FANONNEL Jeanne [FANONNEL Marie, Jeanne, Eugénie]

Par Jacques Girault, Claude Pennetier

Née le 13 juin 1889 au Havre (Seine-Inférieure, Seine-Maritime), morte le 14 juillet 1982 à Orsay (Essonne) ; institutrice ; syndicaliste et militante communiste, responsable de l’Orphelinat ouvrier de La Villette-aux-Aulnes (Seine-et-Marne) ; conseillère municipale de Paris.

Dans une note sur « La Commune du Creusot en 1871 », Jeanne Fanonnel rappela que sa mère avait grandi près des usines Schneider du Creusot où son grand-père travaillait comme forgeron (Cahiers de l’Institut Maurice Thorez, n° 21, 1er trimestre 1971). Son père était petit fonctionnaire municipal (employé de commerce selon l’état civil) qu’elle qualifiait de « fervent militant républicain à Lisieux (Calvados) » où elle déclarait avoir passé sa jeunesse jusqu’en 1926, dans son dossier biographique. Elle fut élève de l’École normale d’institutrices de Caen (Calvados) de 1907 à 1910 puis devint institutrice en 1911 et adhéra au syndicat de l’enseignement du Calvados en janvier 1921 (par antimilitarisme déclara-t-elle à A.-M. Sohn) ou en 1922 (selon la déclaration qu’elle fit dans son dossier biographique). Jusqu’en 1926, elle n’occupa que des fonctions modestes, en particulier celle de trésorière du Bulletin départemental. Admiratrice des réalisations de la Russie soviétique, Jeanne Fanonnel avait donné son adhésion au Parti communiste en 1925 et participait aux activités de la Région communiste normande à Caen et Lisieux (voir Le Cur). Une réunion animée par Léon Vernochet à Caen, au printemps 1926, bouleversa sa vie : il avait lancé un appel aux enseignants pour aider « l’Avenir social », orphelinat installé à La Villette-aux-Aulnes.

Cet établissement avait été créé en 1906 par Madeleine Vernet et installé en 1908 à Épône (Seine-et-Oise). La fondatrice, en désaccord avec la majorité communiste du conseil d’administration, dut abandonner ses fonctions de directrice en janvier 1923. Transféré en juin 1923 à Mitry-Mory (Seine-et-Marne) puis à La Villette-aux-Aulnes, « l’Avenir social » fut pris en charge par le Secours ouvrier international alors dirigé par Émile Dutilleul et l’Union des syndicats unitaires de la Seine. Après avoir assisté pendant l’été 1926 au congrès de l’Internationale des travailleurs de l’enseignement à Vienne (Autriche) et avoir passé un mois à Moscou, envoyée par le SOI, Jeanne Fanonnel revint à Paris le 10 septembre pour prendre en charge l’animation pédagogique de l’orphelinat. Elle avait obtenu un congé de convenances personnelles et quittait son poste d’institutrice à Lisieux. L’établissement recueillait des orphelins de familles ouvrières, âgés de quatre à huit ans et les gardait jusqu’à quinze ans. Il y avait trente-cinq pupilles en octobre 1927, dont, selon son témoignage, un certain nombre de « caractériels », d’enfants « repliés sur eux-mêmes » et de « déficients » (Cahiers de l’Institut Maurice Thorez, n° 26, mars-avril 1972). Aussi fit-elle un rapport très documenté sur les « enfants nerveux » devant les groupes féministes de l’enseignement réunis au congrès fédéral de Paris en août 1928 : « En dehors de quelques procédés pratiques très simples, elle constatait à la fois l’impuissance des docteurs et des éducateurs à résoudre le problème dans une société qui consacre toutes ses forces financières, le génie de ses savants ou la jeunesse des écoles à la préparation de la guerre » (Le syndicalisme dans l’enseignement, op. cit. , t. 3, p. 69). En dehors de son enseignement général, les enfants bénéficiaient des cours d’un professeur de chant et d’un moniteur d’éducation physique. De nombreux militants aidaient « l’Orphelinat ouvrier » ; ainsi Bouthonnier emmena les enfants en visite et Claude Autant-Lara, réalisateur de cinéma, présenta le film soviétique Le Cuirassé Potemkine. Représentante de « l’Avenir social » au IVe congrès national de la CGTU (Bordeaux, 19-24 septembre 1927), Jeanne Fanonnel proposa un système de financement par l’édition d’un timbre “Nid” qui pouvait prendre place, sans obligation, sur les cartes syndicales. À l’occasion de ce congrès, elle entra à la commission féminine de la CGTU. Elle rendit compte de son expérience devant le VIe congrès de l’Internationale des travailleurs de l’enseignement réuni à Anvers du 9 au 12 août 1930. Mais son travail prenait fin, le conseil d’administration ayant décidé d’inscrire les pupilles à l’école publique primaire. « L’Orphelinat ouvrier » cessa de fonctionner en 1938. Les locaux furent réutilisés après-guerre pour la Maison des enfants de fusillés.

