INOMATA Tsunao (pseudonyme : Rokugo)

Né le 23 avril 1889 à Niigata ; mort le 19 janvier 1942 à Tōkyō. Théoricien marxiste (école Rōnō) ; militant communiste ; professeur à l’Université Waseda.

Né à Niigata, INOMATA Tsunao, enfant naturel de HIROKI Chiyo, fut reconnu par son père INOMATA Tsuhei qui était grossiste en huile à Nagaoka, et il grandit auprès de celui-ci. Sa famille ayant été ruinée, INOMATA Tsunao, après sa sortie de l’école secondaire de Nagoaka, dut gagner sa vie en travaillant successivement comme instituteur suppléant, précepteur, employé de bureau de la Compagnie de fabrication de papier de Hokuetsu, secrétaire de l’Académie impériale de Sciences (Teikoku gakushi in). Il consacrait ses moments de loisir à la composition de « haïku » (courts poèmes de dix-sept syllabes) à laquelle il s’était initié pendant ses études secondaires, qu’il publia sous le pseudonyme de Rokugo. Mobilisé à la fin de l’année 1909, il fit son service militaire jusqu’en 1911 dans le régiment d’artillerie de Takada tout en étudiant seul, les cours polycopiés de la Faculté d’économie et de sciences politiques de l’Université Waseda. En septembre 1912, il fut admis en troisième année de l’École professionnelle Waseda, d’où il sortit en juillet de l’année suivante. Avec l’aide d’un homme riche de son pays natal INOMATA Tsunao se rendit aux États-Unis comme boursier de l’Université Waseda. Il fit des études d’économie et de philosophie pendant trois ans à l’Université du Wisconsin d’où il sortit docteur en philosophie. Le recteur de cette université, Richard Ely, jouissait d’une certaine réputation auprès des pionniers du socialisme au Japon.
De 1920 à 1921, INOMATA Tsunao poursuivit ses recherches à l’Université de Chicago et à l’Université de Columbia, d’où il sortit diplômé. Il étudia notamment la théorie marxiste. Par l’intermédiaire d’une étudiante polonaise, il entra en rapports avec des communistes américains. Il fréquenta, en outre, KATAYAMA Sen et fit partie du Groupe des socialistes japonais résidant aux États-Unis (Zaibei nihonjin sha­ kaishugi dan) et il participa à un cercle de lecture et d’études des classiques du communisme tels que L’État et la Révolution de Lénine. Après quatre ans et demi d’études aux États-Unis, INOMATA Tsunao rentra au Japon en octobre 1921 et devint maître de conférences à l’Université Waseda. Avec ŌYAMA Ikuo et SANO Manabu, il devint le conseiller de la Société de la Culture (Bunka kai) organisée par TAKANO Minoru. INOMATA Tsunao adhéra ensuite au Parti communiste japonais (Nihon kyōsanto) et se chargea de la section des liaisons internationales et de la section des étudiants.
Lors du congrès extraordinaire du Parti communiste qui se tint en mars 1923 à Shakujii pour approuver les directives rédigées l’année précédente (Thèses politiques de 1922), INOMATA Tsunao, s’opposant à SAKAI Toshihiko, amorça les délibérations sur le programme de renversement du régime impérial et présida les séances de discussion. A la suite de la première vague de répression dirigée en juin 1923 contre le Parti communiste japonais, INOMATA Tsunao fut arrêté en juillet et détenu jusqu’en septembre. Mis en liberté provisoire peu après le Grand tremblement de terre du Kantō, il se consacra à des études théoriques comme par exemple aux traductions de Shin shisō no fuhenka (Universalisation des idées nouvelles) de Robinson et de Tokken kaikyū ron (The Theory of the leisure class ; Essai sur la classe privilégiée) de Veblen, et au commentaire du Kin’yū shihon ron (Le Capital financier) de Hilferding. En juin 1925, il entra à l’Institut de recherches sur le travail industriel (Sangyō rōdō kenkyūijo) où il se livra à l’étude de l’impérialisme. II fut à nouveau incarcéré en septembre 1926 dans la prison de Toyotama, d’où il sortit en janvier de l’année suivante après quatre mois de détention.
Sans réintégrer le Parti communiste réorganisé, qui était alors dominé par les idées de FUKUMOTO Kazuo, INOMATA Kazuo fonda, avec SAKAI Toshihiko et YAMAKAWA Hitoshi, la revue Rōnō (Ouvriers et paysans) en décembre 1927. Dans le courant du même mois, il rédigea ses articles « Gendai nihon burujowaji no seijiteki ichi » (Position politique de la bourgeoise japonaise contemporaine) et « Nihon musankai­ kyū no ippan senryaku ron » (Stratégie générale de la classe prolétarienne japonaise) qui parurent dans le premier numéro de Rōnō. Dans ces deux écrits, tout en admettant la persistance de l’absolutisme féodal symbolisé par le régime impérial, INOMATA Tsunao affirmait que la bourgeoisie disposait déjà du pouvoir politique effectif dans le Japon de son époque, et il proposait un programme stratégique de révolution prolétarienne susceptible de dépasser la révolution bourgeoise. Dorénavant, INOMATA Tsunao persévérera dans cette voie et s’opposera au Parti communiste japonais qui soutenait la nécessité et la priorité de la révolution démocratique bourgeoise dont la finalité première était d’abolir le régime impérial.
En janvier 1928, INOMATA Tsunao adhéra au Parti des ouvriers et des paysans (Rōnō tō ou Rōdō nōmin tō), puis, après les arrestations massives de communistes du 15 mars, participa, en juillet, à la création du Parti prolétarien de Tōkyō (Tōkyō musan tō). Il critiqua la conception de l’organisation ouvrière de FUKUMOTO Kazuo en la définissant comme une « théorie longitudinale » ne produisant, selon lui, que des fractions de gauche, et il avança une « théorie transversale » réunissant les militants de gauche de diverses organisations en vue de la formation d’un front uni. En tant que leader idéologique de l’Ecole marxiste Rōnō (Rōnō ha) réunie autour de la revue Rōnō, INOMATA Tsunao milita énergiquement en faveur de sa propre conception de l’organisation du mouvement ouvrier. Il fonda, en novembre, le journal Rōnō shinbun (Journal des ouvriers et des paysans) dont il fut le rédacteur en chef. Lorsque fut créé, en décembre 1928, le Parti populaire japonais (Nihon taishū tō) à la suite de l’union de sept partis, INOMATA Tsunao devint membre de son Comité central. En janvier 1929, les tractations de certains dirigeants de ce parti, tels ASŌ Hisashi et HIRANO Rikizō, avec le patronat et le gouvernement soulevèrent le problème de l’épuration du Parti populaire japonais. Dans chaque numéro de son journal Rōnō shinbun, INOMATA Tsunao insistait pour que la base expulsât ces dirigeants corrompus après une mise en accusation publique et totale afin de renforcer et de purifier le Parti de la classe ouvrière. Il appelait à la formation d’un front uni fondé sur la « théorie transversale » de gauche. Mais quatre mois plus tard, lors de la session du comité permanent du Parti populaire japonais, INOMATA Tsunao fut exclu en même temps que SUZUKI Mosaburō. Il ne tarda pas à reprendre la lutte en organisant la Fédération contre la scission du Parti populaire japonais (Bun han ou Nihon taishū tō bunretsu hantai dōmei). Au cours de cette lutte contre les dirigeants du Parti populaire japonais, YAMAKAWA Hitoshi, qui militait en faveur de la cohésion du Parti à partir de sa conception d’un front uni des partis politiques, critiqua INOMATA Tsunao et déclara qu’il quittait le groupe de la revue Rōnō. INOMATA lui-même, renonça à participer à cette revue en octobre 1929, et la Fédération contre la scission du Parti populaire japonais fut dissoute le 21 novembre -de la même année sans avoir connu aucun succès.
Après ce conflit pour l’épuration du Parti populaire japonais, INOMATA Tsunao se retira du premier plan du mouvement politique et il se consacra à l’étude de capitalisme et de l’impérialisme japonais. Il écrivit de nombreux articles pour les revues Chūo kōron (Tribune centrale) et Kaizō (Reconstruction), et publia de nombreux ouvrages. A partir de mai 1934, il fit des enquêtes sur les conditions de vie des communes rurales dans les départements d’Ōsaka, de Kyōto et dans seize autres départements, et publia Kyūbō no nōson (Les communes rurales dans la pauvreté) et Nōson mondai nyūmon (Introduction aux problèmes des communes rurales). Dans ce dernier livre, il étudiait le mode de production asiatique dans le développement de l’agriculture japonaise.
Lorsque s’élargit le mouvement du front populaire en 1935, INOMATA Tsunoa écrivit pour la revue Rōdō zasshi (Revue du travail) un bref commentaire qui fut une des raisons de son arrestation au cours de l’Affaire du Front populaire en décembre 1937. Tombé malade en prison, il fut mis en liberté provisoire et admis à l’hôpital dépendant de l’Université de Tōkyō en février 1939 ; il y mourut, en janvier 1942, d’une hémorragie cérébrale et d’une atrophie rénale.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article237153, notice INOMATA Tsunao (pseudonyme : Rokugo), version mise en ligne le 29 juillet 2022, dernière modification le 30 mars 2021.

