OSUGI Sakae

Né le 17 janvier 1885 dans le département de Kagawa ; assassiné en prison le 16 septembre 1923, à Tōkyō. Principal leader et théoricien du mouvement anarchiste de 1910 à 1920.

Militant anarchiste, ŌSUGI Sakae lutta toute sa vie pour l’association libre (Jiyū rengō) des ouvriers, leur libération et leur indépendance. Fils aîné d’ŌSUGI Azuma, sous-lieutenant de l’armée de terre, ŌSUGI Sakae naquit à Marugame dans le département de Kagawa ; il fut déclaré à la mairie quatre mois après sa naissance, le 17 mai 1885, Peu après, son père ayant été affecté au régiment de la garde impériale, toute sa famille se rendit à Tōkyō, puis à Shibata dans le département de Niigata, en 1889, alors qu’ŌSUGI Sakae avait quatre ans.
En 1899, à l’âge de quatorze ans, il entra à l’école des cadets de l’armée de terre de Nagoya, mais il en fut expulsé en 1901 à la suite d’une lutte au corps à corps avec un de ses camarades de classe, au cours de laquelle il avait été gravement blessé. Après être rentré provisoirement à Shibata, il regagna Tōkyō l’année suivante. Il s’inscrivit au collège de Tōkyō (Tōkyō gakuin), mais il suivit assez peu les cours et fut reçu ensuite à l’école secondaire Junten en envoyant un ami passer l’examen d’admission à sa place.
C’est vers cette époque, qu’il commença à apprendre le français et qu’il se fit baptiser à l’église de Hongō. Il s’intéressa également aux problèmes et aux mouvements sociaux, comme par exemple à la lutte du village de Yanaka et à celle des habitants d’Ashio contre la pollution provoquée par la mine de cuivre du même nom.
Après sa sortie, en 1903, de l’école secondaire Junten, il entra dans la section de français de l’école des langues étrangères. Dans la situation tendue qui précéda l’ouverture des hostilités entre la Russie et le Japon, KŌTOKU Shūsui et SAKAI Toshihiko fondèrent, en 1903, la Société de l’homme du peuple (Heimin sha) ; ŌSUGI Sakae ne tarda pas à décider d’y militer. Vers cette époque, il abandonna le christianisme.
Lorsqu’il participa au mouvement contre l’augmentation du tarif des transports en mars 1906, ŌSUGI Sakae fut arrêté, inculpé avec NISHIKAWA Mitsujirō et YAMAGUCHI Koken pour crime d’attroupement, et incarcéré dans la prison de Tōkyō. Mis en liberté provisoire en juin, il se maria, trois mois plus tard, avec HORI Yasuko. Il organisa ensuite un cours d’espéranto en utilisant les locaux de l’école primaire Shūsei à Hongō, et fonda l’Association japonaise d’espéranto (Nihon esuperanto kyōkai) avec KUROITA Katsumi. En novembre de la même année 1906, il s’occupa de la rédaction et de la publication de la revue Katei zasshi (Revue du foyer). Peu après, il fut accusé d’avoir publié la traduction du pamphlet « Aux conscrits », paru en France dans L’Anarchie, « Shinpei shokun ni atau » (Discours aux nouveaux soldats) dans le numéro vingt et un de la revue Hikari (Lumière).
A partir de 1907, lorsque les divergences dans le camp socialiste entre la fraction de l’action directe et la fraction de la politique parlementaire se firent plus aiguës, ŌSUGI Sakae précisa sa position en faveur de l’action directe en publiant entre autres un essai « Ōshū shakai tō undō no taisei » (Tendance générale du mouvement des partis socialistes européens) dans le journal Nikkan heimin shimbun (Journal quotidien de J’homme du peuple). Il fut à nouveau accusé, en mars, pour sa traduction « Seinen ni uttau » (Appel à la jeunesse) de Kropotkine. Condamné sous ces deux chefs d’accusation successifs, celui de novembre 1906 et celui de mars 1907, il fut incarcéré en mai 1907 à la prison de Sugamo. Puis, lors des arrestations de membres de la Société du vendredi (Kin yōkai), au cours desquelles ces derniers étaient montés sur le toit