Mise en demeure de reprendre un poste dans l’enseignement ou de démissionner, sur le conseil de Georges Cogniot, secrétaire de l’ITE, Jeanne Fanonnel obtint un poste d’institutrice à Mitry-Mory (Seine-et-Marne) en octobre 1931 dans une école qui fut inaugurée par la municipalité communiste. Cette manifestation fut interdite et une grève scolaire commença. Elle se solidarisa avec la municipalité et fut déplacée dans une école d’un hameau de Villeneuve-Bellot. Elle continua à militer au Parti communiste et à la Fédération unitaire de l’enseignement. Les militants lui confièrent pendant deux années scolaires (1932-1934) le secrétariat d’un « petit syndicat » de la FUE favorable à la Minorité oppositionnelle révolutionnaire. Pendant l’été 1932, le couple Delanoue, Jeanne Ethève, Laurent Spinelli et Jeanne Fanonnel voyagèrent en URSS. À leur retour, ils publièrent, avec une préface de Georges Friedmann, une brochure intitulée Un groupe d’instituteurs au pays des Soviets.

Jeanne Fanonnel devint directrice de l’école de filles de Cesson (Seine-et-Marne). Elle présenta un rapport à la conférence internationale des femmes enseignantes organisée fin décembre 1935 par le Mouvement mondial des femmes contre la guerre et le fascisme dont elle fut membre du comité national en 1937. Elle milita dans la section départementale du Syndicat national des instituteurs et en fut la secrétaire adjointe en 1936-1938. Lors d’une réunion de la conférence d’information de la région communiste de Seine-et-Marne, le 25 novembre 1936, elle fit une intervention qualifiée de « spéciale » dans le compte rendu qu’en fit Albert Vassart, sur le travail parmi les femmes. En mars 1938, elle figurait dans le comité de la région communiste Paris-Est. Elle collaborait régulièrement à la rédaction du journal communiste Seine-et-Marne Informations.

Georges Cogniot raconta dans Parti pris (t. 2, p. 12) qu’à la Libération Étienne Bec et Jeanne Fanonnel-Bec lui offrirent l’hospitalité dans le XIIIe arr. de Paris : « Leur maison avait servi de refuge pendant les années d’illégalité. C’était une calme demeure dans une rue écartée, mais au cœur des dynamiques quartiers prolétariens où bouillonnait la sève du renouveau. »

Vice-présidente du Comité parisien de Libération, Jeanne Fanonnel fut nommée conseillère municipale de Paris en 1945. Elle ne siégea pas au conseil après cette date.

À la fin des années 1970, elle s’intéressait aux initiatives de la mairie d’Ivry en matière d’habitat de vie sociale, notamment en liaison avec les programmes pédagogiques. Elle réalisait des découpages et des collages à partie du papier journal, le plus souvent en rapport avec la pédagogie active.

Restée militante communiste, elle mourut le 14 juillet 1982. Sur le registre des décès de la mairie d’Orsay figure la mention « célibataire ». Elle fut incinérée au columbarium du Père-Lachaise.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article23716, notice FANONNEL Jeanne [FANONNEL Marie, Jeanne, Eugénie] par Jacques Girault, Claude Pennetier, version mise en ligne le 23 novembre 2008, dernière modification le 5 août 2021.

Par Jacques Girault, Claude Pennetier

OEUVRE : Jeanne Fanonnel a écrit des souvenirs dont nous ne connaissons que les 5O dernières pages (p. 259-205)

SOURCES : Arch. Nat. F7/13108, Parti communiste, 1927. — RGASPI, 495 270 2384, autobiographie du 2 décembre 1937 ; 517 1 1821, 1895. — Renseignements fournis par l’intéressée à Jacques Girault. —.A.-M. Sohn, Féminisme et syndicalisme, thèse, op. cit. — Georges Cogniot, Parti pris, t. 1, p. 489, t. 2, p. 12. — Le Monde, 22 juillet 1982. — L’Humanité, 16 juillet 1982.— Notice DBMOF par J. Maitron et Cl. Pennetier. — État civil du Havre. — Claude Pennetier, Bernard Pudal, Le Sujet communiste. Identités militanes et laboratoire du "moi", Presses universitaires de Rennes, 2014, p. 180. — Charles Riondet, Le Comité parisien de la Libération 1943-1945, PUR, 2017.— Notes d’Anne-Laurence Chabrun-Burte.

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