SAIKŌ Mankichi (KIYOHARA Kazutaka, dit).

Né le 17 avril 1895 dans le département de Nara ; mort le 20 mars 1970. Militant du mouvement de libération des « gens des hameaux » (burakumin).

Fils aîné de KIYOHARA Mitsutaka, responsable du (temple) Saikoji de la secte Shinshū de tendance Nishi-honganji, SAIKŌ Mankichi naquit dans le hameau de Kashiwabara-hokuhō, village de Wakigami, district de Katsuragi du département de Nara. Ayant fait l’objet, dès l’école primaire, d’une vive discrimination sociale due à son lieu de naissance, il entra, en 1909, à l’école secondaire départementale d’Unebi qu’il quitta cependant en deuxième année, car il ne pouvait supporter la manière dont il était traité tant par ses maîtres que par les autres écoliers. Il se rendit alors à Kyōto pour y suivre les cours de l’école secondaire Heian qui était dirigée par des moines du temple principal de la secte bouddhiste de sa famille ; mais, étant là aussi en butte à des insultes et à un traitement discriminatoire, il interrompit ses études une nouvelle fois en deuxième année. Ayant décidé de se consacrer à l’art, il se rendit en 1912 à Tōkyō où il fréquenta l’Institut de peinture du Pacifique de NAKAMURA Fusetsu, non sans apprendre également la peinture de style japonais. En 1914, ses œuvres furent sélectionnées pour l’exposition de peinture Nika, mais là encore ses origines se révélèrent être un obstacle à tout succès ; il fréquenta alors assidûment la bibliothèque d’Ueno, pour y lire des ouvrages sur la religion, la littérature et les sciences sociales. Tombé malade, il retourna, au bord du désespoir, se soigner dans son village natal où, grâce aux soins et à la bienveillante collaboration d’un ami, SAKAMOTO Seiichirō, il reprit goût à la vie et constitua un Groupe des jeunes pour la concorde (Seinen kyōwa dan) dont l’objectif était de former les jeunes membres au moyen de la lecture et de la pratique des arts guerriers. Il conçut le dessein d’aller s’installer aux îles Célèbes dans le Pacifique Sud ; mais n’ayant pu mener à bien ce projet, il fonda la Société des hirondelles (Tsubame kai) et entreprit des voyages d’inspection dans chaque région du Japon dans la perspective de réaliser une enquête concernant la vie et les mœurs dans les hameaux discriminés ainsi que les possibilités d’amélioration des conditions d’existence ; il travailla en outre à la réforme de l’administration locale des villages et des arrondissements des villes. Ayant adhéré en 1920 avec SAKAMOTO Seiichirō à la Fédération socialiste du Japon (Nihon shakai shugi dōmei), il se lia avec des militants et des dirigeants socialistes tel que SAKAI Toshihiko, ŌSUGI Sakae, YAMAKAWA Hitoshi et IWASA Sakutarō ; c’est ainsi qu’il se mit à militer énergiquement pour promouvoir l’abolition totale des discriminations dont étaient victimes les « gens des hameaux » (burakumin). Il lut alors l’essai de SANO Manabu intitulé « Tokushū burakumin kaihoron » (Traité sur la libération des habitants des hameaux discriminés), où l’auteur insistait sur la nécessité d’une auto-émancipation des burakumin dans une communauté d’action avec la classe ouvrière.
Très frappé par cet ouvrage, SAIKŌ Mankichi rendit visite à SANO Manabu, et à son retour fonda avec son ami SAKAMOTO Seiichirō un Bureau pour la constitution d’une association de nivellement (Suihei setsuritsu jimusho) ; ils éditèrent une brochure « Yoki hi no tame nisuiheisha soritsu shuishō » (Pour des jours meilleurs — Prospectus sur la constitution de la Société de nivellement) et firent appel à leurs camarades installés dans toutes les régions du Japon pour qu’ils suscitent des mouvements autonomes pour l’émancipation des « habitants des hameaux ». Lors du congrès constitutif de la Société nationale de nivellement (Zenkoku suiheisha) qui se tint à Kyōto en mars 1922, le manifeste adopté par 3 000 