FAURE Ferdinand

Par Jean Lorcin, Justinien Raymond

Né le 26 avril 1880 à Saint-Étienne (Loire), mort le 22 mai 1963 à Saint-Étienne ; cafetier avant 1914, puis imprimeur à Saint-Étienne ; militant socialiste, directeur de L’Action ouvrière et paysanne, organe du Parti socialiste SFIO puis du journal socialiste Le Peuple de la Loire en 1919 ; adjoint au maire de Saint-Étienne (1919, 1935), conseiller général (1919) et député de la Loire (1924).

Ferdinand Faure (1921)
Ferdinand Faure (1921)
cc Agence Meurisse

Ferdinand Faure naquit de parents ouvriers passementiers qui, en raison des crises, du travail saisonnier, eurent beaucoup de peine à élever leurs cinq enfants. Le père dut s’embaucher à la mine à l’âge de quarante ans. Le jeune Ferdinand passa son enfance dans le quartier ouvrier de Polignais. Il ne fréquenta l’école primaire que jusqu’à l’âge de onze ans, mais y tint toujours la tête de sa classe et y acquit assez d’éléments pour parfaire, par la suite, une instruction qu’il sut utiliser professionnellement. Enfant, il louait un char à bras pour 5 sous et occupait la plupart de ses loisirs à « grappiller » du charbon sur le crassier de Montmartre pour approvisionner sa famille et sa grand-mère. Dès l’âge de dix ans, il dévorait les ouvrages de la bibliothèque populaire, recherchant particulièrement les livres d’histoire. Sa mère, protestante, faisait chanter des cantiques à ses enfants, le soir. Mais, faute d’habits corrects pour s’y rendre, Ferdinand ne fréquenta guère le temple et s’éloigna vite du Dieu qu’on lui enseignait.

À sa sortie de l’école, un ami de sa famille le fit entrer comme « saute-ruisseau » chez un avoué. En 1902, Argaud, cafetier rue Gérentet, lui prêta un petit local pour ouvrir à son compte un cabinet juridique. Marié en 1905, il s’installa rue des Gris, puis il occupa pendant un an la place de secrétaire de mairie de Saint-Genest-Lerpt avant d’entrer comme clerc à l’étude d’huissier de Deboisy, au salaire de 200 francs. Comme son patron lui reprochait de faire de la politique, il le quitta pour tenir, rue Faure-Belon, un café qu’il garda jusqu’à la veille de la guerre. Il venait d’ouvrir un cabinet place du Peuple lorsqu’il fut mobilisé. À la fin de la guerre, il acheta une petite imprimerie rue Balay où s’imprima le journal Le Peuple qu’il lança fin 1919.

Ferdinand Faure se donna très jeune à l’action publique. À quinze ans, membre de l’Amicale laïque de Beaubrun, il se heurtait au président qui avait organisé une section de tir dont il s’indignait et il fut nommé secrétaire de l’association.

Entraîné par un ami à une réunion des Jeunesses socialistes, il découvrit le Parti socialiste et y adhéra. C’était l’époque des rivalités entre les tendances réformistes et la minorité collectiviste que tentèrent d’organiser Argaud et Soulageon. Ferdinand Faure opta pour ces derniers et se dressa contre Briand, lui portant souvent la contradiction. En 1902, il fut le premier secrétaire de la Fédération d’Unité socialiste révolutionnaire. En 1903, il la représenta à Reims au congrès du PS de France et fut approuvé à l’unanimité par ses mandants malgré les attaques dirigées contre lui par le militant Delorme.

Après le congrès d’unité de la salle du Globe à Paris (avril 1905), auquel il participa, Ferdinand Faure prit la tête du mouvement d’unification dans la Loire, pressant la fédération autonome de se rallier au Pacte de fusion. Le 2 mai, il écrivit en ce sens à Sagnol, secrétaire de cette fédération, et prit l’initiative d’un congrès d’unification départementale qui se réunit à Saint-Étienne le 2 juillet. Il fut nommé secrétaire de la fédération du Parti socialiste SFIO qui en sortit et la représenta au congrès de Chalon-sur-Saône (octobre 1905). Mais tous les groupes autonomes ne s’étaient pas ralliés. Le congrès de fusion définitive se déroula le 17 décembre 1905. F. Faure y proposa, en vue des élections législatives prochaines, la tactique du retrait pur et simple, mais il fut battu par 69 voix contre 26 en faveur du désistement de discipline républicaine.

