KINOSHITA Naoe

Né le 12 octobre 1869, dans le département de Nagano ; mort le 5 novembre 1937. Socialiste chrétien ; pionnier du socialisme ; romancier.

KINOSHITA Naoe était le fils aîné de KINOSHITA Hidekatsu, guerrier de classe inférieure de l’ancien clan de Matsumoto. Il vécut son enfance à Kitafukashi, dans la ville de Matsumoto, département de Nagano. Quand il eut terminé ses études primaires à l’école de Kaichi, il entra, en automne 1881, au lycée de Matsumoto. Découvrant, à l’âge de seize ans, celui qui avait dirigé la révolution puritaine en Angleterre, Oliver Cromwell, il en devint un admirateur si fervent qu’on le surnomma Cromwell, malgré sa constitution physique délicate et son caractère introverti. Militant également dans le Mouvement pour la liberté et les droits du peuple (Jiyū minken undō), il devint partisan de la révolution politique.
Dès sa sortie du lycée en 1886, KlNOSHlTA Naoe se rendit à Tōkyō où il poursuivit ses études supérieures. Il avait choisi le droit anglais, en pensant y trouver l’arme qui avait permis à Cromwell d’exécuter le roi. Mais déçu de découvrir que la loi anglaise plaçait le souverain au­ dessus de tous les organes du pouvoir, le rendant par cela même, infaillible, il perdit le goût d’étudier le droit. La répression qu’exerça le gouvernement à partir de décembre 1887, date à laquelle fut promulgué l’Arrêté sur le maintien de l’ordre, exaspéra KINOSHITA Naoe ; et, après avoir été diplômé de l’Ecole spécialisée de Tōkyō au cours de l’été 1888, il retourna dans sa région natale où il travailla comme journaliste au Shin’yō nippō (Quotidien de Shin’yō), organe local de Matsumoto.
Il souhaitait devenir député à la Diète qui fut élue trois ans plus tard. Il joua un rôle actif quand il fut question de diviser le département de Shinshū et de transférer la préfecture, question dont l’enjeu était devenu politique précisément à l’époque où il était revenu. D’abord soutenu par le parti local, il entra ensuite en conflit avec le provincialisme étroit des citoyens de Matsumoto ; ce différend entraîna la fermeture du Shin’yō nippō (Quotidien de Shin’yō) et ruina ses projets parlementaires. KINOSHITA Naoe fut tellement marqué par cet échec qu’il se tourna vers la religion chrétienne. Converti, il fut baptisé à Matsumoto en 1893. Il milita alors dans le mouvement pour l’interdiction des boissons alcoolisées et dans le mouvement pour la fermeture des maisons closes. Il tenta en outre d’exercer la profession d’avocat, mais sans grande conviction ; il reprit bientôt sou activité de journaliste et devint rédacteur en chef de Shinpu nippō (Quotidien de Shinpu). Un de ses éditoriaux, « Traité sur la réforme », de janvier 1894, provoqua un véritable scandale, si bien que la parution du journal fut interdite et qu’il fut poursuivi en justice. Cet écrit dénotait une attitude critique à l’égard du régime impérial, qui allait caractériser ses prises de position politiques ultérieures.
KINOSHITA Naoe contribua avec ISHIKAWA Hanzan et NAKAMURA Daihachirō au développement du mouvement pour le suffrage universel, à partir du Groupe de recherches sur les problèmes sociaux de Matsumoto (Shakaimondai kenkyūkai). Mais à nouveau impliqué dans une campagne « de diffamation » qu’il avait menée en août 1898 à l’occasion des élections des conseillers généraux, il resta emprisonné jusqu’en décembre. Trois mois plus tard, il partit pour Tōkyō où il fut engagé comme journaliste au Mainichi shimbun (Journal Mainichi). Le directeur du grand quotidien, SHIMADA Saburō, accueillit favorablement KINOSHITA Naoe qui eut alors une plateforme pour diffuser ses idées sur la paix, contre la doctrine de l’identité nationale, contre les maisons closes et faire connaître le problème de la pollution de la mine de cuivre d’Ashio. Ces articles le placèrent bientôt au tout premier rang du journalisme ; leur impact était tel que la femme de KUROKAWA, propriétaire des mines d’Ashio, se suicida, bouleversée par ce qu’il avait écrit sur la question des nuisances. Il parait probable aussi que l’assassinat de HOSHI Tōru, l’éminence grise dans la politique municipale de Tōkyō, fût le fruit de la violente campagne que KINOSHITA Naoe mena contre lui dans la presse.