de la maison dans laquelle se tenaient les réunions pour haranguer la foule, ŌSUGI Sakae fut détenu en janvier 1908 en même temps que YAMAKAWA Hitoshi et SAKAI Toshihiko, condamné à un mois et demi d’emprisonnement et incarcéré dans la prison de Sugamo. Il fut à nouveau arrêté en juillet avec ARAHATA Kanson au cours de la manifestation organisée par les membres du groupe d’action directe pour célébrer la sortie de prison de YAMAGUCHI Kōken et pour montrer leur supériorité sur le groupe de politique parlementaire (Affaire des drapeaux rouges). Condamné à deux ans et six mois de travaux forcés, ŌSUGI Sakae fut incarcéré à la prison de Chiba, d’où il sortit en novembre 1910. Sa détention lui valut cependant d’être épargné lors des inculpations relatives au Complot de lèse-majesté.
ŌSUGI Sakae fit ensuite partie de la Société d’édition Baibun sha et mit ses activités en sourdine pour échapper à la répression qui sévissait alors.
En octobre 1912, avant même que prit fin ce qu’on appela l’« ère d’hiver » (Fuyu no jidai) du mouvement socialiste, il fonda, avec ARAHATA Kanson, la revue Kindai shisō (La Pensée moderne) pour laquelle il essaya de rassembler de nombreuses études littéraires, idéologiques et philosophiques de libéraux et de socialistes de son époque. Il organisa, en outre, en 1913, plusieurs réunions du groupe de la revue Kindai shisō et, prenant l’initiative du Cercle d’études sur le syndicalisme (Sanjikarisumu kenkyū kai, future Conférence des hommes du peuple), se consacra à la propagation du mouvement anarchiste.
ŌSUGI Sakae, bientôt insatisfait de la tendance assez modérée de la revue Kindai shisō, l’abandonna finalement en septembre 1914 pour publier Je journal Heimin shimbun (Journal de l’homme du peuple) afin de rendre le mouvement plus actif et plus radical. Mais, cette publication fut saisie à chaque numéro, et ŌSUGI obligé d’en arrêter la parution en mars de l’année suivante. Il recommença à publier, en octobre 1915, la revue Kindai shisō (qui cessa de paraître en janvier 1916). Il eut vers cette époque une liaison avec une journaliste KAMICHIKA Ichiko et fit plus tard la connaissance de la rédactrice en chef de la revue Seitō (Bas bleus), ITŌ Noe. Au cours de ces relations sentimentales compliquées, ŌSUGI lut blessé d’un coup de poignard par KAMICHIKA Ichiko en novembre de la même année 1915 à la maison de thé Hikage-chaya de Hayama, dans le département de Kanagawa. ŌSUGI Sakae et HORI Yasuko, sa femme devant la loi, divorcèrent peu après, et il cohabita avec ITŌ Noe, ce qui lui valut d’être critiqué par ses camarades.
En janvier 1918, il s’installa à la cité ouvrière de Kameido à Tōkyō, et fonda en même temps, avec ITŌ Noe, la revue Bunmei hihyō (Critique de la civilisation) parue de janvier à avril. Peu de temps après, WADA Kyūtarō et HISAITA Unosuke vinrent habiter chez ŌSUGI , et ils publièrent, en avril de la même année, le journal Rōdō shimbun (Journal du travail) qui parut d’avril à juillet. ŌSUGI Sakae fréquenta également la Société d’entretiens sur les problèmes du travail (Rōdō mondai zadankai) dont le siège était dans le quartier d’Ueno-sakuragichō, et il milita activement en faveur de l’anarcho-syndicalisme. Lorsque le mouvement ouvrier commença à regagner en influence, ŌSUGI Sakae lança, en octobre 1919, la première édition de la revue Rōdō undō (Mouvement ouvrier) dont la publication sera interrompue en juillet de l’année suivante. Bien que se situant sur des positions anarchistes, il prit soin de donner dans cette revue des informations objec­tives sur l’ensemble du mouvement ouvrier et gagna une audience importante en milieu ouvrier. En décembre de la même année, une peine pour coups à agent de police ayant été confirmée, il fut incarcéré à la prison de Toyotama.
