BOUCHER Frantz, Marcel, [Marcel]

Par Gildas Priol

Né le 8 novembre 1924 à Lesneven (Finistère), mort au combat le 4 février 1944 à La Forest-Landerneau ; mécanicien à l’Arsenal de Brest ; militant communiste ; résistant Front national-FTP.

Frantz Marcel Boucher, dit Marcel suivit des études classiques à l’école Vauban à Brest puis entra comme mécanicien à l’Arsenal de Brest. Il résidait à Recouvrance, au 16 rue du Carpon. Il adhéra aux Jeunesses Communistes et au Parti communiste clandestin en 1941. Il militait et diffusait la propagande du parti à Brest.
En mars 1942, il intègra la branche Arsenal de l’Organisation Spéciale (O.S) de Brest, et rejoignit ainsi la lutte armée contre l’occupant allemand. Il faisait partie du groupe de Pierre Corre, comprenant une cinquantaine de résistants. Ensuite versé Francs-Tireurs et Partisans (F.T.P), il assomma un officier allemand le 11 novembre 1942 vers 19 heures rue Amiral Linois avec Maurice Le Flem et Hervé Coatalem. L’objectif était de lui voler son arme mais l’opération tourna mal quand les trois brestois furent pris en chasse par une patrouille allemande de passage. Hervé Coatalem fut coincé rue Jean Macé et violemment frappé à coups de crosses.
Marcel Boucher participa également à l’attentat envers les troupes d’occupation devant le cinéma Eden dans la soirée du 1er janvier 1943 avec Yves Giloux et Charles Coatélan, provoquant cinq blessés.
Les diverses arrestations, au sein de la résistance communiste brestoise, ébranlèrent les formations et groupes clandestins. Après l’arrestation d’Yves Giloux, Jean-Pierre Reste reprit la suite et réorganisa le groupement avec Marcel Boucher et Charles Coatélan. Cette formation prit désormais le nom de groupe Giloux, Yves Giloux ayant été fusillé au Mont-Valérien le 17 septembre 1943.

