MATSUMOTO Jiichirō

Né le 18 juin 1887 dans le département de Fukuoka ; mort le 22 novembre 1966. Dirigeant du mouvement de libération des « gens des hameaux » (bunrakumin). Député socialiste.

MATSUMOTO Jiichirō consacra toute sa vie à lutter pour l’égalité et la dignité des hommes et pour obtenir l’émancipation intégrale de ces « parias du Japon » ; aussi est-il vénéré, par trois millions d’habitants des six mille hameaux concernés, comme un père et un maître. Il répétait toujours : « Là où existe la noblesse existent les parias » et son credo était : « Ne pas agresser, ne pas se laisser agresser ».
MATSUMOTO Jiichirō naquit au sein d’une famille paysanne d’Azakanahira dans le village de Toyohira (actuellement Umaide-kagami dans la ville de Fukuoka), district de Tsukushi, département de Fukuoka. Après avoir terminé ses études à l’école primaire supérieure de Sumiyoshi, il fréquenta pendant quelque temps l’Institut privé Kazuya qu’il quitta cependant très vite en signe de protestation contre la vive discrimination dont il était l’objet ; il suivit alors les cours de l’École secondaire Kanjō de Kyōto, puis ceux de l’École secondaire Kinjō à Tōkyō mais il interrompit ses études en cours de scolarité dans les deux cas pour les mêmes raisons. Quand il eut passé le conseil de révision en 1907, il s’embarqua pour la Chine où, exerçant divers métiers comme celui d’employé des postes, de diseur de bonne aventure sur les grands chemins ou de vendeur de produits pharmaceutiques, il parcourut le continent en tous sens. Indigné à la fois par la politique d’oppression de la Chine pratiquée par les grandes puissances impérialistes et par le régime absolutiste de la dynastie chinoise au pouvoir, MATSUMOTO Jiichirō se déclara solidaire du peuple chinois, et fut finalement l’objet en 1910, d’une mesure de renvoi forcé au Japon de la part du consulat de son pays. Il aida alors son frère aîné dans l’entreprise de construction que celui-ci dirigeait et fonda l’année suivante sa propre entreprise de construction Matsumoto gumi.
En 1916, indigné par l’arrestation d’habitants de hameaux non émancipés (burakumin) qui avaient protesté contre un article discriminatoire paru dans le Hakata mainichi shinbun (Le Quotidien de Hakata), MATSUMOTO Jiichirō s’engagea dans la lutte pour l’abolition des préjugés sociaux. Ayant fondé en 1921 le Groupe de Chikuzen (Chikuzen kyōkakudan), il entra en conflit avec les autorités du département de Fukuoka à propos de la fête destinée à marquer le tricentenaire du fondateur de l’ancien clan de Fukuoka, KURODA Nagamasa : le préfet avait l’intention de réunir les fonds nécessaires au moyen d’une cotisation forcée qui serait prélevée auprès des anciens sujets du seigneur, c’est­ à-dire la population du département ; MATSUMOTO Jiichirō obtint, après avoir rencontré le préfet au cours d’une audience privée, que l’on substitue à ce principe de prélèvement obligatoire celui de la contribution volontaire. Quand, en mars de l’année, suivante fut constituée à Kyōto la Société nationale de nivellement (Zensui ou Zenkoku suiheisha), MATSUMOTO Jiichirō ne se contenta pas d’en devenir membre, mais, dans la même perspective, organisa deux mois plus tard, la Société de nivellement de Kyūshū (Kyūshū suiheisha) dont il fut élu président. Après l’adoption, par le IIIe congrès de la Société nationale de nivellement (Zensui) de 1924, d’une résolution présentée et défendue par MATSUMOTO Jiichirō dans laquelle il était conseillé « fermement à la famille des TOKUGAWA de renoncer à ses titres de noblesse » celui-ci se proposa et fut admis comme responsable du Comité constitué à cet effet. Alors même que se déroulaient les pourparlers au cours d’une visite qu’il effectuait chez le duc TOKUGAWA Ietatsu, éclata d’Affaire de la tentative d’assassinat du duc ; cette circonstance permit la mise en état d’arrestation de MATSUMOTO Jiichirō ; son procès se poursuivit jusqu’à la Cour de cassation qui ne fit que confirmer en 1927 le jugement le condamnant à une peine de quatre mois de prison ferme. MATSUMOTO Jiichirō avait également assumé au congrès suivant (1925) de la Société nationale de nivellement (Zensui) les fonctions de président et avait d’ailleurs été élu président du Comité central de l’organisation. C’est ainsi que, placé aux positions les plus élevées dans le mouvement — il sera plus tard président de l’exécutif — il poursuivit désormais son action pour la libération des « gens des hameaux » (burakumin). En 1926, la Société nationale de nivellement (Zensui) entreprit une campagne de dénonciation systématique des discriminations existant au sein même du régiment du département de Fukuoka ; cette campagne ne pouvait être tolérée par les autorités car elle portait atteinte au prestige de l’armée de l’Empereur et une nouvelle affaire de « conspiration pour un attentat à la dynamite contre le régiment de Fukuoka » fut montée de toutes pièces qui entraîna l’arrestation des membres de la Société de nivellement dont MATSUMOTO Jiichirō. Condamné à une peine d’emprisonnement de trois ans et six mois en 1927, ce dernier fit appel, mais la Cour de cassation ayant confirmé l’année suivante le premier jugement, la Cour suprême rejeta l’appel ; il fut mis en liberté provisoire en 1931.