Lié d’amitié avec KŌTOKU Shūsui, KINOSHITA Naoe prit part, en octobre 1889, à la formation de l’Association pour l’obtention du suffrage universel (Futsūsenkyo kisei dōmei). L’année suivante il entra à l’Association socialiste (Shakaishugi kyōkai) et en 1901, lors de la création du Parti social-démocrate (Shakai minshu tō), premier parti politique d’obédience socialiste au Japou, il en fut l’un des six fondateurs, avec KATAYAMA Sen, ABE Isoo et KŌTOKU Shūsui. Il se présenta, en juillet 1902, avec le soutien d’un chrétien de Maebashi, aux élections pour la Chambre des représentants mais il n’obtint que 29 voix.
KINOSHITA Naoe se consacra ensuite à l’agitation antimilitariste qui se développa à partir de 1903 contre la guerre russo-japonaise. Il collabora, en qualité d’éditorialiste au Heimin shimbun (Journal de l’homme du peuple) dès sa création par KŌTOKU Shūsui et SAKAI Toshihiko. Et chaque fois que la liberté de presse fut attaquée, il apporta son soutien aux rédacteurs ; il prit progressivement, surtout après l’emprisonnement de KŌTOKU Shūsui et SAKAI Toshihiko, une place centrale dans l’activité de la Société de l’homme du peuple (Heiminsha).
A la veille de la guerre russo-japonaise, entre janvier et mars 1904, KINOSHITA Naoe fit paraître sous forme de feuilleton, dans le Mainichi shimbun (Journal Mainichi), son roman antimilitariste, Hi no hashira (La Colonne de feu) qui eut un succès retentissant. En août, il entreprit d’écrire Ryōjin no jihaku (Les Confessions de Ryōjin), roman fleuve qui le consacra comme auteur littéraire.
Quand la Société de l’homme du peuple (Heiminsha) fut dissoute en novembre 1905, KINOSHITA Naoe fonda avec ISHIKAWA Sanshirō et ABE Isoo, Shin kigen (l’Ère nouvelle), revue mensuelle du socialisme chrétien dans laquelle il fit paraître d’excellents articles comme par exemple une critique des « accords » nippa-coréens qui réduisaient à néant l’indépendance du peuple de Corée, une dénonciation de l’assujettissement des universités impériales (les universités publiques de cette époque) au gouvernement, et une analyse de la première Révolution russe. Il ne participa pas à la formation du Parti socialiste japonais en février 1906 ; cependant, il prit la tête du mouvement de masse qui se développa en mars contre l’augmentation du prix des tramways à Tōkyō. Trois mois plus tard, il rallia le Parti socialiste avec KŌTOKU Shūsui qui était revenu d’Amérique. Mais à cette même époque, il commença à douter de l’utilité de poursuivre son action sociale, découragé par l’ivresse patriotique consécutive à la victoire du Japon dans la guerre.
La mort de sa mère l’avait aussi fortement atteint et, en septembre, il quitta le Parti socialiste ; en novembre, Shin kigen (l’Ère nouvelle) cessa d’être publiée après un dernier numéro où KINOSHITA Naoe faisait son autocritique pour n’avoir pas su choisir entre le christianisme et le socialisme.
Ayant quitté le mouvement socialiste, KINOSHITA Naoe cessa de militer. Il protesta cependant encore une fois, en juillet 1907, contre la pollution par le cuivre menaçant la vie et la santé des habitants du village de Yanaka et entreprit de publier Shinseikatsu (Vie nouvelle), et Shintenchi (Monde nouveau), revues qui n’eurent qu’une brève existence. Par la suite, il abandonna aussi la religion chrétienne pour se tourner vers la méditation zen de l’école bouddhiste d’OKADA. Écrivant ses mémoires et plusieurs ouvrages philosophiques, il mena une vie retirée jusqu’à sa mort en 1937 à l’âge de soixante-neuf ans. On dit qu’à la fin de ses jours KlNOSHITA Naoe, inquiet devant la montée du fascisme durant l’ère Shōwa, aurait souhaité rejoindre le mouvement social.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article237278, notice KINOSHITA Naoe, version mise en ligne le 29 juillet 2022, dernière modification le 30 avril 2021.

ŒUVRE : KINOSHITA Naoe chosakushū (Œuvre de KINOSHITA Naoe) en 18 volumes, publication du premier volume en 1968, en cours de parution, édité par Meiji bunken.

SOURCES : YAMAGIWA Keiji, KINOSHITA Naoe, ichi’senkakusha no tatakai to nayami (Le Combat et les tourments d’un pionnier, KINOSHITA Naoe),1955, édité par Rironsha.

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