FUKUMOTO Kazuo (pseudonyme : HOJŌ Kazuo)

Né le 4 juillet 1894 dans le département de Tottori. Théoricien communiste, il élabora la doctrine du « fukumoto-isme » critiquée dans les Thèses de 27 du P.C.J.

Deuxième fils d’un petit propriétaire terrien (jinushi), FUKUMOTO Kazuo naquit dans le village de Shimohōjō, district de Hara-haku, département de Tottori. Après des études à l’école secondaires de Kurayoshi, il fut admis à l’Ecole supérieure Dai-ichi de Tōkyō puis à la Faculté de droit de l’Université de Tōkyō, section de sciences politiques. Après l’obtention de son diplôme en 1920, il alla enseigner pendant une année à l’École supérieure de Matsue qui venait d’être inaugurée. Mais à partir du mois de mars de l’année suivante, bénéficiant du statut de chercheur détaché du ministère de l’Éducation, il se rendit à l’étranger où, au cours des deux années et demie que dura son absence, il séjourna aux États-­Unis, en Grande-Bretagne, en Allemagne et en France, et se consacra à des recherches sur le marxisme. Avant de reprendre la route du Japon, il s’enferma dans sa pension du Quartier Latin à Paris pour y achever la rédaction de ses ouvrages qui parurent ultérieurement : Shakai no kōsei narabini henkaku no katei (Processus de formation et de trans­ formation de la société), Keizaigaku hihan no hōhōron, (Méthodologie de la critique de l’économie politique) et Tō sōshiki ron (Traité d’organisation d’un parti). De retour au Japon en 1924, il devint, dès le mois de janvier de l’année suivante, enseignant à l’Ecole supérieure de commerce de Yamaguchi.
Son premier article publié en décembre 1924 dans la revue Marukusushugi (Marxisme), « Keizaigaku bihan ni okeru Shihon ron no han’i wo ronzu » (La Portée du Capital de Marx dans la critique de l’économie politique), lui fit faire une entrée remarquée dans le monde de la critique marxiste ; abordant de plain-pied le domaine de la méthodologie des sciences économiques, il émettait, en effet, des opinions contredisant celles des maîtres de l’époque, KAWAKAMI Hajime, FUKUDA Tokuzō et KUSHIDA Tamizō. Il persévéra dans cette ligne et publia dans la même revue, tantôt sous son vrai nom, tantôt sous le pseudonyme de HOJŌ Kazuo, plusieurs articles qui confirmèrent sa position de polémiste de premier plan de la gauche.
Sa contribution suivante fut une sorte de traité d’organisation, composé à partir de la controverse entre Lénine et Rosa Luxemburg, « Oshū ni okeru musan kaikyū seitō sōshiki mondai no rekishiteki chii " (Position historique du problème de l’organisation des partis de la classe prolétarienne en Europe). Mais c’est surtout par la publication dans le numéro d’octobre 1925 de Marukusushugi (Marxisme) de son célèbre réquisitoire « Hōkō tenkan wa ikanaru shokatei wo toru ka, ware ware wa ima ikanaru katei wo katei shitsutu aruka — musansha ketsugō ni kansuru marukusu teki genri » (Quel est le processus du Changement d’orientation et vers quel processus allons-nous nous tourner nous-mêmes ? Principes marxistes de rassemblement des prolétaires) que FUKUMOTO Kazuo s’engagea nettement dans la voie de ce que l’on appellera bientôt le « fukumoto-isme » ; dans cet article, dont le titre fort long et compliqué est représentatif du style très recherché de sou auteur, il aborde le sujet politique le plus brûlant pour le mouvement prolétarien de cette époque : critiquant la tendance selon laquelle la première tâche était la constitution d’un parti prolétarien unique, FUKUMOTO Kazuo insistait sur la nécessité première d’isoler les éléments doués d’une authentique conscience marxiste et de les cristalliser avant de procéder à un rassemblement ; il s’agit de sa théorie dite de la « dissociation précédant l’union » (ketsugō no mae no bunri) ; il fallait, dans cette perspective, instaurer au sein de la classe prolétarienne un climat de controverse théorique systématique permettant d’isoler ses éléments non marxistes. Il développa son argumentation dans une série d’articles mettant en cause la « doctrine des partis prolétariens » défendue par KŌNO Mitsu, AKAMATSU Katsumaro et TAKAHASHI Kamekichi, qu’il taxait de « corporatisme » et d’« économisme ». Enfin c’est à YAMAKAWA Hitoshi, considéré alors comme le dirigeant et théoricien le plus éminent du marxisme japonais, que FUKUMOTO Kazuo s’attaqua à partir de 1926 ; la doctrine du « parti du front commun » n’était, selon lui, que de l’éclectisme, témoignant d’un manque de compréhension de la dynamique du rapport dialectique existant entre la lutte sur le front politique et la lutte sur le front économique.
En avril 1926, démissionnant de son poste à l’École supérieure de commerce de Yamaguchi, FUKUMOTO Kazuo s’installa à Tōkyō, où il adhéra au Groupe communiste qui réunissait les militants pendant la période de dissolution du Parti et devint rédacteur en chef-adjoint de Marukusushugi (Marxisme) ; il lança par ailleurs, en mai, sa propre publication Marukusushugi no hala no moto ni (Sous le drapeau du marxisme), tout en poursuivant sa « lutte théorique » concernant le mouvement prolétarien. Tandis que la campagne pour la constitution d’un parti prolétarien, qui faisait de l’unité son thème prioritaire, piétinait et commençait à battre en retraite sous les attaques de la droite, - ce recul était illustré par les difficultés auxquelles se heurtait la Fédération générale du travail (Sōdōmei) fidèle à la doctrine de YAMAKAWA, les idées de FUKUMOTO gagnaient peu à peu en influence au sein de la gauche, qui trouvait en elles l’instrument de contre-attaque dont elle avait un besoin impérieux et la position de FUKUMOTO Kazuo se trouva bientôt confirmée à la tête du mouvement théorique de gauche. Lors du Congrès de reconstitution du Parti communiste japonais (3e congrès) qui eut lieu en décembre 1926, FUKUMOTO Kazuo fut chargé de la rédaction de la proclamation qui s’articulait sur les quatre points suivants : développement de la bourgeoisie japonaise, développement du prolétariat japonais, développement du mouvement communiste et tâches du Parti communiste japonais ; il devint de plus permanent et responsable de la section politique. Mais le Comintern, hostile à une reconstitution placée sous le signe du fukumoto-isme, convoqua à Moscou les principaux responsables ; FUKUMOTO Kazuo se rendit donc en U.R.S.S. avec TOKUDA Kyūichi et WATANABE Masanosuke, entre autres, pour y conférer des problèmes du Japon ; ils en rapportèrent les Thèses concernant la question japonaise plus connues sous le nom de Thèses de 27 et leur commentaire, Points principaux d’information, dans lesquels les doctrines de FUKUMOTO concernant « l’effondrement accéléré du capitalisme nippon » et « la dissociation précédant l’union » étaient vivement critiquées : le Parti communiste devait être constitué dans l’union avec les luttes de masse, et vouloir le former à partir de luttes théoriques et après sélection de ses éléments n’était qu’une caricature du léninisme et ne pouvait mener qu’à un sectarisme stérile parce qu’isolant le Parti de l’organisation des masses.
Avec l’adoption par le Parti communiste japonais de ces thèses, FUKUMOTO Kazuo perdit sa fonction de dirigeant théorique et fut rétrogradé au rang de membre de la section d’agitation et propagande. Alors qu’il poursuivait son action dans ce cadre, il fut arrêté à Ōsaka en juin 1928 au cours de la vague de répression déclenchée par les autorités le 15 mars précédent. Le jugement rendu en décembre 1934 en troisième instance le condamna à une peine de dix ans d’incarcération qu’il purgea dans la prison de Kushiro en Hokkaidō. Cette peine s’ajoutait aux quatre années qu’il avait passées en détention préventive. Libéré le 24 avril 1942, FUKUMOTO Kazuo resta soumis à la surveillance de la police ; il effectua alors, jusqu’à la défaite, des recherches concernant l’époque de la Renaissance japonaise (fin XVIe-XVIIe siècle). Il s’était éloigné du Parti communiste pendant la période de la guerre, mais y adhéra de nouveau en janvier 1950 ; s’étant présenté cinq mois plus tard aux élections à la Chambre des conseillers, dans une circonscription du département de Tottori, il fut battu. Mis en état d’arrestation le 4 septembre de l’année suivante par le Quartier général des forces d’occupation américaines, FUKUMOTO Kazuo fut une des nombreuses victimes du décret d’exclusion des communistes de toute fonction publique (cf. Historique).
Après la réunion de la 6e Conférence nationale du Parti communiste japonais, qui se tint en juillet 1955, FUKUMOTO Kazuo forma une fraction d’opposition à la ligne de la direction centrale du Parti et participa pendant quelque temps au mouvement paysan ; il fut finalement exclu du Parti communiste japonais en 1958. Il se consacra dès lors à la rédaction d’ouvrages sur l’histoire du capitalisme japonais et sur les problèmes du socialisme.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article237077, notice FUKUMOTO Kazuo (pseudonyme : HOJŌ Kazuo), version mise en ligne le 29 juillet 2022, dernière modification le 5 mars 2021.