Dès sa libération, il reprit ses activités au sein du mouvement d’émancipation. En 1933, un habitant d’un hameau discriminé fut déclaré coupable par le tribunal de première instance de Takamatsu pour n’avoir pas révélé son origine au moment de son mariage. La Société de nivellement (Zensui) organisa alors un Comité national de lutte pour la contestation des sentences discriminatoires (Sabetsu saiban kyūdan tōsō zenkoku iinkai) afin de coordonner les revendications concernant la vie quotidienne dans les hameaux et le mouvement pour l’abolition de toute discrimination. Des marches de protestation eurent lieu de Kyūshū à Tōkyō, tandis que des pourparlers se déroulaient avec les autorités, et les demandes d’annulation de jugements discriminatoires furent satisfaites. L’organisation prit alors un nouvel essor.
Pendant ce temps, MATSUMOTO Jiichirō porta la lutte sur le terrain politique et se présenta aux élections générales de 1928 sur une liste du Parti des ouvriers et des paysans (Rōdō nōmin tō) mais sa tentative échoua ; s’étant présenté de nouveau eu 1936, il fut cette fois élu député à la Chambre des représentants, grâce également aux voix recueillies en dehors des hameaux discriminés ; son mandat fut renouvelé trois fois et s’étant affilié au Parti socialiste populaire (Shakai taishū tō), il poursuivit sa lutte contre les discriminations en prenant une part active dans les débats de la Diète impériale, en particulier sur les sujets de l’abolition du système nobiliaire et de la réconciliation nationale. Face à la montée du fascisme au Japon, la Société nationale de nivellement (Zensui) adopta une attitude de résistance et même, après la déclaration de guerre sino-japonaise en 1937, lorsque les syndicats ouvriers et paysans eurent été contraints, sous l’effet de la répression redoublée, à la dissolution, ou encore parfois à la collaboration, l’Association ne capitula jamais, unie derrière son étendard à la couronne d’épines. Après la fin de la guerre du Pacifique, le mouvement prit un nouveau départ en février 1946 grâce à la formation du Comité national pour la libération des hameaux (Buraku kaihō zenkoku iinkai) qui assuma l’héritage et la tradition de la Société nationale de nivellement (Zenkoku suiheisha) ; MATSUMOTO Jiichirō fut d’ailleurs élu président de l’exécutif. Ayant adhéré d’autre part au Parti socialiste japonais (Nihon shakaitō), il se présenta aux premières élections à la Chambre des conseillers qui eurent lieu en 1947 sur la liste nationale et fut élu quatrième de cette liste. Nommé à la première session de la nouvelle Diète vice-président de la Chambre des conseillers, il prononça à cette occasion un discours inaugural qui fit sensation sur le thème du « bouleversement de la structure de l’État, et de l’abolition de la Chambre des pairs ». Ayant refusé, lors de la deuxième session de la Diète, de participer à l’audience impériale qu’il assimilait à la « démarche tordue du crabe », il réussit à faire abandonner à partir de la session suivante de la Diète cette coutume pourtant vieille de nombreuses décennies. Puis, en tant que membre de la Commission chargée des questions relatives à la famille impériale, il lutta pour la limitation des privilèges de celle-ci au moyen des débats sur le budget et s’efforça de faire consacrer la souveraineté du peuple.
Pour toutes ces actions, MATSUMOTO Jiichirō fut bientôt considéré comme un ennemi par les forces conservatrices du pays et il fit l’objet en 1949 d’une mesure d’expulsion de la fonction publique à la suite de manœuvres du Cabinet YOSHIDA. Le Comité national pour la libération des hameaux (Buraku kaihō zenkoku iinkai) déclencha alors, de concert avec d’autres groupements démocratiques, une campagne nationale pour la révocation de cette mesure et obtint gain de cause deux ans plus tard, grâce à une pétition qui recueillit un million de signatures. Retrouvant exceptionnellement son siège à la Chambre des conseillers, MATSUMOTO Jiichirō fut réélu à trois reprises, en 1953, 1959 et 1965, toujours avec un nombre très élevé de voix. Le Comité pour la libération des hameaux (Buraku kaihō iinkai) se transforma en 1955 en Fédération pour la libération des hameaux (Buraku kaihō dōmei) et entreprit dès 1957, avec des groupements démocratiques et des associations publiques régionales, une campagne pour une politique nationale d’émancipation des hameaux discriminés. En 1965 fut publié le rapport de la Commission désignée à cet effet et quatre ans plus tard, la Loi spéciale sur les activités relatives à la politique d’assimilation et les décrets d’application furent promulgués. Même si ces mesures étaient encore insuffisantes, il reste que c’était un succès dans le sens où il était proclamé que la résolution fondamentale du problème des hameaux était, d’une part, une obligation pour toutes les associations nationales ou régionales et, d’autre part, un devoir pour la nation entière.
Parallèlement à ces activités, MATSUMOTO Jiichirō prit en outre part, en tant que délégué du Japon, à la réunion du Conseil mondial de la paix (Sekai heiwa hyōgikai), en 1954, à celle de la Conférence de solidarité des peuples d’Asie et d’Afrique (Ajiya afurika sho kokumin rentai kaigi) et à celle de la Ligue internationale contre les discriminations raciales ou nationales (Sekai jinshu minzoku sabetsu hantai kokusai renmei),

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article237365, notice MATSUMOTO Jiichirō, version mise en ligne le 29 juillet 2022, dernière modification le 9 juillet 2021.

SOURCES : Fédération pour la libération des hameaux, Kaihō no chichi, MATSU­MOTO Jiichirō (Le Père de la libération, MATSUMOTO Jiichirō), 1972.

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