congressistes émus fut le projet rédigé par SAIKŌ Mankichi ; abordant les problèmes de la dignité humaine et de l’esprit d’égalité, ce texte a pu être considéré à juste titre comme la Proclamation des droits de l’homme au Japon. Et d’ailleurs, c’est dans une large mesure que l’on a pu également considérer la gestation de la Société de nivellement (Zensui) comme l’œuvre de SAIKŌ Mankichi. En effet, tout en participant aux activités de la Société nationale de nivellement, ce dernier combattit également le système des propriétaires fonciers parasites dont il réclamait l’abolition pour mettre fin à l’asservissement des masses paysannes ; organisant au sein des hameaux discriminés des syndicats paysans, SAIKŌ Mankichi s’efforça de conjuguer leur action à celle des formations paysannes ordinaires. Devenu permanent du siège central du Syndicat des paysans japonais (Nihon nōmin kumiai), il collabora à la rédaction de l’organe, Tochi to jiyū (Terre et liberté) et dirigea de nombreux conflits de petits fermiers (kosaku). En tant que membre fondateur du Parti des paysans et des ouvriers (Nōmin rōdōtō), SAIKŌ Mankichi déploya une immense activité pour la préparation de ce dernier qui fut cependant interdit par les autorités le jour même de sa constitution. Loin de déclarer forfait, il se consacra alors à l’organisation du Parti des ouvriers et des paysans (Rōdō nōmintō) qui vit le jour l’année suivante en mars 1926 ; il fut élu membre de son Comité central. Ayant adhéré la même année au Parti communiste japonais (Nihon kyōsantō), il milita au sein des fractions communistes dans la Société nationale de nivellement (Zensui) et dans le Syndicat des paysans (Nichinō). SAIKŌ Mankichi se présenta aux élections générales de lévrier 1928 dans le département de Nara, sur la liste du Parti des ouvriers et des paysans (Rōdō nōmintō), mais ce fut un échec. Arrêté au cours de la vague de répression du 15 mars suivant, il fut condamné à une peine d’incarcération de cinq années qu’il purgea sans faire appel. Relaxé sous caution en 1933, il publia « Mat­ surigoto ni yoru kōjiteki takamagahara no kensetsu » (La Construction d’un nouveau « Pays des dieux »), qui marque le début de son engagement dans la voie prônée par le Parti du socialisme d’Etat (Kokka sha­ kaitō) et la Fédération impériale des paysans (Kōkoku nōmin dōmei) ; c’est sous ce nouvel angle qu’il poursuivit ses objectifs antérieurs de libération des habitants des hameaux discriminés, des ouvriers et des paysans. La défaite du Japon dans la Deuxième Guerre mondiale rendit SAIKŌ Mankichi pour un temps incapable d’entreprendre quelque action que ce soit ; mais après une longue et douloureuse introspection, ayant repris conscience de ses responsabilités, il se rétablit et lorsqu’apparu en 1952, le concept d’« autodéfense d’un Japon pacifiste », il se fit le champion d’une paix perpétuelle, luttant pour l’interdiction des bombes nucléaires, il milita pour l’instauration d’une politique authentique de coexistence pacifique. Il réclamait notamment que la science et les techniques soient mises au service de la paix et de la prospérité universelles ; « plutôt que d’être destinées à tuer des êtres humains, les forces d’autodéfense devraient être converties en forces de paix occupées à faire vivre les hommes ».
SAIKŌ Mankichi a laissé de nombreux écrits dont des pièces de théâtre autobiographiques Jōka (Foyer ardent), 1923, et Tenchū gumi (Le Clan de la vengeance), 1924 ; il écrivit en outre nombre de romans et de contes.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article237559, notice SAIKŌ Mankichi (KIYOHARA Kazutaka, dit)., version mise en ligne le 29 juillet 2022, dernière modification le 31 janvier 2022.

ŒUVRE : SAIKŌ Mankichi chōsaku shū (Recueil des œuvres de SAIKŌ Mankichi), 1971.

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