Par Jean-Guillaume Lanuque
Né en 1928 à Nanterre (Seine, Hauts-de-Seine), mort le 19 septembre 2007 à Toulon (Var) ; militant trotskiste autogestionnaire dit « pabliste », membre du PCI-SFQI, puis du PCI minoritaire, de la TMRI, de l’AMR, du PSU, des CCA, de l’AREV et des Alternatifs.
Sur l’acte de naissance de Michel Fiant, son père était déclaré « comptable » et sa mère « dactylographe ». Ses parents se séparèrent six mois après sa naissance et ce fut sa mère, employée dans un ministère, qui s’occupa de lui. Il suivit des études dans un lycée agricole et dans une école d’industrie laitière, ce qui lui permit d’obtenir un diplôme professionnel de technicien en juillet 1947. À la fin de l’année, il partit travailler en Tunisie dans un service agricole dépendant de l’administration du protectorat et y participa à la fondation d’un syndicat. Ce fut également en Tunisie qu’il remplit ses obligations militaires, et qu’il adhéra à la IVe Internationale en janvier 1949.
Revenu en métropole à partir de 1951, Michel Fiant travailla comme ouvrier six mois aux Établissements Lavalette à Saint-Ouen. Il fut licencié en juin 1952 pour avoir occupé son usine durant une grève. Il enchaîna ensuite les emplois de courte durée et suivit une formation de fraiseur. En mars 1953, il parvint à être embauché aux laboratoires Dervaux de Boulogne-Billancourt (Seine, Hauts-de-Seine), une usine où l’on concevait des radars pour l’industrie aéronautique. Par la suite, il fut muté à leur usine de fabrication électronique à Bezons (Seine-et-Oise, Val-d’Oise). Il y cofonda une section CGT dont il devint secrétaire, et fut même élu délégué et secrétaire au comité d’entreprise. Après une longue grève, en 1958, l’entreprise fut rachetée et Michel Fiant licencié au mois de juillet, tout comme bon nombre de salariés. Il s’était marié en juin 1957 à Montmorency avec Andréa Pham Nhüng, union dissoute en 1962.
Ayant pris parti dans le mouvement trotskiste pour l’orientation proposée par Michel Pablo*, il demeura au sein du PCI-SFQI, désormais minoritaire. Au sein du PCF, où il était entré suivant la ligne de l’entrisme sui generis, il fut en 1956 un des fondateurs et rédacteurs de Tribune de discussion avec Denis Berger, Félix Guattari* et Michel Ravelli*, destinée à regrouper une opposition au sein du parti, et c’est lui qui fut choisi comme son représentant vis-à-vis des lecteurs ; un intellectuel comme Henri Lefebvre* collabora quelque temps avec eux, et Tribune de discussion fusionna en avril 1957 avec L’Étincelle, autre publication critique, l’échec de cette entreprise à l’automne conduisant l’année suivante à la création de La Voie communiste. Exclu du PCF en 1958, Michel Fiant fut élu la même année au bureau politique du PCI, plus spécialement chargé du travail vers les jeunes. Il intégra également le CEI de la IVe Internationale, devenant permanent politique. Dans le cadre de l’aide apportée par la IVe Internationale au FLN, Michel Fiant devint un des animateurs de Jeune résistance. Il était également gérant d’une épicerie au sud de Paris qui appartenait au FLN, façade, entre autres activités clandestines, pour la distribution des tracts. Arrêté par la police, il fut relâché par défaut de charges suffisantes. C’est lui que le jeune Alain Krivine* rencontra en 1957 dans son chemin vers le militantisme trotskiste. Suivant le travail des étudiants trotskistes de 1959 à 1962, il impulsa l’initiative du Front universitaire antifasciste, et s’impliqua plus généralement dans la gestation de l’opposition au sein de l’UEC, qui conduisit finalement à la création de la JCR. Les militants marxistes révolutionnaires « pablistes » décidèrent toutefois de demeurer au sein de l’UEC pour poursuivre le travail d’entrisme, sans parvenir par la suite à des résultats significatifs.
À la fin de l’année 1962, Michel Fiant effectua un séjour de trois semaines en Algérie dont il exposa les conclusions au comité central du PCI, défendant en particulier le « soutien critique » au nouveau régime. Proche des analyses de Pablo, il fit partie des fondateurs de sa tendance marxiste révolutionnaire avec Gilbert Marquis* (son beau-frère ; il se maria avec Jeanne Marie-Louise Marquis en septembre 1967 à Vanves) dès janvier 1964, et en décembre 1965, des exclus de la IVe Internationale, derrière Michel Pablo*, qui formèrent la Tendance marxiste révolutionnaire de la IVe Internationale (Michel Fiant et les autres militants français ayant été précédemment exclus du PCI-SFQI en octobre). Il intégra le bureau politique de l’Alliance marxiste révolutionnaire (AMR) à sa création, en juin 1969, groupe d’une centaine de militants, sensible aux « nouveaux mouvements sociaux ». Responsable du secteur jeunes, il recruta Maurice Najman*, parmi d’autres lycéens, et fut ainsi à l’origine de la création des Comités d’action lycéens dès 1967 ; il s’investit également dans l’action du Comité Vietnam national. Après la fondation en 1972 de la Tendance marxiste révolutionnaire internationale (TMRI), qui coupa le cordon avec le trotskisme de la IVe Internationale, l’AMR intégra en 1973 le Comité de liaison pour l’autogestion socialiste, au sein duquel elle côtoya le PSU. L’année suivante, l’AMR s’investit dans le projet de candidature de Charles Piaget* à l’élection présidentielle. Une fois les marxistes révolutionnaires autogestionnaires entrés au PSU, après le départ de Michel Rocard* et de ses partisans, Michel Fiant intégra le bureau national de l’organisation, devenant également un des responsables du secteur « Écologie et cadre de vie ». La même année, le PSU organisa d’ailleurs avec les Amis de la Terre la première manifestation contre le programme nucléaire français. Michel Fiant défendait alors l’idée d’un dépassement du PSU par son élargissement à une partie de l’extrême gauche et des écologistes, sur une base autogestionnaire, tout en revendiquant toujours la tactique du front unique à l’égard des organisations traditionnelles du mouvement ouvrier.