À peine assurée, l’unité fut remise en cause par la défection de Briand devenu ministre. Ferdinand Faure ne put, malgré ses efforts, faire dresser contre lui une candidature socialiste. À la Bourse du Travail de Saint-Étienne, le 9 septembre 1906, devant le congrès de réorganisation fédérale, il rapporta sur le projet de statuts qu’il fit adopter. On le retrouva aux congrès de Saint-Chamond (14 octobre 1906) et de Rive-de-Gier (31 décembre) et délégué à tous les congrès nationaux du Parti socialiste avant la grande guerre sauf à ceux de Limoges (1906), Nancy (1907) et Paris (juillet 1910). Toujours maintenu au secrétariat pendant vingt ans, ou au moins à la commission exécutive, il donnait beaucoup de son temps et tous ses dimanches à la propagande, collaborant en outre, à partir de 1907, au lancement et à la vie du Socialiste, organe fédéral. Avant 1914, il participa activement à la campagne contre le danger de guerre, contre la loi militaire de trois ans, et il fut à maintes reprises le candidat du Parti socialiste. En 1907, pour le conseil d’arr. dans le canton de Saint-Étienne-Sud-Ouest, il recueillit 852 voix. Le 20 janvier 1908, pour le siège de conseiller général rendu vacant par la mort d’un fidèle de Briand, Ph. Dumas, il devança un candidat de même nuance par 798 suffrages contre 771, et au scrutin de ballottage, seul candidat de gauche, il en recueillit 1 798 contre 2 047 à l’élu de droite Paulet. Candidat aux élections législatives en 1910, dans la 2e circonscription de Saint-Étienne, il obtint 1 344 voix. En 1914, dans la 1re circonscription, il s’éleva à 2 886 contre Briand élu par 9 878.

Mobilisé en 1914, Ferdinand Faure fonda, à son retour du front, Le Peuple de la Loire, qui allait devenir Le Peuple du Sud-Est. Tête de liste du Bloc des gauches aux élections municipales de 1919 dans le canton Nord-Est de Saint-Étienne, Faure obtint 3 746 suffrages et fut élu au deuxième tour, le 14 décembre, avec 4 061 voix sur 14 980 inscrits, 4 562 votants et 4 228 suffrages exprimés. Élu premier adjoint, il avait dans ses attributions, la Bourse du Travail, les retraites ouvrières, le fonds de chômage, l’instruction publique, les cantines et patronages scolaires, l’orphelinat municipal. Candidat du Bloc des gauches aux élections législatives de 1919, il recueillit 20 575 suffrages. Le 14 décembre 1919, ses qualités d’administrateur lui valurent d’être élu conseiller général dans le canton Nord-Est de Saint-Étienne, avec 4 061 suffrages sur 14 980 inscrits, 4 562 votants et 4 220 suffrages exprimés : aucun concurrent ne lui avait été opposé.

Défenseur de la motion Longuet au congrès de Strasbourg, en 1920, il faillit être exclu du groupe des « Amis de La Vague » dont il faisait partie pendant la guerre, pour sa tiédeur à l’égard de la IIIe Internationale. Il vota finalement pour l’adhésion sans réserve et signa la motion Cachin-Frossard. Après un voyage à Moscou au cours de l’été 1920, il fut délégué au congrès de Tours en décembre 1920, porteur des mandats unanimes de la fédération de la Loire pour l’adhésion à la IIIe Internationale ; il y intervint quatorze fois et présida une séance le samedi 25, après-midi puis celle du 29 au matin.

Le premier congrès du Parti communiste tenu à Marseille en décembre 1921, l’élut au Comité directeur. Il était membre du comité central de l’ARAC.

Le 25 juin 1922, Ferdinand Faure hébergeait le délégué russe Dridzo-Lozowski, venu assister au congrès de la CGTU. Quelques jours après, Ferdinand Faure démissionnait de son poste de 1er adjoint (Arch. Dép. Loire, M 540, pièce 380, rapport du commissaire spécial, Saint-Étienne, 8 juillet 1922) : est-ce parce que cette affaire avait révélé l’ampleur de la pénétration communiste dans les administrations publiques, en particulier dans les PTT – un télégramme avait été intercepté par un employé complice du PC (Arch. Dép. Loire, M 540, pièce 148, rapport du commissaire spécial, Saint-Étienne, 7 octobre 1922) ? Le Comité directeur réuni le 24 octobre 1922 le désigna comme délégué permanent à la propagande (IMTh., bobine 30).