Libéré, ŌSUGI Sakae prit l’initiative de la fondation, en août 1920, de la Fédération socialiste du Japon (Nihon shakaishugi dōmei), organisation nationale de liaison des socialistes. Deux mois plus tard, il partit pour Shanghai clandestinement afin d’assister au congrès des socialistes d’Extrême-Orient et aussi avec l’intention de s’informer plus directement sur la réalité de la Révolution russe.
En janvier 1921, ŌSUGI Sakae recommença à publier la revue Rōdō undō, qui s’appuyait sur le front uni du groupe anarchiste constitué par d’anciens membres de la première revue Rōdō undō, et du groupe communiste dit « borushebiki >> (bolchevik, selon le terme utilisé à cette époque au Japon pour désigner les communistes par rapport aux anarchistes), comme II Takashi (dont le vrai nom était KONDŌ Eizō) et TAKATSU Seidō, par exemple. Mais, déçu par le front unifié d’anarchistes et de communistes, ŌSUGI Sakae abandonna cette revue qui cessa de paraître en juin ; dès lors, il critiqua vivement les « bolcheviks ». Ce fut uniquement avec des membres anarchistes qu’il reprit pour la troisième fois la publication de la revue Rōdō undō en décembre de la même année 1921. Les controverses entre anarchistes et communistes (Ana-boru ronsō) devinrent de plus en plus violentes lors du congrès pour l’Union des militants anarchistes et communistes, en septembre 1922. A ce congrès, ŌSUGI Sakae soutint fortement la théorie d’association libre (Jiyū rengō), à savoir la liberté de choix des organisations syndicales dans le soutien ou le non-soutien d’une formation politique.
En décembre de la même année, il quitta le Japon clandestinement pour assister au Congrès international des anarchistes de Berlin, et arriva en France en février 1923 après être passé par Shanghai. Le congrès de Berlin ayant été annulé, ŌSUGI Sakae séjourna à Paris, et, à la fête du Travail du 1er mai, il fit un discours à Saint-Denis dans la banlieue nord de Paris et fut arrêté. Comme il avait un faux passeport, il passa trois semaines à la prison de la Santé avant d’être expulsé de France. Ayant pris le bateau à Marseille, il regagna le Japon en juillet 1923.
Le mois suivant, il participa activement à la constitution de l’association des anarchistes au niveau national dont MOCHIZUKI Kei avait eu l’initiative, mais, ce projet ne put finalement être mené à bien.
Alors que les troubles sociaux qui suivirent le Grand tremblement de terre du Kantō n’étaient pas encore calmés, ŌSUGI Sakae fut arrêté le 16 septembre 1923 en même temps qu’ITŌ Noe et son neveu TACHIBANA Sōichi. Ils furent conduits an quartier général de la police militaire de Kōjimachi et tués le jour même.
Pour venger ŌSUGI Sakae, WADA Kyūtarō tenta sans succès de tirer sur le général FUKUDA Masatarō qui commandait le quartier général de l’armée à l’époque de l’état de siège qui suivit le Grand tremblement de terre du Kantō. Il fut imité par d’anciens camarades d’ŌSUGI, comme par exemple FURUTA Daijirō et MURAKI Genjirō, mais toutes ces tentatives échouèrent. Après la mort d’ŌSUGI Sakae, le mouvement anarchiste perdit rapidement son influence.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article237544, notice OSUGI Sakae, version mise en ligne le 29 juillet 2022, dernière modification le 29 juillet 2022.

ŒUVRE : ŌSUGI Sakae zenshū (Œuvres complète d’ŌSUGI Sakae), 1926. — Mikan ŌSUGI Sakae ikō (Écrits posthumes inédits d’ŌSUGI Sakae), 1927. — SUGI Sakae zenhū (Œuvres complètes d’ŌSUGI Sakae), 1964-1965.

SOURCES : ŌSAWA Masamichi, ŌSUGI Sakae kenkyū (Étude sur ÜSUGI Sakae), 1967. — KONDŌ Kenji, Ichi museifu shugisha no kaisō (Souvenirs d’un anarchiste), 1965.

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