Michel Fiant quitta le PSU deux ans plus tard, tout comme l’essentiel de la tendance B du PSU constituée un an auparavant, et s’investit dans la fondation des Comités communistes pour l’autogestion (CCA) avec des dissidents de la LCR. Il s’y impliqua en particulier dans le travail de formation des militants et dans la création de la revue théorique Mise à jour, poursuivant avec d’autres le travail de réflexion visant à dépasser les acquis léninistes et trotskistes (sur l’analyse des États « socialistes », en particulier, qu’il qualifiait de « post-capitalistes proto-ouvriers ») au profit de nouvelles formes d’organisation, plus « mouvementistes », et à repérer les évolutions du capitalisme contemporain. Il fut également candidat des CCA aux élections législatives de 1978 et de 1981. Dans la crise que connaissaient les CCA au début des années 1980, Michel Fiant fit partie de la majorité opposée à la Tendance autogestion et internationalisme, qui maintint les CCA exclus de la TMRI fin 1981 face à une AMR reconstituée, avant de se fondre en 1986 dans la Fédération de la gauche alternative, avec les autres branches du courant marxiste révolutionnaire autogestionnaire. En 1988, il devint préretraité après avoir été à partir des années 1970 conseiller technique de fédérations d’associations d’éducation populaire sur des questions d’urbanisme et de démocratie associative ; cela lui permit plus aisément de participer à la campagne présidentielle de Pierre Juquin* en intégrant la structure d’animation nationale et en coordonnant la commission « Cité, citoyens ».
À la suite de cette campagne, il fut un des fondateurs de l’Alternative rouge et verte (AREV) en novembre 1989, issue de la fusion entre le vieux PSU et la Nouvelle gauche de Juquin ; il fit logiquement partie de son exécutif national. En 1994, il fut l’un des animateurs de la Convention pour une alternative progressiste (CAP), et, en 1995, de la campagne présidentielle de Dominique Voynet, soutenue par l’AREV et la CAP. Ces deux organisations finirent par fusionner en 1998 au sein des Alternatifs, avec un des textes fondateurs rédigés par Michel Fiant, « Pour le changement, l’autogestion ». Il fut d’ailleurs par la suite le principal rédacteur des textes consacrés à ce thème et adoptés par l’organisation. Des « Ateliers pour l’autogestion » furent même lancés à partir de 2003 (www.atelierspourlautogestion), dont il défendit le caractère ouvert à d’autres courants. Il vit enfin d’un œil positif et plein d’espoir l’essor du mouvement altermondialiste, encourageant la participation aux divers Forums sociaux mondiaux ; lui-même se rendit à celui de Porto Alegre en 2002, une expérience qui le marqua profondément. En 2005, il défendit le non au référendum sur le projet de traité constitutionnel européen. Il refusa toujours, par contre, de se lancer dans un travail historique du courant marxiste révolutionnaire autogestionnaire dit « pabliste » ou dans l’écriture de ses mémoires. Michel Fiant mourut à l’hôpital de Toulon le 19 septembre 2007, des suites d’un cancer qui le suivait depuis plusieurs années déjà.
Par Jean-Guillaume Lanuque
ŒUVRE : Autogestion hier, aujourd’hui, demain, 2010, Ed. Syllepse (finalisé par huit de ses camarades à partir des notes et de fragments de textes de Michel Fiant) ; articles dans La Vérité des travailleurs, Sous le drapeau du socialisme, L’internationale, Commune, Mise à jour, Nouvelles pratiques pour une gauche alternative, Rouge et vert, etc.
SOURCES : Hervé Hamon, Patrick Rotman, Les Porteurs de valises, Albin Michel, 1979. — Pierre Turpin, Les Révolutionnaires dans la France social-démocrate, 1981-1995, L’Harmattan, 1997. — Sylvain Pattieu, Les Camarades des frères, Syllepse, 2002. — Témoignage d’Alain Krivine, Rouge n° 2220, 27 septembre 2007. — Nécrologie de Bruno Della Sudda et Guy Giani, Rouge et Vert, n° 263, 19 octobre 2007. — Gilbert Marquis, « Michel Fiant, un militant de l’autogestion socialiste », Utopie critique, n° 42, 4e trimestre 2007. — Jean-Pierre Hardy, Le Courant marxiste révolutionnaire pour l’autogestion dit « pabliste » de 1965 à nos jours, mémoire inédit, juillet 2008. — Témoignage de Jean-Pierre Hardy, le 14 décembre 2008. — Témoignage de Daniel Couret, le 18 décembre 2008. — Notes de Richard Neuville. - État civil de Nanterre.