KAGAWA Toyohiko

Né le 10 juillet 1888 à Kōbe ; mort le 23 avril 1960. Théologien chrétien et militant socialiste de renommée internationale.

KAGAWA Toyohiko naquit à Kōbe dans l’arrondissement de Hyōgo, quartier de Shimagami. Il connut une enfance difficile. De constitution physique faible et maladive, il vécut de surcroît dans un environnement familial défavorable. C’est en grande partie pour ces raisons qu’il se convertit au christianisme et reçut le baptême en 1904. Après être sorti diplômé de l’école secondaire de Tokushima, KAGAWA Toyohiko entra au cours préparatoire de théologie du collège Meiji. Il le quitta pour l’École de théologie de Kōbe, d’où il sortit diplômé en 1911. En 1909, KAGAWA Toyohiko élut domicile au bidonville de Shinkawa, dans l’arrondissement de Fukiai, à Kōbe. Il s’y consacra à l’évangélisation et à l’éducation des habitants du quartier, mais ne connut guère de succès. Il s’avéra de fait extrêmement difficile de faire prendre conscience de leur misère aux habitants du bidonville. Alors qu’il se consacrait, à Shinkawa, à cette action éducatrice, KAGAWA Toyohiko travailla comme ouvrier dans une usine de caoutchouc, puis dans une usine d’allumettes. Cette expérience lui permit de comprendre la situation des travailleurs. Ainsi KAGAWA Toyohiko fut amené à s’intéresser au mouvement ouvrier. Au cours de l’année 1914, il quitta le Japon pour se rendre aux États-Unis, afin d’y suivre les cours de l’Université de Princeton, ainsi que ceux de l’École de théologie de la même ville. Il s’y intéressa au mouvement syndicaliste ouvrier américain et se con­ vainquit de la nécessité d’un mouvement semblable au Japon. De retour dans son pays en mai 1917, il collabora aussitôt à l’action de l’Union de Kōbe de la Société fraternelle (Yūaikai). Il ne tarda pas à critiquer la Société qui se bornait, selon lui, à jouer le rôle d’un organisme culturel visant au développement national et industriel par la promotion de la pensée, de la technique et de la morale. KAGAWA Toyohiko insistait sur la nécessité d’édifier de véritables syndicats ouvriers. Il se proposa, avec KURU Kōzō, de réformer la Société fraternelle sur le plan de l’action et de l’organisation. En août 1918, les deux hommes lancèrent le journal Shin Kōbe (le Nouveau Kōbe), organe de l’Union de Kōbe, qui devait servir à la propagande de leurs idées parmi les ouvriers. L’année suivante, KAGAWA Toyohiko et KURU Kōzō prirent la direction de la Confédération du travail du Kansai (Kansai rōdō dōmeikai), constituée par la fusion des trois unions de Kyōto, Ōsaka et Kōbe. Ses cadres furent délibérément choisis parmi les ouvriers, ce qui illustrait le glissement de la Société fraternelle (Yūaikai) vers le syndicalisme. Une double action fut entreprise pour l’abolition de l’article 17 de la Loi de police sur la sécurité publique (qui organisait la répression des activités visant à l’organisation syndicale) et pour l’obtention d’élections au suffrage universel. Quant à KAGAWA Toyohiko, outre son activité au sein de la Confédération du travail du Kansai, il consacrait son énergie à faire adopter par la Société fraternelle (Yūaikai) le changement d’orientation qui devait en faire la Fédération générale des syndicats ouvriers.
Parallèlement, KAGAWA Toyohiko élaborait sa théorie syndicale dont la conception de base, était le socialisme corporatif. La nouvelle société qu’il préconisait peut se résumer par cette formule : la réunion de trois corps en un. Ces trois corps étaient : un gouvernement (organe exécutif), une assemblée de la production (c’est-à-dire un corps délibératif des syndicats d’industrie) et une assemblée des consommateurs (corps délibératif), ces deux derniers organismes constituant la base du gouvernement. Dans le cadre de ce système, une administration reposant sur les travailleurs, et concrétisant la capacité créatrice de ces derniers, assurerait le fonctionnement de l’ensemble en harmonie avec les intérêts des travailleurs. Le système de KAGAWA Toyohiko, conçu comme méthode destinée à permettre, au