Délégué au IVe congrès de l’Internationale communiste, tenu à Moscou en novembre-décembre 1922, Ferdinand Faure, à l’en croire, aurait été le seul membre de la délégation française à s’occuper, à « l’exclusion oblique prononcée, sous prétexte de franc-maçonnerie, de Ligue des droits de l’Homme, de collaboration à la presse « bourgeoise », ou d’attitude syndicale, contre des militants comme Ker, Daniel Renault, Ernest Lafont, Paul Louis, Madame Séverine, voire Frossard ». Il participa à la commission financière du IVe congrès et protesta contre la faiblesse de la subvention votée pour la France : 500 000 F au lieu de 900 000 F demandés. Selon sa déclaration, cet argent était destiné aux écoles du Parti (Arch. Nat. F7/12948). De retour à Paris, il affirma devant le Comité directeur réuni du 12 au 16 décembre son « hostilité très nette contre les décisions du IVe congrès » (Arch. Humbert-Droz, t. 1, p. 414). Son compte rendu de mandat à la Fédération départementale et à la section stéphanoise du Parti communiste suscita-t-il une « grande émotion » (La Loire républicaine, 26 décembre 1922) : un délégué du Comité directeur du Parti, Rieu, le sommait de s’expliquer dans une réunion publique et contradictoire. Ferdinand Faure refusa de se prêter à une « campagne » où l’on convoquait publiquement les communistes « à grand renfort de presse et de grosse caisse » dans le but « de jeter à l’avance les camarades du Parti les uns contre les autres ». Ferdinand Faure accepta par contre d’affronter Rieu, le 4 janvier 1923, au cours d’une réunion de la section stéphanoise du Parti communiste. Battu par 85 voix contre 65, il n’en fut pas pour autant immédiatement exclu, comme le demandait Rieu, la section ayant décidé de renvoyer ce dernier débat. Devant l’attitude adoptée par Ferdinand Faure et Ernest Lafont dans Le Réveil de la Loire, organe de la fédération communiste de la Loire, « véritable déclaration de guerre à l’Internationale communiste », aux yeux de l’Humanité, le comité directeur prononça leur exclusion immédiate du PC (La Tribune, 11 janvier 1923). Elle fut ratifiée par la section de Saint-Étienne, par 86 voix contre 55. Ferdinand Faure put néanmoins s’expliquer devant le congrès fédéral de Roanne qui ratifia les exclusions par 33 voix contre 23 et 2 abstentions, le 14 janvier 1923. Les « résistants » allaient former la fédération de la Loire de l’Union socialiste et communiste où Ferdinand Faure continua à assumer des tâches de direction.

Candidat du Cartel des Forces de gauche, Ferdinand Faure fut élu député de la Loire le 11 mai 1924.

Après avoir démissionné de l’USC, Ferdinand Faure adhéra en 1927 au Parti socialiste SFIO qui le présenta aux élections législatives d’avril 1928 dans la deuxième circonscription de Saint-Étienne.

Soucieux de modifier l’image de marque d’une formation où les intransigeants ne voulaient « voir que Renaudel et Paul Boncour » (La Tribune, 29 mars 1928), le nouveau candidat du Parti socialiste se lança dans une violente campagne contre le Bloc républicain et socialiste et, en particulier, contre la personne d’Antoine Durafour, leader du Parti radical-socialiste dans la Loire et ministre du Travail.

