêt et socialisme », ABE Isoo exprima un point de vue radicalement pacifiste. Pendant la durée de la guerre, cependant, il ne prit plus officiellement position contre le militarisme. Après la guerre, il lança avec KINOSHITA Naoe et ISHIKAWA Sanshirō la revue socialiste chrétienne Shin kigen (Ere nonvelle). Il y publia, entre autres articles, « Essai sur les entreprises monopolistiques » et « Essai sur les trusts », mais sans exprimer de critiques sur la nation et le régime impériaux comme le fit KINOSHITA Naoe. A partir de 1905, ABE Isoo publia dans le Shakai shimbun (Le Journal social) une traduction du Capital, dont il dut interrompre la publication par suite de l’Affaire du complot de lèse-majesté. Au cours de « l’ère d’hiver » (c.-à-d. la période où, par suite des répressions, le mouvement socialiste dut se tenir en sommeil), il fut conseiller de la Société fraternelle (Yūai kai) ; mais il garda une certaine distance par rapport à l’action socialiste proprement dite, se consacrant à son enseignement à l’Université Waseda.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le mouvement ouvrier reprit vie. La constitution d’un parti prolétarien fut à l’ordre du jour. ABE Isoo défendit la conception d’un parti prolétarien de collaboration entre les ouvriers et le patronat. Créant avec ISHIKAWA Sanshirō et SHIMANAKA Yūzō l’Institut fabien, il entreprit une campagne de propagande en faveur d’un système socialiste reposant sur le parlementarisme et le réformisme légal. Le Parti des paysans et des ouvriers (Nōmin rōdō tō) ayant été interdit en décembre 1925, ABE Isoo fonda avec YOSHINO Sakuzō et KAGAWA Toyohiko l’Association indépendante des travailleurs (Dokuritsu rōdō kyōkai). Le but de cette association était l’édification d’un parti prolétarien « de droite », articulé sur la Fédération générale japonaise du travail (Sōdōmei).·En mars 1926, ABE Isoo apporta son soutien an Parti des ouvriers et des paysans (Rōnō tō ou Rōdō nōmin tō), créé sous la direction de l’aile droite de la Sōdōmei. Il en devint le conseiller. Cependant, la tendance de gauche se renforça progressivement au sein du parti, et la tendance Sōdōmei dut s’effacer. ABE Isoo se fit alors avec YOSHINO Sakuzō et HORIE Kiichi l’apōtre d’un nouveau parti : en décembre, le Parti socialiste du Peuple (Shakai minshū tō) fut édifié avec, pour base, la Fédération générale du travail (Sōdōmei). ABE Isoo devint président du comité exécutif. Lors des élections de lévrier 1928 (les premières élections au suffrage universel), il se présenta dans le deuxième arrondissement de Tōkyō, et fut élu. A l’exception d’un seul échec en 1930, il sera réélu sans interruption jusqu’en 1940. Face à la montée du socialisme national prôné par AKAMATSU Katsumaro au lendemain de l’Incident de Mandchourie qui avait éclaté en 1931, ABE Isoo demeura fidèle à la social-démocratie. Pour répondre au glissement généralisé des cadres paysans vers le socialisme national, il fonda la Fédération japonaise des syndicats paysans (Nihon nōmin kumiai dōmei), dont il devint le conseiller. ABE Isoo assuma en outre la présidence du comité exécutif du Parti socialiste populaire (Shakai taishū tō), fondé en juillet 1932. Il suivit ce parti dans son évolution vers la collaboration avec le régime militaire. En février 1940, cependant, il s’opposa à la tendance majoritaire de la Chambre des représentants qui, avec ASŌ Hisashi, réclamait l’exclusion du député SAITŌ Takao, lequel s’était rendu coupable aux yeux de son parti d’avoir fait une proclamation antimilitariste. Quand la motion d’exclusion fut proposée, le jour même, ABE Isoo démissionna ; il fut lui-même exclu de son parti. Il annonça alors la création d’un Parti national des ouvriers (Rōdō kokumin tō), mais l’autorisation lui en fut refusée. Après la Deuxième Guerre mondiale, ABE Isoo devint conseiller du Parti socialiste (Shakai tō). Il consacra tous ses efforts à l’interdiction de la prostitution et au mouvement de limitation des naissances.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article236981, notice ABE Isoo, version mise en ligne le 29 juillet 2022, dernière modification le 6 août 2022.

ŒUVRE : Shakai mondai kaishaku hō (Comment interpréter les problèmes sociaux), 1901 .Shakaishugi shōshi (Brève histoire du socialisme), 1908. — Shakaishugi no jidai (L’Epoque du socialisme), 1924. — Shakai minshū. tō kōryō (Eclaircissements d’ensemble sur le Parti socialiste du peuple), 1927. — Tsugi no jidai (L’Epoque sui­ vante), 1930. — Shakaishugisha to naru made (Comment je suis devenu socialiste), 1932. — etc.

SOURCES : KATAYAMA Sen, ABE Isoo den (Biographie d’ABE Isoo), 1958. — ABE Isoo, sono chasaku to seiga (ABE Isoo, sa vie et son œuvre), publié par l’Université Waseda, 1964. — NAKAMURA Katsunori, Meiji shakaishugi kenkyū (Recherches sur le socialisme de la période Meiji), 1966.

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