Japon, l’édification d’une société de type nouveau, préconisait bien sûr l’élargissement et le renforcement des syndicats ouvriers, mais ses fonctions ne se limitaient pas à l’amélioration des conditions de vie des travailleurs. En proposant la mise en place progressive d’une « administration des travailleurs », il décrivait concrètement la voie d’une prise du pouvoir dans les usines. Pour KAGAWA Toyohiko, cette théorie du socialisme corporatif ne pouvait reposer que sur un mouvement humaniste de fraternité, aussi se faisait-il l’apôtre du gradualisme, du légalisme et de la non-violence. Le système de KAGAWA Toyohiko joua sans conteste un rôle de toute première importance dans l’affermissement de la conscience anticapitaliste des travailleurs déjà passés par la Société fraternelle. Lors du Congrès de la Société fraternelle d’octobre 1920, ce fut le syndicalisme proposé par les intellectuels et les militants de la région du Kantō (région de Tōkyō) qui s’imposa comme courant de pensée dominant. Les militants de la région de Kōbe et d’Ōsaka, en revanche, étaient pour la plupart acquis aux idées de KAGAWA Toyohiko.
Ces idées jouèrent un rôle dominant lors des luttes pour la conquête du droit de négociation qui se développèrent dans le Kantō (région de Tōkyō) d’avril à août 1921, et plus encore à l’occasion de la grande grève des chantiers navals Kawasaki et Mitsubishi à Kōbe, au cours de laquelle KAGAWA Toyohiko, conseiller des grévistes, prit la direction de la lutte. Les grévistes de l’entreprise Kawasaki, en particulier, mirent en lumière l’influence de KAGAWA en tentant de s’emparer du pouvoir administratif dans leur usine. KAGAWA Toyohiko lui-même ne se départit jamais, dans cette lutte, de ses principes légalistes et non-violents. Soumis aux pressions de l’Etat et du capital, les militants en arrivèrent cependant à considérer les moyens légaux comme insuffisants et, vers la fin de la grève, KAGAWA perdit peu à peu le contrôle du mouvement. Quand la grande grève eut pris fin, les militants émirent envers leur dirigeant des critiques de plus en plus vives, et KAGAWA Toyohiko dut bientôt se retirer pour se consacrer à nouveau à l’évangélisation chrétienne.
KAGAWA Toyohiko n’abandonna cependant pas tout à fait les mouvements sociaux. Dès l’année 1919, il consacra ses efforts au mouvement syndicaliste des consommateurs. Il participa par ailleurs, en compagnie de SUGIYAMA Motojirō, à l’organisation du Syndicat des paysans japonais (Nihon nōmin kumiai) en avril 1922. KAGAWA Toyohiko occupa en outre les fonctions de membre du comité exécutif du Groupe de recherches sur la politique (Seiji kenkyūkai) fondé en juin 1914. Quand le Parti des ouvriers et des paysans (Rōdō nōmin tō) fut fondé en mars 1926, KAGAWA Toyohiko devint membre de son Comité central. C’est après la scission de ce parti qu’il cessa de militer dans les partis prolétariens. Il se borna par la suite à exercer les fonctions de conseiller auprès du Parti national populaire (Zenkoku taishū tō) et du Parti socialiste populaire (Shakai taishū tō).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article237214, notice KAGAWA Toyohiko, version mise en ligne le 29 juillet 2022, dernière modification le 6 avril 2021.

ŒUVRE : Hinmin shinri no kenkyū. (Recherches sur la psychologie des pauvres), 1915. — Seishin undō to shakai undō (Mouvement social et mouvement spirituel), 1919. — Rōdō sha sūhai ron (Traité sur la vénération dont les ouvriers font l’objet), 1919 (la parution de cet ouvrage fut interdite). — Shisen wo koete (Au-delà della mort), 1920. — Jiyū kumiai ron (Essai sur les syndicats libres), 1921. — KAGAWA Toyohiko zenshū (Recueil Complet des œuvres de KAGAWA Toyohiko), 24 volumes,1962-1964. — etc.

SOURCES : YOKOYAMA Haruichi, KAGAWA Toyohiko den (Biographie de KAGAWA Toyohiko), 1950, édition augmentée 1959. — SUMITANI Mikio, KAGAWA Toyohiko, 1966. — Rédaction collective, Hyōgo ken rōdō undō shi (Histoire du mouvement ouvrier dans le département de Hyōgo), 1961.

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