N’ayant obtenu que 2 771 voix sur 20 421 suffrages exprimés, contre 2 à l’anarchiste Reynaud, 23 au socialiste-communiste Jourjon*, 132 au républicain-socialiste Grange, 327 au candidat SFIO dissident Guillot*, 438 au socialiste indépendant Chauvinc, 811 au candidat de la « Jeune République » Bruyère, 4 769 au communiste Le Griel, 5 086 au radical-socialiste Vernay, et 6 068 au candidat de l’URD Sagnardon, Ferdinand Faure dut se retirer au second tour, permettant ainsi l’élection du candidat Durafour. La même année, aux élections cantonales, c’est encore le « durafouriste » Vernay qui fut opposé à Ferdinand Faure avec la complicité, comme en avril, du seul « élu législatif » socialiste de la Loire, Sérol, qui apporta sa caution au candidat radical : Ferdinand Faure, écoeuré, renonça à maintenir sa candidature (Mémorial, 6 octobre 1928). Dès lors, le leader socialiste de Saint-Étienne n’eut plus de mots pour qualifier les « réactionnaires » du Bloc républicain-socialiste. Il n’hésita pas à évoquer les compromissions du député Durafour dans le scandale des jeux d’Aix-les-Bains en 1926. Il n’est donc pas surprenant que Ferdinand Faure prît contre ce dernier le parti du maire de Saint-Étienne, Louis Soulié, à son tour compromis dans l’affaire des « Terrains d’aviation », terrains municipaux cédés par la ville, dans des conditions jugées suspectes par Durafour et ses amis, à la Société Gnôme-et-Rhône dans le but d’y faire construire une usine de construction aéronautique. Il fut entraîné dans la déconfiture du maire sortant aux élections municipales anticipées de 1930.

Après ce triple échec, Ferdinand Faure tenta de « remonter la côte » (Le Mémorial) aux élections cantonales de 1931 : il se présenta au conseil général dans le canton de Saint-Étienne Sud-Est contre le nouveau maire, Antoine Durafour, sous l’étiquette de l’« Union des gauches », avec le soutien du BRS (nuance Soulié).

Ferdinand Faure n’obtint que 1 025 voix contre 738 au communiste Jean Doron, 3 107 au candidat de l’URD, Pierre Doron, et 3 674 au radical-socialiste Durafour, au premier tour. Ferdinand Faure se désista, au nom de la discipline républicaine, en faveur de Durafour qui l’emporta au second tour sur Pierre Doron, par 4 574 voix contre 3 225, tandis que le candidat communiste, qui s’était maintenu, obtint 488 suffrages.

Aux élections sénatoriales de 1932, F. Faure n’obtint que 73 voix sur 986 suffrages exprimés au premier tour, contre 419 aux candidats radicaux-socialistes, les sénateurs sortants Merlin, Drivet et Robert, 492 au républicain de gauche Taurines et 446 au candidat de l’URD, Neyret. N’ayant obtenu que 45 suffrages sur 988 au deuxième tour, contre 461, 464 et 455 aux trois candidats radicaux-socialistes, 503 à Taurines (élu) et 459 à Neyret, l’ancien député de la Loire se désista en faveur des candidats radicaux-socialistes.

Ferdinand Faure fut de nouveau battu aux élections cantonales de 1934 pour le renouvellement du conseil général dans le canton Sud-Ouest de Saint-Étienne : il n’obtint que 737 voix au premier tour, derrière le radical-socialiste dissident Courbis (852), le communiste Ramier (857), le radical-socialiste Teissier (1 252) et le candidat de l’URD, Pierre Doron (2 365). Ferdinand Faure se désista, comme Courbis et Ramier, en faveur du candidat de gauche le mieux placé, assurant de justesse la victoire de Teissier sur Doron par 3 282 voix contre 3 020. Ferdinand Faure eut enfin sa revanche aux élections municipales de 1935 qui, placées sous le signe du Front populaire, virent un retour en force de la gauche à l’Hôtel de Ville de Saint-Étienne, sous l’égide de Louis Soulié : le vieux leader socialiste, élu le 12 mai 1935 avec 17 686 voix, fut nommé deuxième adjoint, derrière le communiste B. Ramier*. Il fit partie de la délégation du conseil municipal de Saint-Étienne envoyée en Russie sur l’invitation du Soviet de Moscou.