ŒUVRE : Kin’yū shihon ron (Essai sur le capital financier), 1925. — Teikoku shugi kenkyū. (Etudes sur l’impérialisme), 1927. — Gendai nihon kenkyū. (Etudes sur le Japon contemporain), 1929. — Nihon no dokusen shihonshugi (Le Capitalisme monopolistique du Japon), 1931. — Kyokugen ni okeru teikoku shugi (L’Impérialisme à ses limites), 1932. — Kahei, shin’yō oyobi infurëshon no riron (Théorie de la monnaie, du crédit et de l’inflation), 1933. — Kyūbō no nōson (Les Communes rurales dans la pauvreté), 1934. — Nōson mondai nyūmon (Introduction aux problèmes des communes rurales), 1937. — Etc.

SOURCES : TAMAKI Moto, « INOMATA Tsunao ron » (Essai sur INOMATA Tsunao), dans la revue Shisō no kagaku (Sciences de la pensée), mai 1966. — KOYAMA Kōken, « Rōnō ha marukusu shugi » (Le Marxisme de l’École Rōnō), dans Shōiwa no hantaisei undō (Mouvement contre le régime établi de l’ère Shōwa), 1967. — INO­MATA Tsunao kenkyū (Etudes sur INOMATA Tsunao), rédigées par le Cercle d’études d’INOMATA Tsunao, 1970.

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