FILIÂTRE Yvonne [née ROUCHY Yvonne, Marie], écrit souvent FILIATRE

Par Jean-Michel Brabant, Claude Pennetier

Née le 9 août 1909 à Aubervilliers (Seine, Seine-Saint-Denis), morte le 1er décembre 1999 à Maisons-Alfort (Val-de-Marne) ; couturière puis secrétaire ; militante socialiste oppositionnelle puis trotskiste ; déportée en Allemagne ; militante de l’UGS et du PSU.

Yvonne Filiâtre en 1959
Yvonne Filiâtre en 1959

Le père d’Yvonne Rouchy, Charles Rouchy (1883-1914) d’origine auvergnate, ébéniste et commerçant de meubles rue des Pyrénées à Paris, fut tué, dès novembre 1914 sur le front de l’Argonne. Sa mère, Alphonsine née Roger (1887-1976), perdit la tête et passa le reste de sa longue vie en maison de santé. Yvonne Rouchy entra en 1916, pour trois ans, à l’orphelinat de guerre de Marseille avec son frère et sa sœur. Elle fut placée chez des paysans de Haute-Marne où elle fut battue. Elle s’enfuit. À Paris, bonne élève attachée à l’école, elle obtint son certificat d’études primaires en 1920 et travailla en usine dès l’âge de onze ans.

Placée chez les religieuses sécularisées, elle apprit le métier de couturière. Refusant de devenir sœur, elle trouva à s’employer, jusqu’à l’âge de dix-huit ans, comme domestique. Avec l’aide d’un dominicain, elle étudia se préparant ainsi à être employée. Émancipée, elle reprit son travail de couturière mais, en raison du chômage, s’embaucha comme secrétaire (elle avait appris la dactylographie sur un clavier en carton) et fit la connaissance du militant Roland Filiâtre dans une entreprise.

À cette époque, elle assista à une manifestation en faveur de Sacco et Vanzetti et s’orienta vers l’action militante.

Yvonne Rouchy se maria à Saint-Ouen le 12 mars 1931 avec Roland Filiâtre.

Gagnée peu à peu aux idées révolutionnaires, elle adhéra au Parti SFIO, en 1934, à Conflans-Sainte-Honorine (Seine-et-Oise, Yvelines), après avoir milité dans des comités de chômeurs. À l’intérieur de la formation socialiste, elle rejoignit, avec son mari, le groupe bolchevik-léniniste fondé en septembre, par les trotskistes. Yvonne Filiâtre resta membre de la section socialiste SFIO de Maisons-Alfort après le départ du GBL fin 1935. Sa section la chargea de créer un groupe de femmes socialistes en juin 1936. Elle fut exclue des Jeunesses socialistes lors du congrès national de Creil (Oise), réuni du 27 au 29 mars 1937 et du Parti socialiste le 18 avril 1937. Elle participa à d’éphémères Groupes d’unité révolutionnaire, avec Jean Tessier, qui, refusant de suivre Lucien Weitz dans la constitution d’une Jeunesse socialiste autonome, adhérèrent à la Jeunesse socialiste révolutionnaire de Fred Zeller. Elle devint membre du comité central de cette organisation et adhéra au Parti ouvrier internationaliste de Pierre Naville et Jean Rous.

Officiellement trésorière du Secours international solidarité-liberté, elle assura, en 1938, la responsabilité technique d’un certain nombre de liaisons avec l’opposition de gauche internationale. Son logement servit de refuge à de nombreux étrangers comme Tarov (Manoukian Armenak, Dav’tian Arben, Abramovitch dit). Ce fut dans ces conditions, qu’elle fut mêlée, en juillet 1938, à l’affaire Rudolf Klément, responsable du Secrétariat international du mouvement trotskiste, logé chez les Filiâtre, que l’on retrouva, décapité et amputé des deux jambes, dans la Seine après avoir été enlevé par la Guépéou.

Refusant de rejoindre, en 1939, le Parti socialiste ouvrier et paysan de Marceau Pivert, Yvonne Filiâtre participa néanmoins, dès le début de l’Occupation, à la reconstitution de l’organisation trotskiste clandestine. Active dans le travail politique en direction des soldats de l’armée allemande, elle fut arrêtée, avec son mari, le 6 octobre 1943 et fut déportée successivement à Ravensbrück, Hanovre et Bergen-Belsen.
Elle fut homologuée comme membre du réseau Thermopyles, FFL

Libérée, en juin 1945, atteinte du typhus, elle reprit cependant, dès son retour, son activité au sein du Parti communiste internationaliste (PCI) qu’elle représenta aux législatives de juin 1946 dans l’Isère. Rompant avec le PCI, en 1948, elle rejoignit par la suite l’Union de la gauche socialiste et participa, en 1960, à la fondation du Parti socialiste unifié et particulièrement à la vie de la section de Maisons-Alfort.

Sa maison de Potangis fut à la fin des années soixante, dans les années soixante-dix et quatre-vingt un lieu de rencontre amical des anciens trotskistes (Yvan Craipeau, Laurent Schwartz, André Essel, Marcel Pennetier, Pierre Naville) et de réfugiés politiques de divers pays. Éternellement souriante, accueillante et hyperactive, Yvonne Filiâtre contribua, avec Roland Filiâtre, à donner une image ouverte de cette première génération trotskiste. « Un cœur tendre dans une carcasse de fer » disaient ses proches.

Roland et Yvonne Filiâtre était parents d’une fille née le 11 décembre 1931 à Pontoise (Seine-et-Oise, Val-d’Oise), Rolande (Rolande Millot après son mariage avec le pédagogue Raymond Millot). Institutrice d’école maternelle, Rolande se consacra, avec son mari, à l’action et la réflexion pédagogique et mena une expérience à Grenoble (Rolande et Raymond Millot, Une voie communautaire. les écoles de la Villeneuve de Grenoble, Casterman, 1979).

Yvonne Filiâtre vécut à Maisons-Alfort après le décès de Roland en 1991. Elle mourut le 1er décembre 1999, à quatre-vingt dix ans, et fut incinérée au crématorium du Père-Lachaise le lundi 6 décembre.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article23768, notice FILIÂTRE Yvonne [née ROUCHY Yvonne, Marie], écrit souvent FILIATRE par Jean-Michel Brabant, Claude Pennetier, version mise en ligne le 25 novembre 2008, dernière modification le 19 août 2020.

Par Jean-Michel Brabant, Claude Pennetier

Yvonne Filiâtre en 1959
Yvonne Filiâtre en 1959
Yvonne Filiâtre, Guy Prévan et Jean-René Chauvin (Archives de la famille Filiâtre).

SOURCES : Arch. J. Maitron. — Arch. section socialiste Maisons-Alfort. — Service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 522043. — La Vérité, 1946. — Témoignage autobiographique, 28 avril 1974. — État civil d’Aubervilliers. — Renseignements fournis par sa fille, Rolande Millot. — https://www.memoiredeshommes.sga.de...

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