Ferdinand Faure, à qui les succès du Parti communiste passaient pour porter ombrage, « rongeait son frein depuis fort longtemps » lorsqu’eut lieu, le 31 mai 1937, l’invasion de la salle du conseil municipal par des employés municipaux mécontents du retard apporté au paiement d’une allocation supplémentaire. Y vit-il l’occasion d’une « revanche » (La Tribune, 2 juin 1937) ? Toujours est-il que, le maire ayant rappelé à l’ordre, fort sèchement, les manifestants, Ferdinand Faure s’attira leurs applaudissements en réclamant pour eux la liberté d’expression : les communistes, pas plus que les amis de Louis Soulié, n’apprécièrent cette intervention, qualifiée de « démagogique », qui rompait ouvertement la solidarité du conseil municipal (La Tribune, 3 juin 1937).
Ferdinand Faure n’en posait pas moins à l’homme de l’unité à tout prix avec le PC, face à certains notables du Parti socialiste de la Loire qui, bien avant Munich, s’opposaient à la politique de fermeté préconisée par le PC, face aux prétentions d’Hitler. C’est ce qui ressort de la divergence d’interprétation survenue entre Ferdinand Faure et Jean Robert* à propos d’un texte commun au PC et au PS qu’aurait approuvé « à l’unanimité » la délégation socialiste : Robert renia sa signature en déclarant après coup n’approuver « ni l’esprit, ni les termes » (La Tribune, 3 mars 1938) d’un ordre du jour qui proclamait la « faillite » de « la politique de conciliation » (La Tribune, 1er mars 1938). Cependant, la majorité fédérale du Parti socialiste, dont faisait partie Ferdinand Faure, semble s’être ralliée à cette politique au moment de la crise de Munich.

L’opposition commune aux décrets-lois allait ressouder un instant l’unité des deux principales composantes du Front populaire, et la motion Léon Blum, défendue par Ferdinand Faure et Albert Sérol, l’emporta dans la Loire par 176 mandats contre 114 à la motion Paul Faure, qui avait pourtant le soutien de Jean Robert et du secrétaire fédéral, Roiron*, avant le congrès national du Parti socialiste SFIO en 1938.

Après la signature du Pacte germano-soviétique, la fraction socialiste du conseil municipal de Saint-Étienne, présidée par Ferdinand Faure, mit au pied du mur les conseillers communistes en leur demandant de se désolidariser de Staline : sur le refus de ces derniers, les élus socialistes quittèrent la salle du conseil (La Tribune, 31 août 1939), sans pour autant donner à ce geste le caractère d’un quelconque désaveu de l’action du maire, Louis Soulié (La Tribune, 1er septembre 1939). Après la mort de ce dernier au lendemain de la déclaration de guerre, le 9 septembre, ce fut Ferdinand Faure qui le remplaça dans ses fonctions, par suite de l’élimination du groupe communiste du conseil municipal. Ferdinand Faure, s’associant à l’action des autorités contre les syndicats restés fidèles à Moscou, profita de ses fonctions pour les expulser de la Bourse du Travail de Saint-Étienne, le 5 octobre 1939 : pour justifier cette intrusion dans la vie de la Bourse du Travail, le maire intérimaire invoqua « la désaffection chaque jour plus marquée des masses envers les défenseurs de Staline et Hitler » (La Tribune, 17 octobre 1939).

Un peu plus tard, Ferdinand Faure employait le même argument pour justifier la « débolchevisation » symbolique consistant à débaptiser les rues ou les salles qui, à la faveur du Front populaire, avaient reçu les noms patronymiques de militants communistes. Il approuva avec la même véhémence, le 31 janvier 1940, la déchéance des conseillers municipaux communistes qui n’avaient pas répudié publiquement « l’odieux pacte germano-russe » avant le 26 octobre (Bulletin municipal de la Ville de Saint-Étienne, S. 31 janvier 1940), une sévérité que justifiait après coup, aux yeux de Ferdinand Faure, après le partage de la Pologne, l’invasion de la Finlande, puis l’agression allemande contre le Danemark et la Norvège, ce qui, à ses yeux, assimilait désormais la propagande défaitiste des communistes à une pure et simple « trahison » (Bulletin municipal de la ville de Saint-Étienne, S. 30 avril 1940).

En revanche, les syndicalistes du journal Au Travail l’ont accusé après coup d’avoir amputé le traitement d’agents communaux pendant la période où ils avaient été mobilisés, ce qui ne l’avait pas empêché de saluer la résistance héroïque des soldats du 38e RI – le régiment de Saint-Étienne – face à l’invasion en mai 1940.