ŒUVRE : notamment : Shakai no kōsei narabini henkaku no katei (Processus de formation et de transformation de la société), 1926. — Chūkanha shikan to yuibutsu shikan (Vue des neutralistes sur l’histoire et vue matérialiste de l’histoire), 1926. — Keizaigaku hihan no hōhō ron (Méthodologie de la critique de l’économie politique), 1926. — Riron tōsō (Lutte théorique) 1926. — Hōkō tenkan (Changement d’orientation), 1927. — Nihon no sanrin dai jinushi (Le Grand propriétaire des monts et des forêts du Japon), 1954. — Sengo nihon no nōringyō mondai (Le Problème des activités agricoles et forestières dans le Japon d’après-guerre), 1959. — Kakumei undō razō (Le Mouvement révolutionnaire mis à nu), 1962.

SOURCES : Thèses de 192’1 du Parti communiste japonais. — Shakaikagaku — Biron tōsō hihan tolwshugō (numéro spécial de la revue Sciences sociales sur la critique de la lutte théorique), 1927. — OKIURA Kazumitsu, « Nihon marukusushugi no shisō hōhō no ichi tokushitsu » (Un Cas particulier dans la méthodologie de la pensée marxiste au Japon) publié dans Gendai no ideorogi (Idéologies modernes), deuxième volume, 1961. — OKAMOTO Hiroshi, Nihon shakaishugi seitōron shi josetsu (Introduction à l’histoire des doctrines des partis d’obédience socialiste du Japon), 1968.

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