CAMPAN Louis

Par Dominique Lerch

Né 26 août 1886 à Menville (Haute-Garonne), mort le 5 mai 1938 à Toulouse (Haute-Garonne) ; instituteur à Toulouse ; fondateur de deux sociétés mutuelles, l’Autonome de Solidarité Laïque de la Haute-Garonne et l’Union Solidariste Universitaire.

Fils d’un père menuisier-ébéniste et d’une mère, fille d’un cultivateur, Louis Campan fut formé à l’École normale d’instituteurs de Toulouse. Il se maria en 1905 avec Marie Larrieu, née à Menville en 1880. Le couple eut deux garçons dont Firmin Campan, futur inspecteur général de sciences naturelles. Enraciné à Toulouse par son grand-père et sa tante propriétaires d’une fromagerie dans le quartier des Carmes à Lévignac où il garda une métairie et à Menville où il fut adjoint au maire, Louis Campan, initié à la franc-maçonnerie durant le passage à l’ENI, mena de front quatre activités : pédagogue, naturaliste, conférencier, militant de base puis fondateur de l’Autonome de solidarité.

Enseignant de 1894 à sa retraite à l’école Lespinasse du quartier Saint-Cyprien, il édita chez Dupuy à Toulouse un Essai de composition française, militant en faveur de la simplification orthographique. Il accueillait dans sa classe des élèves maîtres. S’adonnant aux sciences naturelles, il élabora un herbier, fonda la société entomologiste de Toulouse, édita un manuel pratique sur la chasse aux coléoptères. Conférencier, il aborda des thèmes généraux : « La vérité historique depuis la Bible jusqu’à nos jours », « Les lois physiologiques générales qui régissent le règne humain », l’hypnose… Adhérent en 1906 à la Ligue internationale des libres penseurs spiritualistes, militant au parti radical puis radical socialiste, pessimiste actif, il fonda en 1903 l’Autonome de solidarité, une mutuelle axée sur la défense de l’enseignant attaqué sur sa responsabilité personnelle dans l’exercice de ses fonctions. Il adhérait dans un premier temps à la société toulousaine contre la diffamation et les accidents, dite société de Lamourère, fondée en 1894 à Toulouse, qui disposait d’un journal, L’École laïque. En désaccord avec cette dernière, il participa à la création de La France laïque. D’innombrables procès en diffamation, avec des tombereaux d’injures, ponctuèrent les années 1904-1915.

Le Code civil (1804) fixait la responsabilité des maîtres d’école, notamment son article 1384 précisait lors de dommages causés par leurs élèves pendant le temps qu’ils sont sous leur surveillance. Entre 1891 et 1903, trois affaires secouèrent le milieu enseignant : Leblanc, directeur d’école à Fontenay-sous-Bois (Seine), fut déclaré civilement responsable du décès d’un élève durant la récréation où il avait été frappé par des camarades. Très affecté par la mort de l’élève, par le jugement, Leblanc perdit la raison et ne put faire appel dans le délai légal. Même si en 1892, en appel (mais l’appel n’émana pas de lui et la Cour ne put le décharger), il fut déclaré avoir été condamné à tort. En 1894, à La Souterraine (Creuse), un élève, tombé dans un trou de la cour, devint infirme à vie. Le directeur, Guillot, fut condamné à de forts dommages et intérêts (2.500 F) et au versement d’une rente à vie de 260 F (soit 1/4 de son salaire annuel). Enfin, Gabillot, instituteur meusien, engagé dans la lutte anticléricale, fut accusé à tort de trois crimes dans son lieu d’exercice. Il se suicida. Campan constata qu’il fut « abandonné par l’École laïque, sa mort tragique est un si douloureux retentissement [car] il est mort de cet abandon. »

Dans ce contexte, Campan milita sur trois fronts :
• sur le plan législatif, pour faire en sorte que la responsabilité de l’État se substitue à celle de l’enseignant : 1899, 1987, 2000 ;
• sur le plan d’une solidarité professionnelle, la création d’abord de la Société contre la diffamation et les accidents de Lamourère à Toulouse puis, en 1903, de l’Autonome de solidarité en réaction violente et durable à l’égard des pratiques de la première association qui utilisait 9/10 des fonds collectés pour des frais généraux. Jaurès prit position en 1902 sur ce conflit qui entraîna la dissolution acquise en 1904 après d’innombrables procès, articles de presse, notamment dans La Dépêche et dans les organes de chacun des protagonistes ;
• l’aide apportée, à partir du réseau de l’Autonome de solidarité, dans la fondation d’une assurance pour les élèves, la Mutuelle Accident Élèves (MAE). Pour pérenniser l’Autonome de solidarité, Campan créa en 1909 une Union Solidariste Universitaire, société mutuelle d’assurance.

L’Autonome de solidarité, fondé le 9 juillet 1903, témoin du mouvement amicaliste et du solidarisme des années 1900, eut une existence itinérante durant une longue période : les affaires furent gérées par le bureau d’une autonome départementale. Progressivement, les départements entrèrent dans cette logique, y compris les départements algériens, la Tunisie, le Maroc. Campan y garda une place essentielle : sa devise étant « rien ne passe concernant les Autonomes qui ne me soit soumis ». L’œuvre continua après son décès. Des crises surmontées ou non (en particulier l’ombrageuse départementale de la Seine exclue en 2005, l’Offre Métiers avec la MAIF en 2008, le lien avec l’Union Solidariste Universitaire). Cette assurance mutuelle permit de réguler, pour partie, le système éducatif. L’USU ayant fusionné avec la MAIF en 2020, cette Offre Métiers associait désormais une association (l’Autonome de solidarité laïque) et une seule mutuelle d’assurance, la MAIF .

L’Autonome de solidarité laïque prit en charge les affaires d’ordre moral (conflits avec les parents, entre les enseignants, accusations d’affaires de mœurs, coups). Le principe d’une défense ne signifia pas autre chose qu’un principe. Elle prit aussi en charge les conséquences des accidents professionnels et l’invalidité professionnelle permanente, les bris de lunettes, des consultations juridiques avec, dans chaque département, un avocat-conseil et les questions de responsabilité civile. Les archives de cette mutuelle permettent de parcourir les tensions, les accidents, les drames du milieu enseignant (assassinats, paroles d’enfants, d’adultes, affaires de mœurs, accusations sans fondement, risques numériques, harcèlement).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article237800, notice CAMPAN Louis par Dominique Lerch, version mise en ligne le 29 janvier 2021, dernière modification le 1er novembre 2022.

Par Dominique Lerch

SOURCES : Arch. Mun. Toulouse, archives Campan. — Archives de l’Autonome de Solidarité Laïque. — AYMONIER (Alain ), Chronique d’une présidence. D’une Autonome départementale à la Fédération des Autonomes de Solidarité 1977-2008, Paris, Sudel, 182 p. ; LERCH (Dominique), L’enseignant et les risques de son métier. Un siècle d’histoire associative : l’Autonome de Solidarité (1903 – 2003), Sudel, Paris, 2003, 288 p. ; Assurer les risques du métier d’enseignant. Une société d’assurance mutuelle, l’Union Solidariste Universitaire (1909 – 2009), Paris, Sudel, 2009, 272 p.

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