Après le 10 juillet 1940, Ferdinand Faure, attaqué sur sa gauche par les communistes qui s’en prenaient en des termes empruntés à la phraséologie nazie au « maire maçon » de Saint-Étienne, dans Le Cri du peuple de la Loire clandestin en septembre 1940 (Jean Nocher, « Les Vampires », Le Pamphlet atomique, 8, 15 janvier-15 février 1948, p. 3, note 1), n’en fut pas moins suspendu par le gouvernement de Vichy en application d’un décret du 30 octobre 1940, notifié le 20 novembre 1940, qui visait les municipalités qui ne s’étaient pas « ouvertement ralliée(s) à M. le Maréchal Pétain » (Arch. Dép. Loire, 2 W 119). Il n’en fut aps moins, à la Libération, pris à partie par les communistes qui se souvenaient de la virulence de ses attaques contre leurs élus après la signature du pacte germano-soviétique. Le Conseil qu’il présidait en 1940 ne fut pas rétabli dans ses fonctions, mais remplacé, le 24 août, par une municipalité provisoire choisie par le Comité de Libération et Ferdinand Faure fut menacé d’être incarcéré par le Comité d’épuration de Saint-Étienne. On l’accusait en particulier d’avoir révoqué, sous l’Occupation, un employé municipal soupçonné d’avoir diffusé un tract. Le Comité dut toutefois abandonner les poursuites devant l’opposition de la population. D’autre part, s’il avait été réintégré par la section stéphanoise de la SFIO le 3 décembre 1944, ce n’est qu’en septembre 1946 qu’une majorité au congrès de la SFIO accepta sa réintégration au sein du parti, réintégration qui fut, il est vrai, repoussée par une voix de majorité au congrès national.

Ferdinand Faure était réputé pour sa « fermeté d’opinion » qui lui avait sans doute valu le surnom de « Turc » qu’appelait son patronyme (Le Cri du peuple, 4 février 1928). Il se distingua tout au long de sa carrière politique par la violence de son langage.

Franc-maçon, il appartenait à la L… « l’Industrie » de l’O… Saint-Étienne (Dictionnaire des Francs-maçons français).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article23724, notice FAURE Ferdinand par Jean Lorcin, Justinien Raymond, version mise en ligne le 23 novembre 2008, dernière modification le 6 novembre 2022.

Par Jean Lorcin, Justinien Raymond

Ferdinand Faure (1921)
Ferdinand Faure (1921)
cc Agence Meurisse

ŒUVRE : Ferdinand Faure collabora aux journaux suivants : Le Socialiste, organe fédéral, avant la 1re guerre, fondé en 1907. — Le Peuple, lancé comme quotidien deux mois avant les élections de 1919 ; il parut ensuite comme hebdomadaire. — Nombreux éditoriaux dans L’Action ouvrière et paysanne avant la Grande Guerre, notamment « Regrettable manœuvre » (28 février 1914) et « Après la grève : les mineurs rendent justice au Parti socialiste et à eux-mêmes » (7 mars 1914), et dans Le Peuple de la Loire (à partir de 1919), notamment « Le bloc Taurines » (6 novembre 1921), « Élections brusquées et carte » (20 janvier 1924), « Sur les ruines du Cartel » (19 avril 1925).

