FUSELLA Jean-Baptiste, dit « Batti ». Pseudonymes : Barthélémy, SANTINI Jean, ORLANDUCCI Félix

Par Hélène Chaubin

Né le 9 septembre 1921 à Bastia (Haute-Corse), mort le 18 juillet 2007 à Bastia ; télégraphiste puis pêcheur ; résistant ; militant communiste et syndicaliste CGT, secrétaire de l’UD-CGT de Corse (1949-1952), dirigeant de l’ANACR de Haute-Corse à partir de 1990 ; conseiller municipal de Bastia.

Neuvième enfant d’une famille qui en comptait dix. Jean-Baptiste Fusella était fils d’un marin pêcheur à Bastia et d’une mère sans profession.

Jean-Baptiste Fusella, que tous nommaient « Batti », conformément à l’usage corse des diminutifs, obtint le certificat d’études primaires et, en 1934, devint télégraphiste à la poste de Bastia. Licencié en octobre 1939 après la dissolution des organisations communistes, il participa à l’activité artisanale de son père et, à partir de 1940, se consacra au métier de la pêche.

Les motivations politiques de Jean-Baptiste Fusella ne lui vinrent pas de sa famille, mais il grandit dans le quartier très populaire du Vieux Port de Bastia.

Entré très tôt – en 1936 – aux Jeunesses Communistes, Jean-Baptiste Fusella fut secrétaire de la section de Bastia jusqu’en 1939 et secrétaire du Cercle Paul Vaillant-Couturier. Il adhra au Parti communiste en avril 1939. En 1939, il fit partie de la délégation corse au Xe congrès national des Jeunesses communistes. Elle portait un drapeau bi-face avec la tête de Maure, qui avait été confectionné par un communiste de Bastia, Albert Stefanini*, un ouvrier-tailleur qui faisait également partie de la délégation et qui fut l’année suivante interné à la forteresse de Calvi. Cette délégation comptait onze personnes qui s’illustrèrent par la suite dans la Résistance, comme Étienne Micheli (dit « Léo »). Elle était conduite par Jean-Baptiste Angeli* responsable régional des Jeunesses communistes. Danielle Casanova* qui le reçut lui demanda de s’exprimer « in lingua materna ».

La guerre et l’Occupation allaient faire de Jean-Baptiste Fusella un résistant des plus actifs, rapidement contraint à la clandestinité. En 1940, il fit partie dans la clandestinité du premier triangle des Jeunes communistes en Corse. Ce sont ses convictions communistes qui le préparèrent à la Résistance. Dès juillet 1940, les premiers tracts furent tirés dans un magasin à filets du Vieux port sur la machine à écrire du syndicat du Bâtiment. Sur la jetée du port de Bastia, de jeunes Bastiais inscrivirent en gros caractères : « À bas Pétain, à bas Vichy, Pétain=Bazaine ».

Jusqu’à la Libération, des tracts furent distribués dans les boites aux lettres, jetés aux spectateurs des cinémas, des stades, ou aux passants sur le boulevard Paoli.

Un élément essentiel fut la rencontre en janvier 1941 avec Pierre Georges (colonel Fabien*) qui arriva à Bastia par le Général-Bonaparte et prit contact avec les Jeunes communistes. Il les réunit à Pietranera, près de Bastia, dans la maison des Fusella. Il resta jusqu’au 6 février. Lui-même n’avait alors que vingt et un ans. Il était revenu d’Espagne en mars 1938 après avoir été grièvement blessé et son prestige était grand. Il apporta des nouvelles de Gabriel Peri* et Danièle Casanova*. Ses conseils stimulèrent les jeunes communistes. Sous son influence, la direction clandestine régionale de la Jeunesse communiste résistante en Corse fut mise en place, dont Jean-Baptiste Fusella fit partie : « Fabien nous incitait à puiser dans l’histoire de notre île, pour faciliter le rassemblement des patriotes corses contre le fascisme italien et ses prétentions. »