Entre novembre et décembre 1943, il participa à des opérations de sabotages de voies ferrées entre Brest et Landerneau, notamment au déraillement du 5 décembre 1943. En effet, depuis octobre 1943, le Groupe Lambert préparait son premier sabotage ferroviaire. Les résistants optèrent pour la ligne reliant Quimper à Landerneau. Pour cette action, les landernéens s’adjoignirent l’aide précieuse de Marcel Boucher et René Hascoët de Brest. Les deux brestois arrivèrent par le dernier train de Brest et furent récupérés par Jean Sizorn et Marcel Peucat. Le rendez-vous fut pris à 22 heures à l’endroit choisi, les jeunes saboteurs s’y rendirent en vélos. Dans leurs affaires, ils avaient apporté les clés S.N.C.F. pour déboulonner les éclisses et les traverses. Henri Lambert avait déployé pour cette opération des hommes dans les environs pour palier aux éventuels problèmes et avait convenu que les hommes du docteur Jean Le Bras soient de la partie. Le sabotage fut effectué en 45 minutes puis le commando s’éclipsa dans la nature. Certains dormirent dans le bois de Pencran jusqu’au lever du couvre feu. Jean Sizorn, Marcel Peucat et les deux brestois descendirent jusqu’à la rue de Ploudiry pour passer le reste de la nuit dans l’atelier Sizorn. Le 5 décembre à 00h30, le train PV Q14 s’engagea sur la voie et dérailla en partie avec deux machines et deux wagons hors piste, la voie fut immobilisée une journée et demi.
Marcel Boucher participa à différentes actions. Noël 1943, une nouvelle vague d’arrestations toucha les communistes, le groupe se dispersa.
Marcel Boucher quitta Brest et se dirigea vers Trédudon en Berrien avec Guy Raoul et André Garrec. Il y retrouva Albert Yvinec et son petit groupe de maquisards. Les sept hommes se cachèrent à la ferme du Goënidou. Parmi leur prévision d’actions, il y avait le sabotage de l’usine de Saint-Herbot par dynamitage du barrage de la réserve d’eau de Brennilis. Mais pour ce faire, il fallait de l’explosif que Boucher et Yvinec s’apprêtaient à aller dérober à la poudrerie de Pont-de-Buis.
Le projet avorta quand une patrouille allemande débarqua, le 3 février 1944, à la ferme où les résistants se cachaient. Il s’agissait d’un officier et d’un soldat allemand qui effectuaient le tour du secteur pour demander à la population d’évacuer temporairement les lieux en raison de séances de tirs de mortiers à Roc’h Trédudon. Curieux, l’Allemand insista pour visiter la ferme, il lui en coûta la vie, abattu par Marcel Boucher. Le soldat allemand qui l’accompagnait fut lui abattu par Jean Coguiec.
Craignant des représailles, le groupe se dispersa et les trois brestois voulurent regagner Brest. Ils passèrent semble t-il par Pleyber-Christ et arrivèrent à Landerneau dans la soirée où ils restèrent la nuit chez Jean Sizorn. Le lendemain, Marcel Boucher, Guy Raoul et André Garrec reprirent la route mais vers 17 heures ils furet arrêtés par un barrage allemand de la feldgendarmerie. De là, l’histoire diffère et deux versions s’opposent pour, hélas, s’accorder sur le sort final.
Rapport de la gendarmerie française du 5 février 1944 :
« Le 4 février 1944, vers 17 heures, sur la vieille route romaine La Forest-Landerneau et Pont-Mesgrall, deux gendarmes allemands ont essuyé le feu de trois individus qu’ils voulaient contrôler. Un gendarme allemand a été tué et le second blessé. Les trois civils ont été tués par le gendarme blessé. Le cultivateur Bihan Podel, de Kerlarhan à Landerneau, et son commis ont été témoins de l’incident. Le commis a été retenu par les Allemands jusqu’à présent. Le Bihan-Podel déclare que les civils étaient porteurs d’une valise et ont tiré les premiers une rafale de mitraillette sur les gendarmes allemands. L’identité des trois civils n’a pu être obtenue jusqu’à présent. »
Ce n’est que le 9 février, que la gendarmerie française fut mise au courant par la Geheime Feldpolizei (G.F.P) de Brest, de l’identité des trois résistants. La gendarmerie indiqua par la suite que ces individus étaient les auteurs de nombreux attentats et cambriolages à Brest et dans la région. Ils étaient l’objet de recherches de la part de la police de Sûreté de Rennes, qui les signalait dangereux et armés.
En 1985, l’historien Eugène Kerbaul, dans son ouvrage, 1270 militants du Finistère (1918-1945), écrivait que le retour à Brest du groupe de Marcel Boucher était motivé par le renforcement des effectifs se trouvant à Brest et avec comme premier objectif, tenter un coup de main sur la Pyrotechnie de Saint-Nicolas.
Après avoir contourné Landerneau, Boucher scinda son groupement en deux. Lui-même conduisit le premier groupe qui comprenait , en plus de Boucher, Guy Raoul et André Garrec. Mission : se diriger vers Guipavas par la voie la plus directe. Mais ce premier groupe, après avoir à peine dépassé Landerneau, tomba sur une patrouille de la Feldgendarmerie qui voulait fouiller les valises dont étaient porteurs les F.T.P. Or, elles contenaient des armes. Les F.T.P, bénéficiant de l’effet de surprise, abattirent deux Allemands. Mais l’un des Français fut blessé, on ignore son identité.
Tous trois parvinrent à se replier vers un endroit isolé, une carrière, à La Palud, selon certains témoignages. Cependant une femme ayant entendu les coups de feu, Mme X..., collaboratrice "horizontale", alerta la Feldgendarmerie. Celle-ci mobilisa 30 élèves de l’école de Feldgendarmerie de Landerneau dans la direction qui lui était précisée par la femme, et ils ne tardèrent pas à localiser les résistants en train de soigner leur blessé. Le combat s’engagea, inégal. Écrasé sous le nombre, les trois F.T.P - le blessé a fait le coup de feu comme ses camarades, succombèrent. Marcel Boucher, André Garrec et Guy Raoul avaient infligé de lourdes pertes à l’ennemi avant l’épuisement de leurs cartouches. Ils furent massacrés sur place.
Au final, les deux versions divergentes arrivent à la même funeste conclusion.
Les corps ne furent jamais retrouvés, probablement inhumés en secret par les Allemands dans la région de Landerneau. Cette pratique était courante pour éviter qu’on puisse rendre hommage aux "Terroristen ".
Courant 1944, en son hommage, les résistants de Brest attribuèrent son nom au groupement cantonal Brest-Ouest.

Reconnu Mort pour la France, en janvier 1946, il a été nommé sous-lieutenant à titre posthume et homologué FFI. En 1952, il fut élevé au grade de Chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume. Il est également récipiendaire de la Croix de Guerre 1939-1945, avec palme.
La cellule du Parti communiste de Recouvrance portait son nom en sa mémoire. Une rue du Valy-Hir à Brest fut renommée rue Marcel Boucher en 1977.
En février 1946, avait été apposée sur la route menant de La Grande-Palud à Guipavas, une plaque en hommage aux trois résistants. Leur mémoire s’étiola avec le temps, malgré les fleurs régulièrement déposées près de la plaque. En 2020, une action fut menée pour refaire une plaque commémorative et déplacer son emplacement non loin, pour la rendre plus accessible à tous.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article237184, notice BOUCHER Frantz, Marcel, [Marcel] par Gildas Priol, version mise en ligne le 27 janvier 2021, dernière modification le 28 janvier 2021.

Par Gildas Priol

SOURCES : Arch. Dép. Finistère, archives de la sûreté nationale. — Archives mun. de Brest, dossier biographique de Frantz Marcel Boucher (2BIO 107). — AVCC Caen, AC 21 P 28522 (transmis par Edi Sizun). — S.H.D Vincennes, GR 16 P 76927 (nc). — Famille Boucher, documents et iconographie.— Eugène Kerbaul, 1270 Militants du Finistère (1918-1945), à compte d’auteur, 1985.— Joël Le Bras, Du groupe Giloux au Bataillon Giloux – 1943 à 1944, travaux personnels, 2001. — Gérard Cissé, Rues de Brest - de 1670 à 2000, éditions Ar Feunten, Brest, 2012.— https://www.resistance-brest.net/ar....— Notes Annie Pennetier.

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