SOURCES : Arch. Ass. Nat., dossier biographique. — Arch. Nat., F7/12948. — Arch. Dép. Loire, 3 M 47, 3 M 55, 3 M 67, 3 M 70, 3 M 74, 3 M 77, 4 M 108, 4 M 112, 4 M 123, 4 M 125, 4 M 127, 5 M 26, 6 M 62, 93 M 29, 93 M 31, M 539-541 (dossiers politiques 1920-1925), 2 W 17, 2 W 119, 85 W 94, 85 W 154. — IMTh., bobines 30 et 43. — Le Congrès de Tours, édition critique, op. cit. — Bulletin municipal, Saint-Étienne, séances des 31 octobre 1929, 31 août, 30 novembre et 31 décembre 1939, 31 janvier, 30 avril et 31 mai 1940. — Le Mémorial de la Loire, 23 février, 6 et 16 avril 1924, 25 janvier et 25 avril 1925, 28 septembre, 1er octobre, 2 et 6 octobre 1931, 3 avril 1932, 30 septembre 1932, 1er février 1940. — La Loire républicaine, 26 décembre 1922 (« À Moscou, M. Ferdinand Faure s’est élevé contre la dictature de Trotsky »), 30 et 31 décembre 1922. — La Tribune républicaine, 18 et 25 novembre, 1er, 10, 11, 15 décembre 1919, 6 janvier 1923, 11 janvier 1923 (« Adversaires, oui !!! déloyaux, jamais !!! » et « MM. Ernest Lafont et Ferdinand Faure exclus du PC »), 12, 13 et 15 janvier 1923, 14 septembre 1923 (« Réponse d’un modeste “politicien” à deux syndicalistes purs »), 23 février, 28 avril, 12 mai 1924, 26 avril 1925, 5 mai 1927, 29 mars, 12, 20, 21, 22 avril, 6 octobre 1928 (« M. Ferdinand Faure retire sa candidature »), 25 octobre 1929, 6 septembre 1931, (« Le député Durafour et les affaires financières »), 9 octobre 1931 (« Inconscience ou imposture »), 10 octobre 1931 (« Réponse à un moraliste »), 13 octobre 1931, 16 octobre 1932, 11 février, 26 et 29 septembre, 3 et 4 octobre 1934, 1er et 12 mai 1935, 1er, 2, 3 et 5 juin 1937 (« La manifestation de l’Hôtel de Ville »), 1er et 3 mars, 27 septembre, 29 octobre, 27 novembre, 4 et 20 décembre 1938, 25 janvier, 30 août 1939 (« Les socialistes de la Loire et le Pacte germano-soviétique »), 31 août 1939 (« Le Pacte germano-soviétique provoquera-t-il une rupture au conseil municipal de Saint-Étienne ? »), 1er septembre, 17 octobre 1939. — Le Peuple de la Loire, 16 et 18 septembre 1919. — Le Cri du peuple, 4 février 1928 (« Le “Turc” fonce »), 11 février 1928 (« Le chef » et « Plus bas » … « dans la boue »), 18 février 1928, 3 mars 1928 (« Ni l’un, ni l’autre », et « F. Faure et le Bloc des gauches »), 31 mars 1928 (Jean Doron, « Les chefs socialistes et nous »), 20 octobre, 3 novembre 1928, 12 septembre 1931 (« Pas pour vos putains ! »), 24 octobre 1931, 5 mars, 9 avril, 16 avril 1932, 6 janvier 1938, 16 octobre 1944. — La République, 26 septembre 1931. — Le Courrier de l’Ondaine, 8 octobre 1932. — L’Humanité, 11 janvier, 23 janvier, 5 mars 1924, 8 avril 1925 (« Les manœuvres des chefs réformistes », par Frachon). — Au Travail, 26 juin 1943. – Jean Nocher, « Les Vampires », Le Pamphlet atomique, 8 et 15 janvier, 15 février 1948. — Pétrus Faure, Histoire du mouvement ouvrier dans le département de la Loire entre les deux guerres mondiales, Saint-Étienne, Imprimerie Dumas, 1956 ; La Terreur rouge, Saint-Étienne, Imprimerie Dumas, 1975. — G. et M. Raffaelli, Le Mouvement ouvrier contre la guerre, mémoire de maîtrise, Paris-Vincennes, 1970. — H. Destour, Les syndicalistes révolutionnaires et le mouvement syndical dans le département de la Loire entre les deux guerres, mémoire de maîtrise, Saint-Étienne, 1971. — Henry Destour, Les Syndicalistes révolutionnaires et le Mouvement syndical dans la Loire entre les deux guerres mondiales, mémoire de maîtrise, Saint-Étienne. — J.-P. Martin, Le syndicalisme révolutionnaire chez les métallurgistes de l’Ondaine (1906-1914), mémoire de maîtrise, Saint-Étienne, s.d. — Monique Luirard, La Région stéphanoise dans la guerre et dans la paix (1936-1951), Centre d’études foréziennes/Centre interdisciplinaire d’études et de recherches sur les structures régionales, 1980. — Jacques Girault, Benoît Frachon Communiste et syndicaliste, Presses de la Fondation nationale des Sciences politiques, 1989. — Archives de Jules Humbert-Droz : I. Origines et débuts des Partis communistes des pays latins (1919-1923), Dordrecht-Holland, 1970 ; II. Les partis communistes des pays latins et l’Internationale communiste dans les années 1923-1927, Dordrecht-Holland, 1983.

ICONOGRAPHIE : Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes II, op. cit., p. 313.

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