Fabien* les poussa à créer des comités populaires pour la défense des conditions de vie et à élargir ainsi le front résistant qu’il nommait encore « Le Front des Français » et qui allait devenir, en mai, le « Front national ». Il leur apprit les pratiques des clandestins, l’utilisation du pochoir, les moyens de se procurer des « noyaux techniques », c’est-à-dire des moyens de reproduction. Dès février, grâce à l’aide des cheminots, ils rapportèrent d’Ajaccio une Gestetner. Fabien préconisa de laisser un « bon à valoir » pour les matériels empruntés. Ce qu’ils firent, par exemple, en décembre 1942 – alors que les occupants italiens venaient d’arriver – pour une ronéo, du papier, des stencils pris à l’École Mattei de commerce et d’industrie à Bastia. Le matériel fut caché dans une barque puis chez les Fusella au Vieux Port.

Le 28 avril 1942, alors que les Jeunes communistes préparaient le 1er Mai, Jean-Baptiste Fusella fut arrêté et incarcéré à la prison Sainte-Claire. Libéré au bout de trois mois, il fut envoyé en octobre au camp de jeunesse de Matifou en Algérie. À son retour, la direction clandestine du Parti communiste corse lui donna la responsabilité de l’organisation en Casinca Il s’y rendit avec Léo Micheli*. Le recrutement s’étendit peu à peu à toutes les régions de Corse.

Jean-Baptiste Fusella fut recherché par les Italiens. En 1943 le Front national corse se prépara à la lutte pour la libération : des armes arrivèrent d’Alger par sous-marins ou parachutages. Jean-Baptiste Fusella fut chargé de diffuser dans l’île des tracts appelant à prendre les armes contre les occupants. Il ne fut pas arrêté, mais le Tribunal militaire italien le condamna par contumace le 19 juin 1943 à dix ans de réclusion. Il se cacha dans les maquis du sud de l’île. Il fut, à Ajaccio le 9 septembre, parmi ceux qui pénètrèrent à la préfecture et y installèrent le comité de Libération.

Les Corses furent mobilisés à partir de novembre 1943, Jean-Baptiste Fusella fut incorporé dans la Marine, dans la 8e escadrille de vedettes. Il participa en juin 1944 au débarquement sur l’île d’Elbe et en août à celui de Saint-Tropez. Son unité fut chargée de la chasse aux sous-marins. Démobilisé au bout de trente mois, il revint à Bastia et entra au conseil municipal comme communiste en 1946.

Jean-Baptiste Fusella revint aux activités de pêche jusqu’en 1952. Secrétaire de l’UD-CGT de Corse de 1949 à 1952, il partit ensuite comme navigateur. En 1960, il était à Marseille où il commandait des remorqueurs à la Compagnie Chambon. Il entra alors au bureau national de la Fédération des officiers CGT de la Marine marchande. Ces activités se poursuivirent jusqu’à sa retraite et son retour en Corse en 1976.

À partir de 1990, il fut responsable de l’ANACR de Haute-Corse et présida l’association départementale des Amis de la Résistance qu’il avait fondée.

Jean Baptiste Fusella s’était marié en janvier 1944 à Bastia avec Marie Giusti, née le 22 décembre 1922 ; ils eurent cinq enfants.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article23777, notice FUSELLA Jean-Baptiste, dit « Batti ». Pseudonymes : Barthélémy, SANTINI Jean, ORLANDUCCI Félix par Hélène Chaubin, version mise en ligne le 25 novembre 2008, dernière modification le 16 décembre 2019.

Par Hélène Chaubin

Plaques sur le port de Bastia

SOURCES : RGASPI, Moscou, 495 270 8782, rapport SMC, 2 février 1950. — Nombreux entretiens et correspondances avec Jean-Baptiste Fusella. – Témoignage écrit de J.-B. Fusella en mai 2006. — Éléments écrits pour une autobiographie en préparation intitulée : « Souvenirs d’U Sgaiùffu », (garnement, polisson…), février 2006. — Collection du journal hebdomadaire Le Petit bastiais, 1997-2003 (arch. privées d’Hélène Chaubin). — État civil de Bastia.

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